b-3 - travail en sous-groupes
1- Qu’est-ce que le travail en sous-groupes ?
Un sous-groupe peut être défini comme étant un groupe de 4 à 5 personnes interagissant afin de se donner ou d’accomplir une cible commune, laquelle implique une répartition de tâches et la convergence des efforts des membres du sous-groupe constitué. Cette méthode consiste à mettre les étudiants en interaction pour atteindre un objectif commun : passer d’un travail en solo à un travail en réseau. Cela nécessite d’identifier les trois piliers qui caractérisent le travail en sous-groupes : un but à atteindre, une tâche à opérationnaliser en collaboration, un produit final à réaliser. Comme le mentionnent Johnson, Johnson et Smith (1991), pour qu’il y ait apprentissage coopératif, chaque membre doit contribuer à l’apprentissage des autres, faire en sorte que chacun assume sa part de travail et mette en pratique les habiletés requises pour que la coopération soit efficace. Il existe deux variantes majeures pour un travail en sous-groupes :
- Variante 1 : une tâche complexe à accomplir est fragmentée en sous-tâches. Chacun des membres du sous-groupe réalise une sous-tâche précise et différente. La mise en commun, au sein des sous-groupes, assure la construction du produit attendu.
- Variante 2 : Un travail individuel est réalisé par chacun des membres du groupeclasse. Ensuite, le travail en sous-groupes consiste à mettre en commun les différentes productions individuelles pour en dégager une synthèse.
Les techniques de travail en sous-groupes sont très variées, nous en citons quelques-unes :
la méthode d’intégration guidée par le groupe, le tour de table, la présentation réciproque,
les filtres, le briefing, le brainstorming, le métaplan, les mots-clés, le Q-Sort, le panel, les
7 points cardinaux, le Phillips 6x6, le diagramme causes-effet, le concassage, la synthèse
1-2-4, la méthode Jigsaw (pour les détails de ces méthode, se référer à Peeters, L. 2005,
pp 55-76). Certaines de ces techniques sont à cheval entre le travail en sous-groupes, le
travail en binômes et le cours magistral interactif.
Dans ce cadre nous distinguons[1] :
- l’apprentissage coopératif : production personnelle incluant la confrontation de son travail avec celui d’autres apprenants engagés dans la même démarche de production et dans un but commun;
- de l’apprentissage collaboratif : travail à deux ou à plusieurs, souvent à distance, avec des outils logiciels en réseau permettant une interaction entre des personnes ou des apprenants pour coproduire un même objet ou résultat. Il s’agit d’une collaboration sans répartition des tâches;
- de l’apprentissage participatif : méthode créative de résolution des problèmes qui fait participer activement chacun des membres du groupe.
Nous utiliserons, dans ce qui suit, l’expression «travail en sous-groupes» pour designer ce type d’activités, qu’elles soient à distance ou en présentiel, à partir d’un document de travail ou d’un problème à résoudre.
2- Pourquoi le travail en sous-groupes ?
Le travail en sous-groupe permet aux étudiants de construire leur savoir à travers une
activité commune, un projet commun. Ce travail coopératif est bénéfique car il génère
le développement des compétences cognitives et psychosociales de l’étudiant et permet,
grâce à la confrontation des représentations, de dépasser certains obstacles d’apprentissage.
Selon Meirieu (1999), le travail en sous-groupes répond à cinq objectifs :
- la finalisation : mettre l’accent sur le «besoin de savoir», sur les difficultés rencontrées et sur le sens de la tâche à réaliser ;
- la socialisation : la contribution de chacun au développement des relations au sein de l’équipe de travail et la découverte des modalités de fonctionnement de chacun seul et ensemble ;
- le monitorat : apprendre en enseignant à l’autre ;
- la confrontation : accepter le point de vue de l’autre, argumenter et accepter de mettre ses conceptions à l’épreuve.
