C-3’- POSTURE D’ACCOMPAGNEMENT DE L’ÉTUDIANT CHERCHEUR
1- Qu’est-ce que l’accompagnement pédagogique de l’étudiant-chercheur ?
C’est une posture de cheminement et de reconnaissance favorisant l’émergence, chez l’étudiant, du profil de chercheur.
Passer d’une posture de contrôle … | À une posture d’accompagnementh |
---|---|
Position haute et de contrôle imposant son savoir suivant un référentiel fermé | Posture porteuse de reconnaissance des particularités / spécificités de l’étudiant chercheur |
Posture de jugement normatif sur les compétences de l’étudiant | Posture de confiance et d’autorisation qui, au-delà des limites et des difficultés de l’étudiant, favorise l’émergence des compétences latentes et permet une évolution et un changement créatifs et surprenants |
Approche verticale, directive qui impose son savoir et refuse d’être contestée | Approche collaborative horizontale dans laquelle l’étudiant est autorisé à :
|
Autorité centrée sur l’exercice du pouvoir statutaire | Autorité bienveillante, créatrice qui :
|
« S’aventurer ensemble dans de nouveaux chemins » (De Ketele)
Cette posture de reconnaissance se nourrit de certains principes de base (Minier, 2009; Cifali, 2010; RESEAU, 2011; De Ketele, 2013, 2016) :
- Concevoir la réalisation d’une recherche comme un partenariat entre un chercheur confirmé et un chercheur débutant
- Se fixer une mission d’aller au-delà de l’objet de recherche en tant que tel pour se centrer sur la construction d’une pensée et sur la formation d’une personne
- Reconnaître que la démarche de recherche est une construction mettant en jeu la subjectivité de l’étudiant
- Permettre à l’étudiant-chercheur d’aboutir en l’accompagnant vers là où il se dirige (progression et direction) en même temps que lui (synchronisation)
- Croire foncièrement qu’il est capable de construire tout en acceptant qu’il passe par des séries de déstabilisations et de reconstructions
- Reconnaître qu’on est soi-même en mesure de construire une autre connaissance en accompagnant
2- Pourquoi cette posture d’accompagnement ?
- Susciter le goût et l’intérêt pour la recherche chez l’étudiant universitaire
- Lui permettre de développer posture et compétences de chercheur au-delà de la réalisation d’un mémoire ou d’une thèse (Bourhis, 2014):
- Construire des connaissances approfondies dans un domaine précis
- Adopter un comportement socialement responsable en regard des préoccupations et des enjeux éthiques propres à ce domaine
- Mener de façon autonome un travail de recherche pertinent
- Faire preuve de rigueur scientifique conforme avec la démarche de recherche choisie
- Favoriser l’avancement de l’étudiant dans son travail de recherche en contournant des difficultés majeures telles que : (RESEAU, 2011; Dupont et al, 2013) :
- Le manque de clarification à propos des attentes et des « règles du jeu »
- Le sentiment de l’étudiant d’être laissé à lui-même : une autonomie exigée précocement peut être perçue comme une forme de négligence et d’absence de soutien académique
- L’absence de feed-back précis et de commentaires clairement formulés. Exemples : la revue de littérature est trop scolaire ou pas assez personnelle et elle manque d’esprit critique ou il faut y adopter un style plus sobre
- L’absence de soutien motivant en complément du conseil scientifique
- Les malentendus tels que des divergences de vue entre l’étudiant et le directeur concernant plusieurs aspects : style et logique de l’écrit, stratégies méthodologiques, etc.
