La société moderne est régentée par son contractualisme social, qui relègue à l’Etat la pleine légitimité d’exercer le pouvoir politique. Donc, la société n’est pas agent de sa propre approbation envers cette même légitimité. En fait, cette approbation relève du consentement des gouvernés, pour assurer l’élaboration de la décision publique. Notre société est l’otage de sa propre réalité illusoire.
Cependant, quand les choix politiques réels se limitent aux intérêts de profit et où les moyens libres de l’expression publique sont omniprésents, ce consentement est-il volontaire et éclairé ?
L’ère de l’Information est assujettie par une quête de vérité, imposée par l’Idéal de la citoyenneté. De ce fait, l’Information, soumise à la vérité la plus juste et à la morale, est un prérequis indispensable afin d’assurer à chaque citoyen le bon exercice de ses responsabilités politiques. La recherche de l’Information, dans les démocraties informatiques et virtuelles actuelles, n’est pas une recherche individuelle et indépendante. Elle implique une interférence directe sur les moyens libres de l’expression publique érigés par la société elle-même. Cela conduit à façonner l’opinion publique, en tenant compte des diverses problématiques ; le Citoyen-Internaute ne possède pas d’opinions libres et indépendantes, puisque ses opinions proviennent de ses interactions au sein des réseaux sociaux. En effet, ces derniers inculquent - par leur algorithme destiné à la rétention de l’attention - des valeurs, des normes et des idées sophistes. Ces opinions ne se heurtent plus à la discordance idéologique, qui caractérise les Agoras mondiaux. Plutôt, elles sont de plus en plus renforcées et ce, par les interactions avec des citoyens et des publications, en accord avec la pensée actuelle de l’internaute.
De même, les Mass-Média ne sont plus les garants d’une presse indépendante, qui corrobore factuellement l’Information. Les processus que ces médias emploient, sous l’ombrelle de la propagande, durant la Guerre Froide sont actuellement incorporés sous le terme « Influence ». En effet, elles opèrent selon un Modèle d’Influence, qui les érige en conducteur de la liberté d’expression et de l’intérêt général. Or, par insinuation, les Mass-Médias assurent une filtration des nouvelles, une marginalisation de la critique et des avis divergents et une contribution active aux messages voulus, par les gouvernements et les intérêts privées.
Ce modèle opère sous certains filtres selon Noam Chomsky. L’Information publiée se repose sur l’orientation du financement des firmes médiatiques, via le propriétaire et la publicité, comme source principale des revenus : une information non lucrative ou qui n’est pas en accord avec les donateurs de telle ou telle firme n’est ni accentuée, ni même publiée. De plus, l’économie exige de procurer un flux sûr et continu d’informations. Toutefois, en raison de l’incapacité à pointer des caméras dans tous les points chauds du monde, les médias rentrent dans un état de dépendance vis-à-vis des institutions gouvernementales et des nouvelles diffusées par les firmes bureaucratiques industrielles et commerciales. Celles-ci sont qualifiées de fiables et crédibles, puisqu’elles adhèrent à leur ordre bureaucratique médiatique.
Enfin, ces médias renforcent l’illusion de la liberté d’expression en permettant, d’une part, l’artillerie protestataire d’élever une plainte envers tout article ou reportage émis et, d’autre part, la diffusion de discussions et de débats vifs sur des problèmes variés. Prenons par exemple le déroulement d’un violent conflit. Plusieurs options peuvent se présenter pour remédier à la situation. Néanmoins, les médias ne refléteront pas la multiplicité des approches. Ils préféreront diffuser un débat entre deux experts, le premier évoquant une solution et le deuxième réfutant sa proposition sur la modalité d’exercice de cette solution. Ce débat anime un soi-disant désaccord, mais sa résultante reste la même et le citoyen accepte cette solution peu importe la modalité.
Pour conclure, le consentement des gouvernés n’est qu’une fabrication et un modelage de l’opinion publique, issue de l’excès de liberté d’expression de notre société moderne. Cette polémique est le produit d’intérêts communs et non pas d’une conspiration, dans laquelle les médias collaboreraient avec les institutions privées et gouvernementales au détriment du peuple. Or le citoyen n’est pas ignorant, c’est simplement son esprit critique qui n’est pas mobilisé.