Les intérêts d’un travail en sous-groupes se manifestent à un triple niveau[2] :
- Intérêts pour l’étudiant : partager divers points de vue, confronter et échanger des
idées, poser des questions, considérer une situation sous différents angles, exercer
une pensée critique, apporter sa contribution à la résolution de problèmes, découvrir
l’efficacité de la coopération, prendre conscience de la nécessaire structuration
d’un travail, s’impliquer dans l’organisation, dans la prise de décisions, développer
des habiletés sociales de participation, d’empathie, d’écoute, de respect, développer
l’estime de soi, se valoriser, révéler ses capacités mais aussi prendre conscience de ses
limites, développer des habiletés de conduite de groupe, d’animation, développer des
habiletés d’expression, de logique, de clarté, s’exprimer plus facilement en dépit de sa
timidité, formuler des suggestions, apprendre à adapter son langage à son auditoire...
les étudiants sont ainsi actifs, participatifs et motivés.
La variété des activités (visualisation d’une séquence de film, exploitation d’une fiche-guide et des documents, débat sociocognitif, prises de parole lors des mises en commun intermédiaires, etc.) pousse les étudiants à s’investir à tout moment. Les concepts sont construits et compris au fur et à mesure que la séance avance. Cette modalité de travail dépasse la mémorisation d’un contenu pour cibler le développement des compétences. - Intérêts pour l’enseignant : connaître les étudiants autrement, identifier les
difficultés et les lacunes, réajuster les objectifs d’apprentissage, transmettre des valeurs
de communication et d’écoute, différencier l’apprentissage en fonction des besoins
de chacun, orienter vers les ressources adéquates, témoigner de son leadership
participatif, jouer le rôle de médiateur cognitif...
L’enseignant est à son tour motivé (l’ennui de l’enseignant est transférable aux étudiants). Il joue surtout le rôle d’un animateur et d’un concepteur de séances de cours, plutôt que celui d’un transmetteur d’informations. Son cours, même pendant les moments d’intervention magistrale, est interactif. Il est «à jour» puisqu’il est en quête d’articles récents et de séquences filmiques adéquates. L’enseignant intervient donc peu : ce sont les étudiants qui sont en activité la plupart du temps. Il arrive à bien gérer sa classe, à motiver ses étudiants, à les impliquer dans l’apprentissage et à donner du sens à son métier. - Intérêt pour la relation «étudiant-enseignant» : établir une relation de coopération, favoriser la démocratie, co-construire. Ainsi, l’enseignant sera-t-il perçu comme une personne ressource accessible aidant à structurer, à orienter. Il est une personne à l’écoute.
Cet enseignement favorise donc la créativité et le développement des compétences dans le domaine des relations interpersonnelles (Peeters L., 2005). L’enseignant devient un conseiller et un accompagnateur qui organise l’environnement pédagogique, favorise le raisonnement inductif des étudiants, vise la compréhension personnalisée, pousse les étudiants à prendre des décisions et à résoudre des problèmes.
3- Comment procéder ?
Le travail en sous-groupes est souvent associé au chaos et à une perte de temps. Ceci est dû au fait que gérer un travail en sous-groupes nécessite une formation et une préparation minutieuses.
Pour que l’enseignant se lance dans un travail en sous-groupes durant une séance de cours, nous proposons la démarche suivante[3] :
- Phase de lancement
Étape 1 : L’enseignant présente brièvement les bases de la théorie à exploiter (de préférence en ayant recours à une présentation power point) (10 minutes) et lance une discussion autour d’une situation-problème (5 minutes). - Phase de motivation
Étape 2 : Les étudiants se répartissent en sous-groupes (4 à 5 étudiants par sousgroupe), se distribuent les rôles (animateur, script, rapporteur, gardien du temps et organisateur de data) et visualisent une séquence filmique ou analysent un document ou une image, relatifs à la théorie présentée (10 minutes). - Phase de travail individuel
Étape 3 : Les étudiants identifient le problème à résoudre en discutant avec l’enseignant et complètent individuellement les questions basiques d’une «fiche-guide» présentée par l’enseignant. La fiche-guide contient le titre et les objectifs de la séance, la situation-problème[4] (facultatif), le déroulement du travail en sous-groupes (étapes, consignes, documents, organisation temporelle et mises en commun intermédiaires), deux types de questions (questions basiques et questions d’approfondissement), le type de production attendue, ainsi que les références bibliographiques et webographiques (10 minutes). - Phase de mise en commun
Étape 4 : Les membres du sous-groupe mettent en commun leurs réponses et se mettent d’accord sur une seule réponse collective par consigne. L’animateur anime le débat, le script note les décisions prises sur un transparent, le gardien du temps contrôle l’heure et participe au débat, l’organisateur de data et le rapporteur interviennent également. L’enseignant ne se contente pas de circuler en surveillant le travail des sous-groupes, mais il s’installe à côté de chaque sous-groupe, en veillant à orienter la discussion et en évitant de donner des réponses (15 minutes).
