Il est vrai que l’art semble être une échappatoire pour les uns, une arme pour les autres.
Cependant, nombreux sont ceux qui ont apaisé leur souffrance à travers une plume ou un pinceau. Nombreux sont ceux qui ont chanté l’amour, mais n’en ont vécu que l’atrocité. Nombreux sont ceux qui ont ravivé la flamme ondulante de leur corps alors qu’elle s’éteignait au toucher d’une âme monstrueuse qui les agressait.
Devant ce paradoxe fouettant la vie de l’artiste, nous ne pouvons point admirer son œuvre d’art sans saluer son esprit brisé, son corps fouetté et sa joie de vivre violée.
Dans cette optique, nous définirons esthétiquement la souffrance ainsi que deux de ses victimes, que la société a voulu nommer « les créateurs de la beauté ».
Un autoportrait centré sur un avant-plan alourdi par les corsets orthopédiques, les larmes, les blessures et les symboles de fausses couches ayant orné le passé d’une figure féminine… le passé de Frida Kahlo, l’une des femmes les plus emblématiques de l’art du XXᵉ siècle.
Cet avant-plan féroce n’a pu reposer que sur un paysage désertique et pâle, posant le diagnostic de la stérilité et de la solitude dont souffrait notre « créatrice de la beauté ».
Ainsi, alors que nous contemplons ce talent inné qui nourrissait le pinceau de Kahlo, il est crucial de s’attarder sur les clous qui la crucifiaient au lit, sur l’infidélité d’un homme et sur la souffrance psychosomatique ravageant son existence.
« Je mets mon cœur et mon âme dans mon travail, et j’ai perdu la tête dans le processus. »
Pas besoin de cours magistraux pour dévoiler le fantôme des troubles psychiatriques qui hantent ces mots. En effet, le trouble bipolaire s’est personnifié et a incarné le corps d’un « créateur de la beauté » du XIXᵉ siècle : le corps du grand Van Gogh. Ce dernier, contrairement à Kahlo, a décidé d’abuser des merveilles de la vie et de passer son coup de pinceau tourbillonnant dans une peinture intense et vibrante.
À travers ce tableau mystique, Van Gogh a choisi de démasquer son univers intérieur, cet univers tourmenté, démesuré et en crise.
Deux âmes, deux tableaux… Différentes palettes, un même fardeau.
La souffrance n’est que l’essence… Le point commun, la désespérance.
Des cris muets, des cœurs brisés… Des larmes versées, un amour biaisé.
Un talent inné, un talent divin… un art passionné, palliant notre chemin.