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La réalité libanaise du droit du prisonnier

Le détenu est un être humain ayant plein droit de respect et de vie. Son incarcération ne doit point viser à une annihilation de ses droits en tant qu’être humain, mais à l’indemniser contre son acte libre en le dépouillant de sa liberté, même selon une sentence proportionnelle à son acte. 

 

Sous l’œil omniscient juridique international, le prisonnier se retrouve conférer le statut de porteur des droits que revendiquent la Charte Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen en dépit de son incarcération. Néanmoins, le respect et l’application de ces droits fondamentaux se présentent lacunaires, corroborant une déconnexion entre les textes juridiques incorporés par la plupart des pays et le contexte actuel du milieu carcéral. Ainsi, ces conflits contemporains du respect de ces droits se manifestent à travers la situation pénitentiaire libanaise. 

 

La protection des droits du prisonnier en tant qu’homme digne et humain soulève des défis uniques. Les dynamiques de pouvoir impliquées et la nécessité d’équilibrer les considérations de sécurité avec celles de la dignité humaine revêtent une importance particulière à la mise en œuvre des principes de ces droits dans les institutions carcérales. Théoriquement, le prisonnier libanais détient la pleine protection de sa dignité et de sa valeur en tant qu’être humain. Cela sous la rédaction du Plan d’Action National en 2013 par Human Rights Watch en coopération avec l’État libanais, la ratification et l’adoption des résolutions de l’Assemblée Générale des Nations Unies et notamment celles du 31 juillet 1957, du 9 décembre 1988 et du 14 décembre 1990, ainsi que l’exécution de la Loi Anti-Torture de 2000. 

 

Toutefois, cette pleine protection ne se manifeste point au sein des institutions libanaises et apparaît comme étant quasi-inexistante. En effet, la Justice libanaise ne dispose pas d’une législation compréhensible concernant la protection des droits des détenus et l’accès aux recours pour toute violation en matière de torture, de détention et de procès équitable. L’article 47 du Code pénal rend obligatoire la présence d’un avocat lors des enquêtes pénales préliminaires. Néanmoins, l’exécution de cet article est rendue obsolète en raison d’une démarche juridique défaillante, d’un sectarisme pseudo-anarchique et des contestations à tout amendement de cet article. Ainsi, la violation des droits de plus de 8 000 incarcérés débute systématiquement avant même la clôture du procès. De même, ne peut-on point dire que la présence de la peine de mort au sein des textes juridiques libanais va à l’encontre même du droit de vie de ces prisonniers ? 

 

Outre ces échappatoires juridiques et bureaucratiques, l’institution carcérale libanaise est assujettie au défi de l’aménagement logistique et structurel des centres de détention. Cette institution incorpore un surpeuplement qui excède la capacité d’occupation de ses centres :  la prison de Roumieh, plus grande installation pénitentiaire du pays, ne peut accommoder que 1200 prisonniers alors qu’elle héberge actuellement plus de 4000 détenues. Ce phénomène de surpeuplement est une réfutation directe des droits à la vie digne et privée obligeant les prisonniers à entourer leur matelas de cartons, au sein de cellules étroites pouvant renfermer 10 personnes ou de dortoirs hébergeant plus de 100 personnes. 

 

Cette crise pénitentiaire est une crise sanitaire de haut niveau. Elle dépouille le prisonnier de son principe d’équivalence des soins et piétine son droit aux soins médicaux. La déficience en matière d’installation sanitaire, d’installation de nettoyage des quartiers pénitenciers et l’absence de centres médicaux adéquats assujettit les prisonniers aux maladies chroniques et même fatales. Ils violent les lois d’organisation des prisons. Le nombre de décès au sein de cette institution a ainsi augmenté de 18 en 2018 à 34 en 2022. 

 

Ainsi, l’institution libanaise expose un paradoxe judiciaire qui d’une part insinue la défense et le respect des droits humains comme tout autre pays démocratique, mais qui d’autre part échoue dans l’application et le maintien de ces droits. Cette situation n’est pas propre à l’État libanais seul, mais elle soulève un dilemme international important : comment assurer l’application de ses droits ? Et cette focalisation sur ces droits pourrait-elle reformer ces incarcérés ?  

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