Étape 5 : Chacun des rapporteurs de chaque sous-groupe dispose de 3 à 5 minutes pour présenter les résultats de la réflexion faite au groupe-classe. L’enseignant anime le débat et lance des questions d’approfondissement (15 minutes). Pour éviter les redondances, les rapporteurs peuvent compléter ce qui manque dans les présentations de leurs collègues. - Phase d’approfondissement
Étape 6 : Les sous-groupes se remettent au travail autour d’un document (article scientifique) distribué par l’enseignant. L’exploitation du document se fait d’abord de manière individuelle et l’échange se fait ensuite en sous-groupe pour compléter les questions d’approfondissement de la fiche-guide (15 à 20 minutes).
Étape 7 : Chacun des rapporteurs de chaque sous-groupe dispose de 3 à 5 minutes pour présenter au groupe-classe les résultats de sa réflexion. L’enseignant anime le débat (15 minutes). - Phase d’institutionnalisation
Étape 8 : L’enseignant fait une synthèse (de préférence en ayant recours à une présentation power point) (5 à 10 minutes).
4- Quelles précautions prendre ?
Il est conseillé d’éviter de laisser les étudiants travailler en sous-groupes très longtemps
(10 à 15 minutes maximum) ; d’où l’importance d’alterner «travail en sous-groupes» et
«mises en commun intermédiaires».
Les sous-groupes peuvent être homogènes ou hétérogènes du point de vue académique.
Pour s’assurer que chaque membre du sous-groupe participe au travail collectif et ne le parasite pas, des tâches différentes ou des questions différentes peuvent être adressées à
chacun des membres tout en veillant à ce que tout le sous-groupe assume la responsabilité
de la production finale.
L’exigence d’un travail individuel préalable au travail en sous-groupes reste un garde-fou
important pour l’implication de chacun.
La qualité du travail en sous-groupes dépend de la qualité de la préparation de la séance (fiche-guide, situation-problème, document, disposition spatiale de la salle, power point pour les moments d’intervention et de synthèse, etc.) et de la charte de fonctionnement suivante :
Pour les étudiants | Pour l’enseignant |
---|---|
Parler à voix basse | Proposer des consignes claires |
Réclamer des explications et non des réponses | Eviter de donner des consignes collectives quand le travail en sous-groupes a déjà commencé |
Demander de l’aide aux co-équipiers | S’approcher de chaque groupe pour discuter avec ses membres |
Respecter le rythme de tous les co-équipiers | Éviter de répondre directement aux questions posées. Orienter l’étudiant vers des pistes de réflexion et vers des documents |
Favoriser la discussion tout en évitant de sortir du sujet | Demander aux membres du sous-groupe d’intervenir et de reformuler certaines idées |
Respecter le point de vue de l’autre | Parler à voix basse lors de l’intervention auprès d’un sous-groupe |
Aider les autres à se concentrer | Expliquer une notion, au besoin |
Arrêter le travail une fois le sujet maîtrisé | Avoir une attitude d’encouragement (renforcements positifs) |
Le travail en sous-groupes permet donc «d’apprendre à coopérer et de coopérer
pour apprendre». Défendre le travail en sous-groupes et questionner la pertinence du
«magistral passif» ne veut en aucun sens «bannir» toute forme de méthode magistrale.
