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Picasso : ce qu’on ne vous a pas appris à l’école

Co-fondateur du cubisme avec Georges Braque et avant-gardiste de l’Art Moderne, Pablo Picasso est connu de tout le monde. Mais rares sont ceux qui apportent une nuance à son image en étalant sa biographie et ses exploits. Un rapport tumultueux avec les femmes, un engagement politique douteux, des facettes sur lesquelles les programmes scolaires préfèrent ne pas s’attarder.

Picasso et les femmes : 

« Les femmes sont des machines à souffrir », déclarait solennellement Picasso. Il était connu en tant qu’« homme à femme » : prostituées, maîtresses, épouses, mineures… Picasso a martyrisé chaque femme avec qui il avait entretenu une relation. Et lorsqu’il s’agit d’enseigner un artiste aux écoles, il ne faut pas « faire le tri » de ce qu’on voudrait que l’on sache de lui. 

L’une de ses plus grandes victimes a été Dora Maar, intelligente et douée, jeune photographe qu’il a rencontrée en 1935. Pour quelqu’un d’aussi possessif que Picasso, elle devait demeurer soumise. Il l’a manipulée à quitter la photographie et l’a convaincue de peindre, car il savait qu’elle ne maitrisait pas cet art. Il l’a peinte plusieurs fois avec un museau de chien, ou en train de pleurer. Souvent, il la représentait avec le visage fracassé et enlaidi, et parfois même violée par un minotaure - figure à laquelle il s’identifiait.

Dora manifestait sa jalousie vis-à-vis de Marie-Thérèse Walter - l ’épouse de Picasso à cette époque. Ce dernier l’a trouvée tellement « femme » qu’il en fut répugné Sa misogynie atteint un tel degré qu'il prétend apprécier Dora « comme si elle avait été un homme », son affection devant ainsi passer par le biais du prisme masculin, avant de pouvoir envisager la femme sous une perspective féminine. Après leur rupture en 1944, il la fait interner dans un asile psychiatrique où elle subit des séances d’électrochoc illégales. 

Françoise Gilot, artiste, écrivaine française, et autrefois amante de Picasso, affirme dans Vivre avec Picasso (1964) qu’une fois l’ayant peinte en train de pleurer, Picasso lui dit « vous êtes merveilleuse ainsi ». Il trouvait un plaisir à regarder les femmes souffrir. Même Marina Picasso, sa petite-fille, a avoué dans Grand-Père (2001) qu’« il avait besoin de sang pour signer chacune de ses toiles ». En effet, 53 œuvres de femmes qui pleurent, ce n’est pas rien. Pourquoi cette obsession à peindre des femmes violées, meurtries, et en sanglots ? 

Dora était une femme parmi tant d’autres. Parmi Marie-Thérèse Walter et Jacqueline Roque qui se sont suicidées, parmi Ferdinande qu’il enfermait dans son atelier et Françoise Gilot qu’il empêchait d’exposer ses tableaux en France. Sans oublier les filles mineures qu’il « offrait » à ses amis et tant d’autres.

Picasso et la politique : 

Picasso ne s’intéressait pas à la politique et d’autant plus ne faisait pas de tableaux politiques, au contraire à Dora Maar, qui était engagée politiquement. Un jour, elle lui lisait le journal, et c’est ainsi qu’il apprend le massacre de la ville de Guernica en Espagne. Ce qui résulte en un de ses tableaux les plus célèbres portant ce nom.

Zoé Valdès raconte dans La femme qui pleure (2016) que c’est en réalité Dora qui lui a suggéré l’idée de peindre ce tableau. Les médias ont tendance à exagérer le rôle « militant » et politique qu’a joué Picasso. Bien que nous ne puissions nier son patriotisme, il était « comme 99% des Français : ni résistant, ni collabo », selon Sophie Chauveau. C’est lui-même qui a dit aux républicains « je ne fais pas de politique, je peins ». 

Bien qu’à des moments précis de l’histoire, la peinture de Picasso se voulait politique, ça n’a été qu’une parenthèse et non pas un but dans sa vie. « Il faut convenir qu'un tel génie se fout de la politique, qu'il n'a de compte à rendre ni aux hommes ni aux dieux. », écrit Jean Cocteau. Ceci n’est pas pour discréditer l’artiste, non plus pour dire que pour peindre la guerre il faut avoir vécu sous les bombardements, mais pour apporter de la nuance à l’image de « l’artiste militant sans trêve ». N’oublions finalement pas son ami Max Jacob, juif, qu’il aurait pu sauver du camp de concentration de Drancy, mais qu’il a abandonné. 

Et c’est ainsi que se pose l’éternelle question, celle qui a toujours facilité l’impartialité : faut-il séparer l’art de l’artiste ? Vouloir envisager une œuvre ayant une valeur en elle-même, détachée de l’artiste et du contexte, serait vouloir viser un idéal. Surtout lorsque l’œuvre est aussi intimement liée à la biographie du peintre. Le but n’est pas de censurer tout art problématique, sinon il ne restera rien à exposer dans les musées. Mais l’Histoire de l’art a tendance à ne montrer qu’un seul revers de la médaille. L’art continue donc d’être un sujet de controverse, et tant mieux, puisqu’avant de vouloir plaire, il faut qu’il fasse parler. 

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