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Bagdad, ou le récit de la catastrophe

En 1976, interrogé par l’un de ses proches sur la situation au Liban un an après le début de la guerre civile et sur la possibilité de diviser le Liban, le président Camille Chamoun répondit : « Surveillez l’Irak et attendez ». Ce qui se passera en 2003 sera un vrai exemple, un véritable bain de sang en interne, qui s'étend depuis des années. Et un séisme géopolitique aux ondes de choc intenses couvrant la majeure partie de la région et de la politique internationale, et les répliques se font encore sentir aujourd’hui. Même si l’Irak n’a jamais été divisé en petits États ethno religieux au sens propre du terme, il a néanmoins introduit un changement dans l’ordre politique régional avec de nouveaux acteurs, de nouvelles puissances et des cycles de violence partout au Moyen-Orient et au-delà. 

C’était un 9 avril, Bagdad tombait aux mains des Américains et de leurs alliés, le régime de Saddam Hussein s’écroulait. Ce dernier sera capturé par les forces américaines, jugé et exécuté par un procès irakien dit sponsorisé et dirigé par les Américains eux-mêmes, quelques années plus tard, le 30 décembre 2006. La chute de Bagdad est représentée par l’image de la statue tombante de Saddam Hussein. Cela fait partie de la plus grande invasion de l’Irak, l’une des guerres les plus critiquées de notre siècle. 

Pour comprendre l’impact de cette guerre, il faut en premier lieu comprendre ses origines, très impopulaires dans le monde entier. En fait, la majorité des partisans de la guerre étaient des Américains, encore lourdement traumatisés par les attentats terroristes du 11 septembre 2001, attentats qui ont été instrumentalisés par l'administration Bush pour vendre au public sa guerre en Irak. Expliquons-nous. Avant le 20e anniversaire de l'invasion, il y a un an, deux anciens responsables de la CIA se sont entretenus avec Business Insider. Ils ont donné un compte rendu direct des tentatives de l'administration de George W. Bush de déformer les renseignements et d'affirmer un lien entre Saddam Hussein et Al-Qaïda. En fait, les preuves rassemblées par la CIA suggéraient qu’un tel lien n’existait pas. L’une de ces fausses connexions était une prétendue rencontre qui aurait eu lieu entre Mohamed Atta, le principal pirate de l’air du 11 septembre, et des agents des renseignements irakiens à Prague. 

Et qui peut bien sûr oublier la fabrication selon laquelle l’Irak possédait des armes de destruction massive et envisageait de les utiliser ? Un mensonge perpétré par Ahmed Chalabi, alors chef de l'opposition irakienne en exil, un délinquant sexuel reconnu coupable et un ingénieur de bas niveau, qui a payé des transfuges pour des histoires anti-iraquiennes avec des millions d'argent accordés par les Américains. Ce mensonge a été cru et propagé par de hauts responsables américains, ce qui a donné lieu à de nombreux débats. Le notable étant le secrétaire d'État de l'époque, Colin Powell, a lutté lors d'un débat au Conseil de sécurité de l'ONU pour obtenir l'approbation de l'invasion, contre le ministre français des Affaires étrangères de l'époque, Dominique de Villepin, qui s'y était fermement opposé. L'autorisation de l'ONU n'a jamais été accordée, mais l'invasion a eu lieu. 

 

Colin Powell et Dominique de Villepin 

Un système de communautarisme a été introduit et a conduit à la division. Les États-Unis n’avaient absolument aucune idée de ce qu’ils faisaient en Irak après l’invasion. Les programmes politiques ont radicalement échoué et de multiples vides sont apparus. Cela a conduit à une série de violences communautaires, à une guerre civile, entre des groupes alignés sur des lignes sectaires. Au milieu du chaos, l’extrémisme s’est développé principalement sous la forme de ce qui allait devenir l’EI (État Islamique). Et comme ils étaient enfermés dans une guerre froide avec l'Arabie Saoudite, cette dernière soutenant des groupes armés sunnites, l'Iran a fait ses débuts dans le pays, soutenant la plupart des groupes armés chiites, même les radicaux qui sont devenus plus tard le tristement célèbre Hachd ash-Shaabi que nous connaissons aujourd'hui. En raison de l’invasion, l’Irak est devenu la base de l’EI pour mener ses attaques contre le monde arabe, l’Europe et s’étendre à d’autres pays. L’Iran a réussi à accroître son influence jusqu’à atteindre le niveau actuel. 

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