Avec l’élection de Joseph Aoun, un engouement nouveau s'est formé autour de l'espoir et du projet d'une "nouvelle ère" de l'histoire libanaise. Des espoirs tièdes, certes, et qui sont loin de faire l'unanimité ; mais des espoirs tout de même : un vent de fraîcheur dans notre paysage sociopolitique après les crises à répétition des dernières années et les sombres événements des derniers mois.
Aujourd'hui, tout a changé... et rien n'a changé ; l'horizon s'ouvre peu à peu et tout est à faire. Cela tombe bien, car, aujourd'hui, tout est possible : un souffle de changement vient balayer des éléments longtemps enracinés et, dans son sillage, il nous est permis d'espérer.
De fait, un semblant de printemps a émergé en plein cœur de l’hiver et un grand ménage a débuté : un ménage que le nouveau président entend bien entamer en purgeant l'institution publique de ses agents de corruption. Son entreprise est tout aussi salutaire qu'elle n'est vouée à l'échec, dût-elle se limiter à l'emprisonnement ou la destitution de fonctionnaires. En effet, même si, demain, tous les représentants étatiques ayant encaissé ne serait-ce qu'une livre de pot-de-vin étaient expulsés hors de l'institution publique, l'inertie de décennies de "wasta" rétablirait bien vite ces habitudes abjectes.
La raison ? Elle est dans nos têtes. Parce que la plupart des auteurs de corruption ne sont pas des bureaucrates, ce sont des gens normaux. Ceux qui, par habitude, par je-m'en-fichisme ou par lassitude, ont appris à collaborer en toute complaisance. Vous comme moi, nous avons contribué à l'établissement de l'état actuel de notre pays.
La bonne nouvelle, c'est que ce n'est pas notre faute et que la sociologie nous sourit : nous sommes influençables. L'autre bonne nouvelle, c'est que nous sommes capables, donc responsables, d'y remédier.
Comment faire ? L'intolérance est un bon point de départ :
Notre société sectaire et morcelée a déjà des facilités à juger les gens. Ce n'est pas nécessairement un mal : il s'agit seulement de changer les critères de jugement. En l'occurrence : une intolérance obtuse à la corruption.
Ainsi, pour devenir les membres d'une société libre, démocratique et tolérante des divergences d'habitudes, de mœurs et d'opinions, mettons notre dédain naturel au service de l'intégrité : une telle société est vouée à mourir si elle ne se protège pas des assauts de ceux qui veulent y nuire.
Alors, la prochaine fois que cet ami qui a des connexions vous propose de "l'aide", refusez. Si vous en avez le cœur, soyez outrés. Aussi, lorsqu'une de vos connaissances se vante, avec un clin d'œil complice, d'avoir su se faire pistonner, ne riez pas avec elle. Au contraire, regardez-la comme si elle venait d'annoncer fièrement qu'elle avait volé le sac d'une vieille dame. Car c'est là ce qui est en jeu : les droits de chacun, l'argent public et la confiance des citoyens. Payer un pot-de-vin, c'est dérober à la société libanaise ces biens. Faire la part belle aux corrupteurs et aux corrompus, c'est se rendre complice de leur larcin.