Des variantes de cette méthodologie dans l’enseignement, comme par exemple le recours
au «magistral interactif», stimulent parfois la réflexion et semblent être très efficaces avec
certains étudiants et dans certaines situations.
5- Pour en savoir plus
-
Ouvrages
- AARONSOHN, E. (2003), The Exceptional teacher: transforming traditional teaching through thoughtful practice. CA : Jossey-Bass, San Francisco.
- BRAUDIT, A. (2007), L’Apprentissage collaboratif, De Boeck, Bruxelles.
- DE VECCHI, G. (2006), Enseigner le travail de groupe, Delagrave, Paris.
- FELDER, R.M. & BRENT, R.(2009), «Active Learning: An Introduction.» ASQ Higher Education Brief, 2(4). A short paper that defines active learning, gives examples of activities and formats, and answers frequently-asked questions about the method.
- FELDER, R.M. & BRENT, R.(2009), «Learning by Doing.» Chem. Engr. Education, 37(4), 282-283 (Fall 2003). A column on the philosophy and strategies of active learning.
- GOURGAND, P. (1969), Les Techniques de travail en groupes, Privat, Paris.
- HENRI, F. E & Lundgren-carol, K. (2006), Apprentissage collaboratif à distance, Presses de l’Université du Québec.
- HUME, K. (2009), Comment pratiquer la pédagogie différenciée avec de jeunes adolescents ?, De Boeck, Québec, Canada.
- JOHNSON, D. W., JOHNSON R. T. et SMITH K. A. (1991), Cooperative Learning: Increasing College Faculty Instructional Productivity, Jonathan D. Fife, Series Editor
- LECLERC, C. (1999), Comprendre et construire les groupes, Chronique sociale, Lyon.
- PEETERS, L. (2005), Méthodes pour enseigner et apprendre en groupe, De Boeck, Bruxelles.
- VANPEE, D., GODIN,V., LEBRUN, M. (2008). «Améliorer l’enseignement en grands groupes à la lumière de quelques principes de pédagogie active», Pédagogie médicale, vol.9, N°1. Sites Web
- BENOIT, V. (2011), Pour plus d’interactivité dans l’enseignement universitaire : Tour d’horizon en grand auditoire et petit groupe, http://www.unifr.ch/didactic/assets/files/travaux%20participants/benoit_diplome.pdf
- LEBRUN, M. (2010), Méthodes actives pour favoriser l’apprentissage : Motivations et Interactions, http://www.ente.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/Methodes_Motivation_Aix_MarcelLebrun_cle12c577.pdf
- MEIRIEU, P. (1999), Pourquoi le travail en groupe des élèves ? http://www.meirieu.com/ARTICLES/pourqoiletdgde.pdf, INRP
- MEIRIEU, P. (2006), L’Éducation et le rôle des enseignants à l’horizon 2020, UNESCO, http://www.meirieu.com/rapportsinstitutionnels/unesco2020.pdf.
Fadi EL-HAGE
2013
1- Comparaison des démarches coopérative et collaborative. D’après France Henri et Karin Lundgren-Cayrol
(2006) - Apprentissage collaboratif à distance – Presses de l’Université du Québec – Pages 39, 40 et 41 –
Jacques Cartier http://www.jacquescartier.net/blog/coo_col.htm
2- http://dialogue.education.fr/D0047/Travailler_en_groupes.pdf
3- Il ne s’agit pas d’une prescription méthodologique. Des étapes peuvent être allégées et d’autres rajoutées.
4- Toute question dont la réponse n’est pas évidente et nécessite la mise en oeuvre de l’intégration de plusieurs
concepts (parfois interdisciplinaires). Une situation-problème est liée à un obstacle dépassable, et dont les
étudiants prennent conscience à travers l’émergence de leurs conceptions ; elle suscite aussi un questionnement
et représente une situation complexe liée au réel, débouchant sur un savoir global. Elle crée enfin des ruptures
et fait intervenir des moments de métacognition. (Voir chapitre «Situation-problème»)