Le théâtre libanais s’illustre énormément par plusieurs grandes figures telles que les frères Rahbani, George Khabbaz ou encore George Schéhadé. En arabe, en français ou en anglais, il s’est toujours illustré par la vitalité et les thèmes de l’immigration, de la patrie et de l’identité évoqués. À cela s’ajoute une rigueur des acteurs et des metteurs en scène, donnant un résultat extraordinaire. Toutefois, une pièce, écrite par Gérard Bejjani, sort des sentiers battus mais est pourtant peu évoquée : Les poètes maudits.
Gérard Bejjani, né en 1966, était un professeur-chercheur de littérature française à Notre Dame de Jamhour, puis à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth pendant de nombreuses années. En plus de donner des cours de cinéma et d’art à l’Université Pour Tous, il est aussi poète, romancier, critique et titulaire de la chaire de la francophonie Léopold Senghor. Ceux qui avaient pris ses cours le décrivaient comme passionné et poétique, tant dans ses explications que dans son expression.
Cette pièce, écrite par Gérard Bejjani, reprend le groupe des Poètes Maudits. Ce groupe est composé de poètes de la seconde moitié du XIX ème siècle, connus surtout pour leurs destins tragiques finissant dans la misère. Parmi eux, on peut trouver Arthur Rimbaud, Paul Verlaine, Guillaume Apollinaire, Mallarmé et Baudelaire. La pièce est surtout écrite avec des vers du Bateau ivre de Rimbaud et reformulée pour en faire des répliques théâtrales.
Mais, ce qui la rend unique sont ses acteurs. Ils n’étaient pas des professionnels ayant plusieurs années d’expérience, mais de simples étudiants du département des lettres françaises. Ils s’entraînaient jour et nuit à retenir leurs textes, sous la rigueur de leur enseignant. Nous pouvons aussi noter la confection de leurs costumes et des décors. C’est finalement en 2003, au théâtre Monnot, que se produit la pièce.
Dans une musique enveloppante, les acteurs récitent tour à tour leurs textes, leurs efforts portant leurs fruits de par leur zèle ainsi que leur amour pour le théâtre. Il ne faut surtout pas oublier que Gérard Bejjani était aussi un des acteurs. La pièce, ayant duré une heure, a su mettre en valeur la beauté de la littérature française ainsi que le prodige du théâtre libanais, le tout avec le bateau ivre, finissant par emporter les poètes.
22 ans plus tard, les jeunes étudiants sont chacun de leur côté. Certains d’entre eux finirent par devenir titulaires de doctorats, dont Karl Akiki, Joëlle Ayache et Nathalie Saadé. D’autres finirent soit dans le domaine artistique, soit dans le domaine de l’enseignement. Certains sont restés, d’autres sont partis pour de meilleurs jours. Mais l’esprit de la francophonie, émanant de la pièce, est resté. Il est maintenant endormi dans un flot d’anglais, n’attendant que d’être réveillé par des francophiles en herbe.