« L'égalité devrait consister à traiter tout le monde de façon bienveillante et équitable, pas à obliger tout le monde à être identique. »
Joumana Haddad, autrice, poétesse et journaliste libanaise, est la voix de la littérature féministe contemporaine. Ses œuvres audacieuses interrogent les structures de pouvoir, les attentes genrées et les contraintes sociales qui pèsent sur les femmes, particulièrement dans les sociétés arabes, mais aussi au-delà. Haddad se distingue par sa capacité à aborder des sujets longtemps considérés comme tabous, notamment la sexualité féminine, tout en exposant les violences physiques et psychologiques infligées aux femmes dans un monde dominé par le patriarcat.
Dans son recueil J’ai tué Schéhérazade, elle déconstruit la figure mythologique de Shéhérazade en offrant une réécriture radicale de cette légende. En « tuant » la figure traditionnelle, Haddad revendique une vision de la femme émancipée et libre, capable de se réapproprier sa parole et de ne plus être réduite à un simple objet de désir ou à un rôle passif. À travers des poèmes, elle étudie le désir, la jouissance et la résistance, et fait de la sexualité un moyen de libération. Sa poésie est un acte politique cherchant à briser le silence imposé aux femmes et à affirmer leur autonomie face à la culture et la religion.
Cependant, la sexualité n’est pas l’unique terrain de bataille dans ses œuvres. Dans Superman est arabe, elle poursuit son exploration de l’oppression des femmes dans le monde arabe. À travers les histoires de femmes réelles et fictives, elle met en exergue leurs luttes pour échapper à un système répressif qui, tout en les plaçant en position de victimes, leur offre aussi une forme de pouvoir : celui de se révolter. Cette autrice invite les femmes à prendre en main leur destin, à ne plus se soumettre aux attentes sociales et à revendiquer leur place dans un monde trop souvent dominé par les hommes.
Ce qui distingue Haddad, c’est son approche radicale du féminisme. Pour elle, la lutte ne se limite pas à des revendications d'égalité, mais consiste en un bouleversement des normes établies. Sa vision de la femme dépasse les frontières traditionnelles de l’émancipation pour toucher à la réappropriation totale du corps, de la parole et de l’identité. Elle refuse d’être enfermée dans un discours qui se contente de réformer le patriarcat ; elle prône un changement profond et radical des mentalités et des structures sociales.
L’écriture de Joumana Haddad est donc une littérature de résistance puisqu’elle incite à l’action, à la révolte et à la réinvention de soi. Elle fait de la littérature un outil subversif, capable de déconstruire les codes sociaux et de redéfinir les rapports de pouvoir. Ses œuvres sont une invitation à s’affranchir des normes qui restreignent l’expression des femmes, et un moyen de revendiquer le droit à l’autonomie, au désir et à la liberté.