B-17 - DÉVELOPPER LA MOTIVATION DES ÉTUDIANTS EN S’INSPIRANT DES NEUROSCIENCES
1- Comment se pose la question de la motivation des étudiants à l’université ?
Les étudiants universitaires arrivent généralement à l’université fortement motivés. La motivation décroît au fil des années (R. Viau, 2008). Le manque de motivation se pose également de manière plus ponctuelle et peut concerner une unité d’enseignement.
Le défi est donc de maintenir la motivation initiale ou de donner du sens à une unité d’enseignement spécifique.
2- Quel type de motivation favorise l’apprentissage ?
La motivation se situe sur un continuum entre deux polarités :
- Extrinsèque : motivation activée par des renforcements externes, comme les récompenses, les notes, etc.
- Intrinsèque : motivation interne activée par le sens attribué à la tâche elle-même.
Si la motivation extrinsèque joue un rôle, parfois pour déclencher un intérêt, elle n’est pas la plus déterminante pour un apprentissage dans la durée. Elle agit sur le court terme et disparaît en l’absence du renforcement. Quant à la motivation intrinsèque, elle se construit et garantit un apprentissage en profondeur et dans la durée. C’est de cette dernière que traite ce chapitre.
Rappelons que « savoir » vient du mot « saveur ». Il s’agit donc de présenter ce qui a de la saveur et ouvre l’appétit. Quant au verbe « apprendre », il suppose de « prendre ». On ne prend en soi qu’un « bon objet ». La présentation de l’objet (W.D. Winnicott, 1969[1]) est donc déterminante.
La motivation intrinsèque est au coeur du processus d’apprentissage, comme le prouvent les recherches en neurosciences (S. Dehaene, 2018).
3- À quoi reconnaît-on un étudiant motivé ?
Les indicateurs (R. Viau, 2008) les plus évidents de la motivation intrinsèque sont :
- L’engagement de l’étudiant : le degré d’effort mental déployé et l’utilisation systématique de stratégies d’apprentissage et d’autorégulation.
- La persévérance : le temps consacré à l’apprentissage et le maintien des efforts malgré les difficultés ou les échecs.
- La participation aux activités proposées.
Engagement, persévérance et participation favorisent à leur tour l’apprentissage.
4- Quelles sont les implications de la motivation intrinsèque sur le cerveau ?
Un cerveau motivé est mis en éveil. Il fonctionne et apprend mieux. La motivation intrinsèque active :
- son immense plasticité, levier de la capacité à apprendre;
- sa capacité à associer. Faire des liens est au fondement des actes d’apprendre, de réfléchir et d’innover;
- les organes de sens. Ceux-ci sont essentiels pour l’attention, pilier de l’apprentissage;
- des substances qui le mettent en éveil. Un cerveau démotivé sécrète ce qui l’endort;
- le rythme de transmission des informations;
- Plusieurs régions cérébrales, ce qui favorise et renforce l’apprentissage.
5- Quelles sont les implications de la motivation intrinsèque sur le cerveau ?
Les sciences cognitives et les recherches sur l’évolution nous informent sur les spécificités du cerveau humain évoquées ci-dessous. Ces informations sont précieuses pour déduire les conditions qui favorisent l’apprentissage.
6- Que nous apprennent les neurosciences sur le processus d’apprentissage en lien avec la motivation intrinsèque ?
Les neurosciences identifient quatre piliers pour l’apprentissage (S. Dehaene, 2018).
Nous expliciterons les deux premiers qui concernent directement la motivation intrinsèque.
La motivation intrinsèque favorise l’attention et l’engagement actif, lesquels impactent positivement l’apprentissage et la mémorisation. La mémoire fonctionne en effet en regardant vers l’avenir, vers ce qui nous sera utile. L’hippocampe enregistre ce qui nous intéresse ou nous marque.
7- Quelles sont les implications de la motivation intrinsèque sur le cerveau ?
- L’image de soi : celle-ci est intimement liée au regard et aux attentes des autres. Les recherches montrent que l’on s’y conforme inconsciemment (L. Jacobson, et R. Rosenthal, 1969[2]). Ce mécanisme, appelé effet d’attente ou effet Pygmalion, est confirmé par les théories de l’anticipation, de l’auto-réalisation et des prédictions créatives. Favoriser chez l’apprenant une image positive de lui-même est une condition déterminante pour la motivation.
