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b-4 - situation-problème

1- Qu’est-ce qu’une situation - problème ?

C’est une activité consistant en la conception d’une tâche destinée à faire découvrir, par l’étudiant lui-même, des solutions à un problème. La résolution de ce problème doit permettre à l’étudiant l’acquisition et la validation de nouveaux apprentissages.
Une situation - problème comporte deux composantes essentielles (De ketele, 2013) :

  • Une situation contextualisée : Le problème à résoudre est toujours inscrit dans un environnement dont il dépend et dont il faut tenir compte. La situation proposée correspond à une situation réelle exigeant l’emploi d’acquis antérieurs.
  • Une tâche complexe : La résolution du problème suppose non pas l’application simple d’un savoir ou d’un savoir-faire, mais le recours à tout un processus, à un ensemble de savoirs et de savoir-faire, à une série d’activités et ou de manipulations.

La situation-problème doit être:

  • réaliste, réelle ou vraisemblable, ce qui montrera à l’étudiant la valeur concrète des savoirs et le rapport des activités universitaires avec le monde extérieur ;
  • nouvelle, pour empêcher le recours à des recettes et amener l’étudiant à mobiliser ses ressources ;
  • globale, comportant des données qui précisent le contexte et le but à atteindre. Ce but est un savoir construit qui apporte une explication raisonnée à un phénomène ou le dépassement d’une difficulté concrète.

Il s’agit donc de concevoir une situation qui mette les étudiants devant un obstacle à surmonter, un défi à réussir ou une énigme à résoudre. Les étudiants doivent se sentir aptes à le faire et s’y impliquer. (Astolfi, 1993).

Exemple de situation-problème en biologie

Un homme et une femme de groupe sanguin «O» ont eu un enfant de groupe sanguin «A» ! Étant convaincus que lorsqu’ils sont tous les deux de groupe sanguin «O», ils ne pourront jamais avoir un enfant de groupe sanguin «A», ils décident de consulter un généticien. Qu’en pensez-vous ?

2- Pourquoi utiliser une situation - problème ?

Réussir ses cours à l’université n’est pas une fin en soi car, au bout du compte, l’étudiant devrait être capable de mobiliser ses acquis en dehors de l’université, dans des situations de la vie personnelle et professionnelle diverses, complexes et imprévisibles. Il devrait être capable de mettre ses acquis au service du développement économique et social.
(Romainville, 2013). Ce transfert exige plus que la maîtrise des savoirs, il requiert leur intégration dans des compétences de réflexion, de décision et d’action, à la mesure des situations complexes auxquelles l’individu devra faire face (Romainville, 2013).
Les situations-problèmes peuvent être utilisées pour l’enseignement et pour l’évaluation.

Elles permettent :

  • de consolider l’apprentissage en amenant l’étudiant à réemployer ses savoirs et ses savoir-faire et à les mettre en relation ;
  • d’engager l’étudiant dans une réflexion sur ses démarches d’apprentissage (comment il s’y prend, son degré de maîtrise des résultats d’apprentissage attendus par la formation,...) et sur sa capacité à les exploiter (où chercher, comment tirer parti de...) (réflexion métacognitive) (Noël, Romainville & Wolf, 1995) ;
  • de développer l’identité professionnelle chez l’étudiant en l’exposant à des situations contextualisées.

3- Comment concevoir une situation-problème ?

Concevoir une situation-problème demande à l’enseignant de : (Meirieu, 1987) , (Partoune, 2002)