3- Comment procéder ? Quelles pratiques privilégier ?[1]
- L’intérêt pour la thématique de recherche de l’étudiant
- La compatibilité avec sa propre expertise
- La disponibilité effective pour consacrer le temps requis à l’encadrement de l’étudiant
- L’aptitude à accepter d’affronter les difficultés qui risquent d’émerger en cours de route dans un processus partenarial avec l’étudiant
- La compatibilité avec l’étudiant sur le plan des objectifs, des méthodes de travail, des motivations et des attentes
- Énoncer son approche et style d’accompagnement à l’étudiant : Clarifier l’approche privilégiée par l’enseignant et expliciter tout changement éventuel afin de favoriser un engagement averti et éclairé
- Laisser la place à l’autonomie de l’étudiant : Permettre à l’étudiant de cibler son projet dans des délais raisonnables. Lui accorder la liberté de prendre des décisions relatives au thème et aux méthodes de recherche
- Communiquer autour des attentes réciproques et expliciter les critères d’évaluation : Ceci permet à l’étudiant de s’engager dans un climat de congruence et de transparence
- Décider avec l’étudiant des modalités pratiques de l’encadrement et s’entendre avec lui sur les mesures nécessaires pour les respecter. Cette entente peut être verbale ou écrite et doit faire l’objet d’une révision périodique
- Être disponible et optimiser les rencontres dans des délais raisonnables
- Évaluer la progression du travail régulièrement et conjointement avec l’étudiant
- Veiller au bien-être intellectuel et personnel de l’étudiant dans un climat de confiance
- Accompagner et faciliter la rédaction: Clarifier les attentes de l’étudiant et établir des ententes sur le document écrit. Assurer une guidance sur la structuration du texte . Corriger avec une approche constructive et bienveillante
4- Pour en savoir plus
- Bourhis, A. (2014). La relation d’encadrement à la M. Sc., Guide pratique à l’usage des professeurs et des étudiants, HEC Montréal, Direction du programme de M. Sc.
- Cifali M., Mariette, T. et Bourassa M. (2010). Cliniques actuelles de l’accompagnement,
Paris : L’Harmattan, 208 p. - De Ketele, J.M. (2016). L’accompagnement des pratiques enseignantes : une tentative de modélisation des situations, Conférence, Bruxelles, 17 mai 2016
- De Ketele, J.M. (2016). L’accompagnement des travaux de recherche, Séance FSEDUUSJ, 26 octobre 2013.
- Dupont, S., Meert, G., Galand, B., et Nils, F. (2013). « Dépôt différé du mémoire de fin d’étude : comment expliquer le dépôt différé du mémoire de fin d’étude », L’accompagnement des mémoires et des thèses, ss. dir. Mariane Frenay et Marc Romainville, presses universitaires de Louvain (UCL), pp. 17-35.
- Minier, P. (2009). « Accompagnement de doctorants en éducation supporté par l’informatique et soutien à la cohérence textuelle », Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire / International Journal of Technologies in Higher Education, vol. 6, n° 2-3, 2009, p. 13-17.
- RESEAU - Revue au service de l’enseignement et de l’apprentissage à l’université. (2011). L’accompagnement de mémoire et de thèse, numéro 77.
Houwayda MATTA BOU RAMIA
2017
1- Consulter en Annexe 1 les pratiques détaillées
Annexe 1 :
Pratiques à privilégier
Avant le démarrage : Prendre une décision réfléchie et éclairée d’encadrer à la lumière de plusieurs considérations (Annexe2) : (Cifali et al. 2010; RÉSEAU, 2011; Bourhis, 2014)
- L’intérêt pour la thématique de recherche de l’étudiant
- La compatibilité avec sa propre expertise
- La disponibilité effective pour consacrer le temps requis à l’encadrement de l’étudiant
- Des considérations d’ordre éthique : examiner étroitement la faisabilité de la recherche en considérant le profil les caractéristiques, les circonstances de l’étudiant et la manière dont il veut s’y prendre
- L’aptitude à accepter d’affronter les difficultés qui risquent d’émerger en cours de route dans un processus partenarial avec l’étudiant
- La compatibilité avec l’étudiant sur le plan des objectifs, des méthodes de travail, des motivations et des attentes
Au démarrage : Favoriser un engagement réfléchi et éclairé de la part de l’étudiant (Annexe 3) (RESEAU, 2011, Bourhis, 2014).
