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Partir en paix : la santé mentale en oncologie

La pulsion de vie et la pulsion de mort coexistent tout au long du parcours d’un individu, et le conflit entre eux est un vécu humain typique, mais qui peut créer des conflits intrapsychiques.

Quand nous parlons de cancer, nous parlons de la pulsion de mort. Par contre, quand nous parlons de santé mentale, nous parlons de la pulsion de vie. Comment coexistent donc ces deux composantes contradictoires ?

Pour aborder ce sujet plus profondément, le club Santé Mentale de l’Université a invité la psychologue clinicienne à l'Hôtel Dieu de France, Samar Dagher, et le résident en 3ème année d’oncologie à l’HDF également, Dr. Ernest Diab, afin de discuter de la santé mentale en oncologie et en soins palliatifs.

Samar, diplômée de l’USJ et ex-membre du club santé mentale, a détaillé les pistes de travail d’une psychologue clinicienne dans le milieu hospitalier. La santé mentale est simultanément affectée par la santé physique et vice versa. L’annonce d’un diagnostic aussi lourd que le cancer peut susciter des émotions également intenses, qui sont certainement liées au vécu et aux ressources psychiques de chaque patient, ainsi qu’à son histoire singulière. L’une des pistes de travail de la psychologue serait donc l’identification de ces émotions : mettre un nom sur le vécu, sur la souffrance psychique. Cette étape est importante pour la mentalisation de la réalité et la poursuite du travail.

En effet, la mort suppose un processus de deuil, qui commence souvent avant la mort physique de la personne. Les cinq étapes du deuil sont : le déni, la colère, le marchandage, la dépression ou la tristesse, et l’acceptation. Selon la psychologue, ces étapes ne sont pas nécessairement vécues par le patient ou sa famille ‘en ordre’, et pas tous les stades y sont obligatoires.

Quant à lui, Dr. Diab a détaillé l’annonce du diagnostic, une étape très importante et qui doit être abordée avec beaucoup de délicatesse et d’empathie, avec respect aux réactions qui peuvent être décelées. Ainsi, la dignité et le respect du patient sont au premier abord : le patient a le droit - et doit - connaître son diagnostic et la raison pour laquelle il est hospitalisé. L’explication scientifique doit être réaliste, en même temps empathique. Au cours du traitement, les soins de santé mentale sont toujours à prendre en considération : en plus des séances de soutien, des antidépresseurs ou anxiolytiques peuvent être prescrits, et dans des situations plus avancées, une consultation psychiatrique peut être demandée.

Le travail de soutien psychique ne se fait pas exclusivement auprès du patient, mais aussi auprès de sa famille, dont l’accompagnement est primordial, nous explique Dagher, en nous fournissant des exemples anonymes de sa pratique quotidienne, qui démontrent les différentes étapes et la nature de son travail. La psychoéducation est très importante et permet un accès aux émotions chez les membres de la famille, qui eux aussi font le deuil du membre malade, pour enfin accepter le diagnostic.

Finalement, une notion reste cruciale: la collaboration entre l’équipe soignante et la psychologue de service. Cette équipe, formée de médecins, résidents, stagiaires, et infirmiers font également le deuil de leurs patients, un processus d’une charge affective et psychique importante. La psychologue est présente pour les soutenir et les aider à tolérer la frustration que génère la mort du patient.

La mort est l’un des évènements de la vie les plus difficiles à traverser, puisqu’il vient tester la capacité d’une personne à tolérer la frustration, l’absence et la capacité à être seul ; il peut surtout susciter des traumatismes passés ou des deuils non achevés. Il faut donc respecter toutes les réactions, toutes les défenses, et être présents, afin de contenir et d’apaiser la souffrance, pour aider le patient à partir en paix, et aider son entourage à faire son deuil en paix.

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