  1. Définir les résultats d’apprentissages attendus et les exigences requises :
    • Quels sont les résultats d’apprentissage attendus ? Qu’est-ce que je veux faire acquérir à l’étudiant ?
    • Quelle tâche lui proposer (communication, reconstitution, énigme, réparation, résolution, etc.) ?
    • Quel dispositif mettre en place ?
      • Quels matériaux, quels documents, quels outils ?
      • Quelles consignes pour accomplir la tâche ?
      • Quelles contraintes introduire pour empêcher les étudiants de contourner l’apprentissage?
    • Comment varier les outils, les démarches, les degrés de guidage ?
  2. Veiller à la pertinence du dispositif : Imaginer très précisément ce qui va se passer pour vérifier si la tâche est réalisable et si les résultats d’apprentissage pourront être atteints.
    • Apprécier la pertinence de la tâche en se posant les questions suivantes :
      • Quelles sont les capacités requises pour pouvoir franchir les obstacles prévus (savoirs, savoir-faire, savoir-être) ?
      • Ces capacités sont-elles en lien avec les résultats d’apprentissage recherchés ?
      • La situation-problème proposée crée-t-elle un besoin d’apprendre incontournable ?
        N’y a-t-il pas moyen d’arriver au résultat sans passer par les apprentissages prévus ?
  3. S’assurer que :
    • les étudiants donneront du sens à l’apprentissage proposé ;
    • la situation proposée constitue une énigme : ni trop difficile (hors de leur atteinte) ni trop facile. La situation doit amener les étudiants à remettre en cause leurs connaissances et leurs représentations antérieures et à en élaborer de nouvelles. L’enseignant doit cerner leur zone proximale de développement[5], tout en sachant prendre le risque de les mettre en insécurité, pour un moment, avant de les stabiliser de nouveau.

Les enseignants gagnent à travailler en équipe afin de tester les situations-problèmes proposées, de valider leur pertinence et de discuter les dispositifs à mettre en oeuvre en classe. (De Vecchi et Carmona- Magnaldi, 2002). Une institution peut consituter sa «banque» de situations - problèmes.

4- Comment utiliser une situation-problème ?

4.1. Pour l’enseignement

Il s’agit de permettre à l’étudiant d’utiliser ses acquis antérieurs mais néanmoins insuffisants, pour résoudre le problème proposé. La situation-problème est lancée en début de séance de cours. La construction de la réponse se fait tout au long de la séance.

Exemple du domaine de la chimie

Situation – problème : Interprétation d’un phénomène chimique observable dans la vie courante :

«Les chimistes se demandent pourquoi le mélange Coca-Cola (allégé de préférence) et bonbons Mentos provoque instantanément un puissant geyser sucré de couleur marron. Les forums se multiplient sur Internet pour échanger les formules et disserter sur les causes de cette réaction.»
Rédigez un compte rendu permettant d’expliquer scientifiquement les réactions chimiques qui sont à l’origine de l’effervescence observée.

Lieu : Laboratoire de chimie

Conditions:

  • Les étudiants sont répartis en groupes de deux.
  • Chaque groupe dispose du matériel de laboratoire, d’un nombre de substances et de solutions chimiques, d’une bouteille de Coca Cola light allégé et d’une boîte de bonbons Mentos.
  • Il vérifie que le mélange Coca-Cola et bonbons Mentos provoque instantanément un geyser sucré.
  • Il dispose de 100 minutes pour :
    • élaborer des hypothèses ;
    • vérifier chacune des hypothèses : concevoir un protocole expérimental, expérimenter, analyser les résultats et interpréter les faits ;
    • confronter les résultats avec les hypothèses ;
    • élaborer une synthèse.
  • Il rédige le compte-rendu en 30 min.
  • Les différents groupes exposent leurs hypothèses, leurs résultats et leur synthèse. Un débat s’établit entre les différents groupes, en vue de s’entendre sur une réponse collective.
  • L’enseignant présente une synthèse finale.

L’enseignant devra accepter de voir les étudiants réagir à la situation-problème d’une façon qui ne correspond pas tout à fait à ce qu’il prévoyait.

4.2. Pour l’évaluation

Le recours aux situations-problèmes permet de mieux vérifier la capacité des étudiants à mobiliser leurs acquis pour résoudre des problèmes réels.

Exemple du domaine des sciences de l’antiquité (Inspiré de L. Allal, 2010)

Situation – problème : Situation d’échange entre expert et novice autour d’un objet d’antiquité Vos parents vous ont offert un voyage de fin d’études dans un pays riche en archéologie. Vous vous trouvez chez un groupe d’«antiquaires» et votre mère (père, soeur, frère) s’intéresse à un objet.
Réalisez un entretien avec le groupe d’«antiquaires» permettant de dater l’objet choisi et d’identifier ses caractéristiques.