- Énoncer son approche et style de direction à l’étudiant : Clarifier l’approche privilégiée par l’accompagnateur et expliciter tout éventuel changement afin de favoriser un engagement averti et éclairé
- Laisser la place à l’autonomie de l’étudiant : Permettre à l’étudiant de cibler son projet dans des délais raisonnables. Cependant, il est de la responsabilité de l’enseignant de s’abstenir d’être omniprésent et d’accorder à l’étudiant une très grande liberté dans la prise des décisions relatives au thème et aux méthodes de recherche
- Communiquer autour des attentes réciproques et expliciter les critères d’évaluation : Cette explicitation permet à l’étudiant de s’engager dans un climat de congruence et de transparence
- Décider avec l’étudiant des modalités pratiques de l’encadrement et s’entendre sur les mesures nécessaires pour les respecter : établir cette entente à la base de la clarification des attentes réciproques afin de renforcer la cohérence entre les deux acteurs et de réduire toute ambiguïté sur les responsabilités mutuelles. Cette entente peut être verbale ou écrite et doit faire l’objet d’une révision périodique
Au fil du travail : Fournir un encadrement pédagogique averti
- Être disponible et optimiser les rencontres (RESEAU, 2011, Bourhis, 2014)
- S’entendre avec l’étudiant sur un calendrier de rencontres régulières pour faire le point sur l’avancement du travail, et laisser à l’étudiant la responsabilité d’assumer ses engagements
- Veiller à instaurer une communication efficace en alternant les correspondances à distances et les rencontres en personne
- Se rendre disponible pour des rencontres ponctuelles et répondre aux demandes et aux courriels dans des délais raisonnables
- Proposer à l’étudiant de se préparer en avance en mettant par écrit les questions et les points à aborder
- Éviter que l’autonomie que l’on cherche à développer ne devienne synonyme d’abandon
- Évaluer régulièrement les progrès de l’étudiant dans l’avancement du travail (Bourhis, 2014)
- S’assurer d’une progression continue de l’étudiant
- Identifier précocement toute difficulté pouvant entraver l’évolution du travail et se concerter avec l’étudiant sur les moyens de remédiation
- Faire référence aux attentes réciproques
- Ajuster le projet initial, le cas échéant
- Relancer régulièrement l’étudiant en demandant des nouvelles de l’avancement de son travail
- Veiller au bien-être intellectuel et personnel de l’étudiant dans un climat de confiance (Bourhis, 2014)
- Explorer avec l’étudiant, et d’une façon constructive, les facteurs, sources de blocage / panne / démotivation… afin de pouvoir y remédier et d’optimiser son rendement
- Se concerter, au besoin, avec le responsable de programme pour orienter l’étudiant concerné vers les services spécialisés disponibles à l’université
- Accompagner et faciliter la rédaction
- 1. Clarifier ses attentes et établir des ententes sur le document écrit (Bourhis, 2014)
- Le type de document attendu de l’étudiant aux différentes étapes de la réalisation du travail: esquisses d’un plan global, plans des différentes sections, portions de chapitres ou chapitres entiers, ébauches de textes commentées, versions relativement avancées, textes jugés définitifs avant le dépôt, etc.
- La mise en forme requise : versions en mode brouillon, versions soumises à une correction orthographique, versions avec une mise en page finale,…
- Le niveau de précision de la rétroaction à l’étudiant: révision rapide d’un texte ayant été présenté à plusieurs reprises, correction en profondeur incluant le fond et la forme, vérification précise à propos de certains éléments précis du texte, …
- La rapidité de la rétroaction: le temps requis pour la lecture et la correction en fonction du niveau de rétroaction attendu
- 2. Assurer une guidance sur la structuration du texte (Minier, 2009)
- Favoriser l’instauration d’une continuité référentielle : proposer à l’étudiant des chemins concrets pour assurer la continuité entre les différentes parties de la démarche de recherche (cadre théorique/méthodologie; partie théorique/analyse des données, etc.) en l’incitant à faire des essais justifiés par écrit
- Habiliter l’étudiant à gérer la progression thématique : engager l’étudiant dans une dynamique d’appropriation et de réinvestissement favorisant la production finale du texte scientifique requis en annotant les différentes versions de l’écrit par des ajouts (explications, citations, références), des modifications (plans, déplacements de paragraphes), des ajustements (raisonnement, prise de position, interprétation) ainsi que des suppressions nécessaires (paragraphes non pertinents pour l’objet d’étude)
- Tenir compte des expressions de réflexivité de l’étudiant : répondre aux difficultés exprimées par l’étudiant à structurer ses idées et à articuler son texte par des suggestions de régulation qui précisent les aspects à consolider en explicitant la logique d’un texte mieux structuré et en rassurant l’étudiant sur les points forts de son texte
- 3. Aborder le texte à corriger avec une approche constructive et bienveillante (Cifali et al., 2010)
