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Février, le mois attribué à la sensibilisation des maladies cardiaques, met en lumière l’importance de la santé cardiovasculaire ainsi que les facteurs de risque associés. Ce « mois du cœur » réserve une place cruciale, à travers les campagnes de sensibilisation, aux moyens de prévention déployés pour réduire l’incidence des maladies cardiaques, et aux outils indispensables pour les traiter.                              En effet, les maladies cardiovasculaires constituent l’une des principales causes de décès dans le monde. Ainsi, il est primordial de mettre à l’honneur dans cet article les chirurgies cardiovasculaires les plus complexes qui mettent terme à ce type de maladie. Entre autres, le pontage coronarien occupe une place décisive clé dans le domaine des interventions cardiovasculaires. 

Le pontage coronarien ou pontage aorto-coronarien (PAC ou CABG en anglais pour Coronary Artery Bypass Graft Surgery) est une intervention chirurgicale majeure et complexe au niveau du cœur. Elle est pratiquée pour traiter le patient qui souffre d’une angine de poitrine ou lorsqu’il y a un risque d’infarctus. Le PAC consiste à faire un pont qu’on appelle une dérivation afin de contourner les artères coronaires obstruées ou très rétrécies (sténosées) pour rétablir le flux sanguin vers le muscle cardiaque ainsi que son activité. Ceci se fait grâce à une greffe d’un segment sain (greffon) veineux ou artériel, placé au niveau des artères coronaires afin de court-circuiter les zones rétrécies ou bouchées. Ce greffon est prélevé sur d’autres parties du corps telles que les veines de la jambe ou les artères thoraciques internes.  Selon la gravité et la distribution des lésions coronariennes, le PAC peut être réalisé en combinaison avec d’autres procédures cardiaques, comme la pose de stent (petit tube en grillage métallique). 

Selon le nombre de pontages réalisés, on peut parler de pontage aorto-coronarien, de double pontage cardiaque (2 courts-circuits), de triple pontage (3 dérivations), de quadruple pontage (4 contournements) voire le quintuple pontage.                                                        En fonction de la provenance de la section utilisée comme greffon, il existe deux types de pontage cardiaque. La pratique de chaque technique est liée à la morphologie et à l’état de santé du patient :                                       

  • - Le pontage avec grande veine saphène (ou veine saphène interne) : cette technique consiste au prélèvement des veines superficielles (veine saphène interne) de la cuisse ou de la jambe, non indispensables pour la circulation sanguine, et de leur emploi afin de relier l’aorte au vaisseau coronarien en aval de la zone lésée. Cette intervention est possible si et seulement si le patient ne souffre ni de fibrose ni de varices. 
  • - Le pontage avec artères mammaires internes (ou artères thoraciques internes) : se basant sur le détachement chirurgical des artères mammaires internes, collatérales des artères subclavières, du côté de la paroi thoracique et sur leur greffe aux artères coronaires. Étant donné que les artères mammaires ont moins tendance à s’obstruer que la grande veine saphène et qu’il n’y a pas d’incision au niveau de la jambe, ce type-là est plus efficace, et davantage utilisé. Cependant, ces artères s’avèrent plus difficiles à séparer et sont moins longues que la grande veine saphène, nécessitant un acte chirurgical un peu plus complexe.                                                                      L’artère radiale peut être utilisée, voire l’artère gastro-épiploïque, plus rarement. 

Cette intervention est pratiquée chez les personnes souffrant de maladies coronariennes sévères, c.-à-d. d’une sténose coronarienne (obstruction) empêchant les artères coronaires de fournir l’oxygène et les nutriments nécessaires au muscle cardiaque.  Cette coronaropathie est généralement causée par l’athérosclérose, une condition où s’accumulent des dépôts de graisse et de calcium appelés plaques d’athérome le long des parois internes des artères, entrainant une réduction du diamètre de l’artère et une diminution du flux sanguin normal riche en oxygène dans le cœur.                                                             

Cette technique est recommandée dans plusieurs circonstances dont l’échec d’une angioplastie, une intervention plus simple et moins pénible qui consiste à insérer et à gonfler un petit ballon permettant une dilatation de l’artère bouchée, ou l’inefficacité de l’insertion de stent. Dans le cas où les trois artères coronaires ou les deux principales très développées sont bouchées, la chirurgie de pontage offre de meilleurs résultats plus durables que l’angioplastie. En outre, si une autre opération cardiaque est nécessaire, telle que le remplacement d’une valve, et si les coronaires sont atteintes, on en profite en pratiquant le pontage simultanément afin de soigner les sténoses. De plus, les situations d’urgence absolue, en cas de crise cardiaque quand le patient ne réagit pas aux autres traitements, font appel à cette intervention.    

À priori, dans le but de vérifier que l’état de santé du patient le rend susceptible à subir le pontage coronarien, des bilans sanguin et cardiaque complets seront prescrits par le chirurgien cardiaque. Également, des tests diagnostiques comme l’angiographie coronarienne peuvent être réalisés en vue d’identifier et localiser les artères obstruées. Le patient doit se rendre en consultation de pré-anesthésie avec un anesthésiste dans le but d’organiser les dispositions de l’anesthésie générale.     