Lieu : Unité d’archéologie classique

Conditions:

  • Les étudiants, au nombre de vingt, sont répartis en groupes de cinq. Un groupe est désigné «groupe-acteur» pendant que les 3 autres sont désignés «groupes observateurs».
  • Dans le groupe-acteur, un étudiant est choisi pour réaliser l’entretien avec les «antiquaires» qui sont les quatre autres membres du groupe.
  • L’étudiant choisit un objet parmi une demi-douzaine à disposition (fragments de poterie, sculptures ou autres objets archéologiques). Il a 10 minutes pour faire son choix, le communiquer aux «antiquaires» et préparer l’entretien.
  • Les «antiquaires» anticipent les questions qui pourraient leur être adressées à propos de l’objet choisi et cherchent des réponses pertinentes.
  • Dans le «groupe acteur», l’étudiant pose des questions aux «antiquaires» à propos de l’objet. Cet entretien peut être filmé.
  • Les «groupes observateurs» constituent des jurys et évaluent l’entretien, suivant des grilles critériées (grille-étudiant, et grille-antiquaire).
    Les grilles d’évaluation sont préétablies et conçues par l’enseignant, en lien avec les résultats d’apprentissage attendus. Dans l’exemple ci-dessus, il s’agit de pouvoir:
    • décrire l’objet (avec une terminologie précise ) ;
    • analyser ses caractéristiques ;
    • faire une hypothèse de datation ;
    • poser des questions pertinentes à propos de l’objet ;
    • expliciter et défendre son point de vue.
  • Les résultats de l’évaluation des différents jurys sont annoncés avec leurs justifications. Un débat de 30 min se déroule entre les différents groupes «observateurs» et les membres du «groupe acteur» en vue d’aboutir à une évaluation commune. La séquence filmée de l’entretien est projetée, au besoin.

Selon L. Allal, les caractéristiques de cette situation d’évaluation sont les suivantes :

  • Une évaluation située dans une dynamique d’échange entre expert et novice : apprendre à expliciter et à défendre son point de vue, à poser des questions.
  • Une situation ouverte et complexe pour laquelle plusieurs stratégies sont possibles.
    Une importance est accordée aux questions posées par l’étudiant : savoir chercher l’information est plus important que de tout savoir.
  • Une situation portant sur la mise en oeuvre d’une compétence reliant des connaissances (concepts, terminologie en archéologie classique) à des capacités plus génériques : réflexion, analyse, communication, etc...
  • Une évaluation qui développe l’identité professionnelle future de l’étudiant (spécialiste en archéologie classique).

L’enseignant est appelé à revoir ses critères d’évaluation. Par exemple, la coopération entre les étudiants pourrait être considérée comme une compétence ou une ressource à mobiliser et, par la suite, à évaluer. ( De Vecchi et Carmona-Magnaldi, 2002).

5- Pour en savoir plus

Sonia CONSTANTIN
2013

1- Comparaison des démarches coopérative et collaborative. D’après France Henri et Karin Lundgren-Cayrol (2006) - Apprentissage collaboratif à distance – Presses de l’Université du Québec – Pages 39, 40 et 41 – Jacques Cartier http://www.jacquescartier.net/blog/coo_col.htm
2- http://dialogue.education.fr/D0047/Travailler_en_groupes.pdf
3- Il ne s’agit pas d’une prescription méthodologique. Des étapes peuvent être allégées et d’autres rajoutées.
4- Toute question dont la réponse n’est pas évidente et nécessite la mise en oeuvre de l’intégration de plusieurs concepts (parfois interdisciplinaires). Une situation-problème est liée à un obstacle dépassable, et dont les étudiants prennent conscience à travers l’émergence de leurs conceptions ; elle suscite aussi un questionnement et représente une situation complexe liée au réel, débouchant sur un savoir global. Elle crée enfin des ruptures et fait intervenir des moments de métacognition. (Voir chapitre «Situation-problème»)
5- La «zone proximale de développement», abrégée ZPD, est un concept central dans les travaux de Vygotsky qui exprime la différence entre ce que l’étudiant apprendra s’il est seul, et ce qu’il peut apprendre s’il est aidé.