- Prendre conscience (ou se rappeler) qu’indépendamment de leur « justesse » ou pertinence, les critiques énoncés sur le travail peuvent traduire un manque de reconnaissance vis-à-vis de la personne ayant produit ce dernier et risquent ainsi de briser la confiance entre les acteurs
- Émettre des critiques constructives suggérant à l’étudiant des voies de dépassement des difficultés, dans un cadre sécurisant favorisant une relation de non jugement de sa personne
- Aider l’étudiant à acquérir des apprentissages pratiques en matière d’écriture et à mieux comprendre les règles de rédaction en fournissant des exemples types des textes attendus
- Commenter abondamment les premières pages produites par l’étudiant, en justifiant ses commentaires et en proposant des pistes de solution plutôt que de simples jugements
- Faire un travail conjoint à l’ordinateur pour faire profiter l’étudiant de corrections sur place sur la cohérence du texte et d’explications plus développées des points de vue mutuels
- Développer l’esprit critique de l’étudiant en l’invitant à traiter en profondeur et de manière personnelle des écrits recensés
- Refléter à l’étudiant, même celui confrontant des limites et faiblesses, sa confiance dans ses capacités à réaliser ce qu’il se propose de réaliser
Annexe 2 :
Proposition d’éléments à aborder lors d’une première rencontre étudiant –
accompagnateur (Bourhis, 2014 avec adaptation)
Présentation de l’étudiant
Bref CV
Liste des cours déjà suivis et des cours en prévision
Attentes quant à l’échéancier de rédaction du mémoire ou du projet supervisé
Contraintes particulières susceptibles d’affecter la réalisation du travail ou du projet (ex., travail,
responsabilités familiales)
Présentation de l’accompagnateur
Domaines d’expertise (cours enseignés, publications, mémoires ou projets supervisés)
Projets de recherche en cours (subventionnés ou non)
Autres encadrements de mémoires ou de projets supervisés en cours
Disponibilité pour l’encadrement
Discussion sur le projet de recherche
Motivation de l’étudiant pour le thème
Compétence de l’étudiant (cours suivis en lien avec le thème)
Adéquation du thème avec le domaine d’expertise ou l’intérêt du professeur
Faisabilité du projet (compte tenu de la nature du projet et des contraintes de chacun)
Flexibilité de l’étudiant quant au thème ou au plan de travail
Discussion sur le plan de travail
Énumération des étapes du travail à accomplir
Discussion sur les responsabilités de chacun à chaque étape
Discussion sur les exigences du directeur à chaque étape
Proposition d’un plan de travail préliminaire
Discussion sur les modalités d’encadrement
Clarification des tâches et responsabilités de chacun
Discussion sur le format et la fréquence des échanges et des rencontres
Clarification de la disponibilité attendue de la part du professeur, de la disponibilité
et de l’autonomie attendues de la part de l’étudiant
Discussion de la possibilité d’absence prolongée de part et d’autre
Discussion sur les dispositions à prévoir en cas de non-respect des engagements
Annexe 3 :
Proposition d’éléments à inclure dans une entente de collaboration
(Référence initiale Bourhis, 2014, enrichie de RESEAU, 2011 et de Minier, 2009)
Présentations
Présentation de l’étudiant (CV, relevé de notes, liste des cours à suivre)
Présentation du professeur (domaine d’expertise)
Contenu et planification du projet
Objectifs et nature du projet
Étapes de réalisation et échéancier
Réalisations attendues (ou livrables attendus) de la part de l’étudiant
Relations avec l’organisation ou le terrain où se déroule le mémoire ou le projet
Dispositions relatives à l’éthique de la recherche sur les êtres humains
Modalités d’encadrement
Clarification des attentes mutuelles
Clarification des tâches et des responsabilités de chacun
Entente sur le format et la fréquence des échanges et des rencontres
Clarification de la disponibilité attendue de la part du professeur
Précision d’un délai raisonnable à prendre par l’enseignant pour répondre aux communications
de l’étudiant ou pour lire et corriger les différentes versions du produit écrit
Clarification de la disponibilité, de l’autonomie et de l’effort attendus de la part de l’étudiant
Accord sur un échéancier de travail
Dispositions en cas d’absence prolongée de part et d’autre et des modalités d’encadrement
pendant cette période
Dispositions en cas de non-respect des engagements et de difficultés dans l’avancement
du travail
Dispositions en cas de mésentente ou de litige
Ressources à la disposition de l’étudiant
Ressources pédagogiques (identification des principaux écrits sur le sujet, journal de bord,
Grille d’évaluation des mémoires et projets supervisés, Guides de rédaction des mémoires et des
thèses, etc.).
Ressources matérielles et informationnelles (accès à un bureau, bibliothèques, logiciels, etc.)
Ressources financières (bourses, salaire, etc.)
Politiques et règlements universitaires
Autres informations à discuter
Intégration de l’étudiant dans une équipe ou un projet de recherche
Dispositions particulières dans le cadre d’une recherche subventionnée ou contractuelle
Dispositions particulières quant à la propriété intellectuelle
Participation à des séminaires de recherche, des colloques ou des congrès
Participation à des publications …
Houwayda MATTA BOU RAMIA
2017