Un pontage coronaire est une véritable chirurgie cardiaque sous anesthésie générale faite avec intubation orotrachéale qui dure entre 2 et 6 heures selon le nombre de pontages effectués et le greffon utilisé. Elle commence par une ouverture du thorax, généralement par une sternotomie médiane qui est une incision verticale au milieu du sternum sectionné de bas en haut.  Ses 2 côtés sont éloignés par des écarteurs, dans l’intention d’accéder au cœur battant et aux artères mammaires internes. Le chirurgien utilise comme greffon l’artère thoracique interne gauche, principalement s’il s’agit de pontage avec les artères thoraciques internes. Cependant, il effectue une incision au niveau de la jambe pour prélever le vaisseau nécessaire s’il décide de le faire avec une veine saphène.                              Ultérieurement, Le médecin installe la circulation extracorporelle (CEC) permettant d’arrêter le cœur et de le remplacer par une machine poumon-cœur artificielle qui prend temporairement en charge l’activité cardio-pulmonaire.  La CEC prend le relais du cœur et des poumons pour garantir la circulation sanguine dans les organes ainsi que l’apport en oxygène, permettant au chirurgien de travailler sur un cœur immobile et sec pour pouvoir effectuer les sutures artérielles.                      

Dans certains cas, il n’est pas nécessaire d’arrêter le cœur ni d’avoir recours à la CEC. En effet, la région du pontage, où le chirurgien doit travailler, est immobilisée grâce à un système de stabilisation tissulaire et un positionneur de cœur. Ces derniers permettent de maintenir en place le cœur afin que le chirurgien accède aux vaisseaux obturés. Les stabilisateurs tissulaires quant à eux limitent les mouvements d’une petite zone du cœur pendant que le reste du cœur continue de battre normalement.

Afin de créer des dérivations autour des occlusions rétablissant la bonne circulation sanguine vers le myocarde, le greffon est connecté à l’aorte d’un côté et à l’artériotomie de l’artère coronaire (incision pratiquée par le chirurgien dans l’artère coronaire au-dessus de la région bouchée) de l’autre côté. Cela ouvre une nouvelle route pour le sang.                                                                                                Des sutures maintenant le(s) pontage(s) stabilisé(s) sont manipulées sous loupes grossissantes opératoires, le cœur est réanimé et la machine de CEC est progressivement déconnectée. Par la suite, le sternum est refermé par des fils métalliques, la peau également est fermée. Un drainage médiastinal et, si nécessaire, un drainage pleural sont mis en place afin d’évacuer le liquide, l’air et d’autres substances qui peuvent s’accumuler dans la cavité thoracique après la chirurgie. Le patient est alors transféré en service de réanimation ou unité de soins intensifs (USI) pour surveiller son réveil et son état post-opératoire pendant plusieurs jours, avant de séjourner en service de chirurgie ou de cardiologie pour une dizaine de jours.   

Le médecin prescrit un traitement anticoagulant à long terme à travers des antiagrégants plaquettaires, tels que le DuoPlavin® (acide acétylsalicylique) ou Plavix® (clopidogrel), afin d’allonger la durée de vie des pontages. Ensuite, le patient sera recommandé de rejoindre un programme de réadaptation cardiovasculaire à l’effort accompagnée d’une rééducation à l’exercice physique, visant une meilleure prise en charge des facteurs de risque et une réduction du risque de survenue d’accidents cardiaques. Ce programme est ultimement offert dans un centre spécialisé de rééducation favorisant la récupération. Le cardiologue, lors du suivi, lui indique l’adoption d’une nouvelle hygiène de vie par l’appui d’un régime sain et équilibré pauvre en graisses saturées, la reprise d’une activité sportive, l’arrêt du tabagisme le cas échéant, ainsi que la prise en charge du diabète, de la dyslipidémie, et de l’hypertension. En fait, la mise sous statines (médicaments utilisés afin de diminuer la cholestérolémie) est nécessaire quel que soit le taux primaire de cholestérol dans le sang. Complémentairement, les bêta-bloquants permettant de diminuer le risque d’apparition d’une fibrillation auriculaire en post-opératoire sont indiqués dans la cardiopathie ischémique. Ce contrôle des facteurs de risque est impératif pour prévenir l’athérosclérose et la récidive de sténose. 

Vu que cette technique est une opération « à cœur ouvert », les complications post-pontage coronarien existent : 

  • - Un infarctus du myocarde (crise cardiaque),
  • - Une infection de la plaie thoracique,
  • - Une hémorragie (saignement abondant),
  • - Un accès aux insuffisances cardiaques (incapacité du cœur à pomper suffisamment de sang), 
  • - Une arythmie (désordre du rythme cardiaque).

Ce risque de complications dépend néanmoins de l’état de santé préopératoire du patient ainsi que de l’urgence dans laquelle ce pontage est pratiqué.  

Il est pertinent de noter que cette intervention est effectuée dans l’intention d’accroitre l’espérance de vie du patient, mais ne guérit pas la cause de sa maladie coronaire. Le résultat du pontage aorto-coronarien dépend de la bonne compliance au traitement prescrit par le médecin. Durant les dix ans qui succèdent au pontage, l’espérance de vie du patient reste identique à celle des personnes saines, puis diminue lorsque le greffon utilisé pour le pontage, et d’autres artères, en l’occurrence, s’obstruent, insinuant un nouveau pontage ou une angioplastie nécessaire.   

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