Soyons honnêtes : si vous êtes ici, c’est que cette question vous brûle le cœur et l’esprit. Et comme je vous comprends !
Ce maudit « ex » ... qui n’en a pas un ? Qui de nous manquerait de cette personne dont il ne faudrait jamais mentionner le nom, de peur de faire renaître des ravages au fond de nous ? De cette passion dévorante que des circonstances ont dû éteindre ! Mais surtout, qui de nous, non sans honte, n’a pas envie de retourner vers cet être à qui tout nous lie encore, malgré nous, notamment s’il a été le premier amour de notre vie ? Y penser de temps à autre la nuit, alors que vous pleurez sous votre couette, est tout à fait normal. Søren Kierkegaard, philosophe danois du XIXème siècle, a été à votre place et s’est interrogé sur la possibilité de ce retour dans son roman philosophique La Reprise publié en 1843. Voici quelques fruits de sa réflexion, lui qui a dû rompre avec Régine Olsen, la seule femme qui a su gagner son cœur et pour qui il est resté fidèle jusqu’à la mort malgré la séparation.
Pour le philosophe danois, il est impossible d’envisager une reprise d’une relation ancienne en étant encore attaché à l’Idéal qui fut autrefois et en adoptant, comme il le mentionne dans son livre, l’attitude du ressouvenir platonicien selon lequel l’âme languit tout au long de son séjour dans ce monde sensible et imparfait. En effet, celle-ci essayerait sans cesse de se ressouvenir de l’Idéal dans lequel elle baignait avant de venir sur Terre, alors qu’elle était encore dans le monde du Bien, du Beau et du Vrai auquel elle aspire inlassablement. Cette réminiscence dans le cas amoureux ne causerait que le malheur de l’homme et demeure un obstacle essentiel, car, si une reprise est possible, nous dit Kierkegaard, elle doit être un mouvement en avant et non en arrière – un « ressouvenir en avant ». En d’autres termes, l’amant désireux de ce retour devrait envisager une forme de reconstruction d’une relation modifiée dans son essence la plus profonde avec l’être aimé dans le passé après la destruction amère de la rupture, puisque la reprise est enfant du présent et du futur, tout en ayant conscience des erreurs du passé. Elle serait ainsi pareille au Kintsugi japonais, cet art consistant à recoller tous les morceaux cassés d’un objet tout en marquant la jointure par de la poudre d’or : oui, les amants de la reprise doivent dépasser leurs blessures anciennes en créant tout un autre objet, quelque chose de différent entre eux avec les cendres du passé. Cependant, bien que la forme de la relation soit autre, elle n’est pas nécessairement nouvelle, car, comme l’écrit Kierkegaard : « Seul est vraiment heureux celui qui ne s’abuse pas lui-même dans l’illusion que la reprise apporterait du nouveau ; car, c’est alors qu’on s’en lasserait ».
Donc mes chers amis, si vous tenez vraiment à votre ex – et si c’est réciproque – ayez le courage de vous réinventer et de réinventer ce qui vous lie dans le présent, que ce soit sympathique, amical ou même amoureux. D’ailleurs, Rimbaud ne dit-il pas aussi que l’amour est à réinventer ?