- L’image de la matière ou de la tâche. Accorder du sens à la tâche est une autre condition incontournable pour la motivation intrinsèque.
- Le sentiment de contrôlabilité. Il est fortement articulé à la représentation que
l’on a des causes d’une réussite ou d’un échec, c’est-à-dire aux « attributions »
(A. Bandura, 2007[3]). Celles-ci prennent plusieurs formes : globales ou spécifiques,
externes ou internes, stables ou temporaires. Le sentiment de contrôlabilité est
favorisé par des attributions spécifiques, internes et temporaires. Les échecs
répétés, le sentiment d’impuissance ou le sentiment que ce qui nous est demandé
excède notre capacité à faire face, favorisent une résignation que l’on nomme
«résignation apprise » (M. Seligman, 1996[4]) elle tue la motivation intrinsèque et
empêche l’apprentissage. Le cerveau sécrète alors des substances activées lors
d’un état dépressif.
Mais si un excès de stress dû à un sentiment d’incontrôlabilité est nocif, l’absence de stress l’est tout autant, car elle engourdit et atrophie le cerveau. Une tâche ou un défi maîtrisables, à portée de l’apprenant, induisent un stress moteur et bénéfique. En effet, le cerveau recherche des épreuves pour en triompher, car il sécrète alors des substances considérées comme des “récompenses biologiques”. Celles-ci sont euphorisantes et activent le cerveau. - Les renforcements positifs et réalistes favorisent la motivation intrinsèque. L’indifférence la tue. Les renforcements négatifs, comme les réprimandes, ainsi que certains renforcements positifs externes, ont un effet à court terme. La motivation disparait en leur absence.
- La collaboration est plus efficace que la compétition qui ne fonctionne qu’à court terme.
- Le sentiment d’autodétermination ou d’autonomie est un facteur de motivation. La surveillance et le sentiment de contrainte agissent négativement. Alain Lieury articule le sentiment d’autonomie à la compétence perçue de soi pour décrire les attitudes et la motivation des étudiants (A. Lieury[5], 1996) :
8- Quelles sont les conditions favorables à la motivation que nous pouvons déduire des recherches en neurosciences ?
Certaines conditions sont inspirées de Rolland Viau (2008)
Climat |
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Perception de la valeur de l’activité |
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Perception de sa propre compétence |
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Sentiment de contrôlabilité |
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Approches pédagogiques |
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Évaluation |
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Renforcements |
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Enseignant Effet maître On enseigne avec ce que l’on est (Neruda) |
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Conditions physiques |
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9- Pour en savoir plus
- Bandura, A. (2007). Auto-efficacité : le sentiment d’efficacité personnelle. Paris : De Boeck Université-Bruxelles.
- Dehaene, S. (2018). Apprendre. Paris : Odile Jacob.
- Favre, D. (2010). Cessons de démotiver les élèves : 18 clés pour favoriser l’apprentissage. Paris : Dunod
- Harari, Y. (2015). Sapiens. Paris, Albin Michel.
- Janosz, M., Georges, P., & Parent, S. (1998). L’Environnement socioéducatif à l’école secondaire : un modèle théorique pour guider l’évaluation du milieu. Revue canadienne de psycho-éducation, 27(2), 285–306.
- Lieury, A. et Fenouillet, F. (1996). Motivation et réussite scolaire. Paris : Dunod
- Pink, D. (2016). La Vérité sur ce qui nous motive. Paris : Falmmarion
- Viau, R. (2009). La Motivation en contexte scolaire. Bruxelles : De Boeck.
- Viau, R. (2008). La Motivation des étudiants à l’université : mieux comprendre pour mieux agir, Université de Sherbrooke. http://www.pages.usherbrooke.ca/rviau/
- Vincent, J.D. (2012). Le Cerveau sur mesure. Paris : Odile Jacob
2- R. Rosenthal et L, Jacobson (1968), Pygmalion à l’école. Casterman
4- Seligman, M. (1996). L’impuissance acquise (learned helplessness) chez l’être humain, L’Année psychologique, 96-4
5- A. Lieury et F. Fenouillet (1996). Motivation et réussite scolaire. Paris : Dunod
Nada MOGHAIZEL-NASR
2020