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Le Gray renaît, comme Beyrouth avec Alain Geaam : un nouveau souffle promettant pour la capitale libanaise

Il y a des lieux qui ne sont pas seulement des bâtiments, mais des symboles. Pour Beyrouth, l’hôtel Le Gray en fait partie. Niché au cœur du centre-ville, il a longtemps incarné le luxe, l’hospitalité et l’ouverture au monde. Mais l’histoire récente du Liban a mis à rude épreuve ce repère : les secousses de la révolution d’octobre 2019, la crise économique et financière, ainsi que l’onde de choc causé par l’explosion du port en 2020 ont brisé ses murs et imposé sa fermeture. Beaucoup croyaient que la page était tournée, que ce joyau avait définitivement perdu son éclat.

Et pourtant, comme souvent au Liban, l’histoire refuse de s’écrire au passé. En septembre 2025, Le Gray annonce sa renaissance, et pas n’importe comment :  à ses côtés se trouve désormais Alain Geaam, le premier chef libanais étoilé.

Inauguré en 2009, Le Gray n’était pas un hôtel comme les autres. Son architecture élégante, ses terrasses panoramiques et son atmosphère cosmopolite en avaient fait un emblème du renouveau beyrouthin de l’après-guerre. On y croisait artistes, diplomates, voyageurs curieux et familles libanaises en quête d’un moment suspendu. Mais quand la ville a tremblé à l’automne 2019, avec les manifestations massives, les vitrines du centre-ville se sont brisées, et Le Gray, lui aussi, a vacillé. La crise monétaire et l’effondrement du secteur touristique ont fini par l’éteindre, laissant derrière lui une façade muette, presque fantomatique. Le voir aujourd’hui rouvrir, rénové et repensé, est déjà en soi un message fort : malgré les coups reçus, Beyrouth — et Le Gray avec elle — refuse de mourir.

Le pari de cette renaissance s’appelle Alain Geaam. Ayant quitté Liban dans les années 90, l’autodidacte passionné a gravi les échelons de la gastronomie à Paris jusqu’à décrocher, en 2018, une étoile Michelin pour son restaurant éponyme. Sa cuisine est un dialogue entre ses racines libanaises et la finesse française : un houmous qui rencontre la truffe, un kebbé réinventé avec audace…  Il met à l’honneur les saveurs de son enfance, sublimées par les techniques de haute cuisine. Aujourd’hui, Geaam revient à Beyrouth non pas pour une escale, mais pour inscrire sa créativité dans la pierre du cet hôtel. « Mon cœur est ici », disait-il dans une récente interview. Il ne revient pas seul : il ramène avec lui tout un savoir-faire, une vision, et la volonté de former une nouvelle génération de talents locaux.

Ce partenariat entre un hôtel mythique et un chef étoilé n’est pas qu’un simple accord commercial. C’est une promesse. Promesse d’emplois, dans un pays où la jeunesse fuit souvent faute de perspectives. Promesse de nouveauté, avec une gastronomie qui place le Liban sur la carte des destinations culinaires mondiales. Promesse, enfin, de fierté car voir un enfant du pays, reconnu à Paris, investir à Beyrouth, c’est croire encore que la diaspora peut être un moteur de renaissance. Le Gray rénové, avec ses suites redessinées, son restaurant signé Geaam et son ouverture sur l’art, aspire à redevenir un lieu de rencontre entre habitants, voyageurs et créateurs. Une ode à la vie pour cette capitale malmenée qui cherche à retrouver son souffle.

Dans ce projet, il y a bien plus que des murs repeints et des menus raffinés. Il y a une métaphore. Le Gray se relève, et avec lui, c’est Beyrouth tout entière qui se regarde dans le miroir. Une capitale abîmée, fatiguée, mais jamais vaincue. Comme le phénix, elle renaît de ses cendres, encore et toujours. Cette réouverture n’efface ni les blessures ni les défis. Mais elle rappelle à chacun que la ville porte en elle une force de résilience rare, capable de transformer la douleur en création. Le Gray et Alain Geaam nous invitent à croire qu’au-delà des ruines, le Liban a toujours un avenir à offrir, avec élégance et saveur.

Bientôt en franchissant de nouveau ses portes, nous ne franchirons pas seulement les portes de l’hôtel mais celle d’une histoire qui refuse de s’arrêter. Un signe, peut-être, que Beyrouth, malgré tout, continue à se battre.

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