« La main qui secoue le berceau est capable de secouer le monde », disait Napoléon. Mais de quel monde parlons-nous ? Celui du monde arabe, où les femmes peinent encore à s’imposer sur la scène politique ? Si l’égalité des sexes est un idéal proclamé, la réalité s’en va tout autrement : les obstacles sont nombreux pour les femmes qui aspirent à des rôles décisionnels. Au Liban, la place de la femme en politique reste marginale. Les femmes intègrent souvent le Parlement sous l’étiquette de la "représentation féminine", mais s’agit-il réellement d’une avancée significative ou d’un simple geste symbolique ? Huit femmes sur 128 députés : ce chiffre reflète-t-il une véritable inclusion ou une façade politique ? Peut-on considérer que ces huit élues suffisent à représenter les trois millions de femmes libanaises ? Les Libanaises n’ont jamais eu l’opportunité de démontrer pleinement leur efficacité dans l’arène politique. Cette absence d’expérience concrète est souvent avancée comme une raison pour laquelle les citoyens hésitent à leur accorder confiance. Dans une société où le rôle de la femme est encore associé à la sphère domestique traditionnelle, l’idée de la voir occuper des postes clés reste un concept étranger pour de nombreuses personnes. Qu’en est-il alors des droits des femmes et de leur place sur la scène politique libanaise ? Peuvent-elles progresser sans un soutien masculin ? Ou restent-elles tributaires d’un système qui peine à leur laisser la place qu’elles méritent ?
6,29 % ! 6,29 % est le pourcentage des femmes au Parlement libanais, tandis qu’en Tunisie, qui est aussi arabe, ce chiffre avoisine les 26 %. En Tunisie, dans un contexte d’instabilité politique après avoir dissous le parlement, le président tunisien, qui à son tour a été fortement critiqué d’avoir joué un rôle autoritaire, a eu recours à la nomination d’une femme pour la première fois dans l’histoire tunisienne pour le poste de cheffe du gouvernement afin d’apaiser les tensions avec la communauté internationale qui lui a été ouvertement hostile. En Europe, les chiffres sont bien plus élevés. Par exemple, près de 40 % des membres du Parlement français sont des femmes, grâce à une législation favorable. En 2022 et 2024, une femme a même été élue deux fois Présidente de l’Assemblée nationale française, à la suite de la dissolution de l’Assemblée par le Président de la République. Au Liban, cependant, les chiffres stagnent et restent faibles par rapport aux standards internationaux. Cela met en lumière l’insuffisance de la représentation féminine, un problème persistant depuis trop longtemps. Une tentative récente a été effectuée pour remédier à cette situation : un projet de loi sur le quota féminin a été proposé au Parlement libanais. Ce projet de loi vise à garantir un nombre minimum de femmes au Parlement. D’un côté, certains y voient un pas vers une représentation égale entre hommes et femmes, tandis que d’autres le considèrent comme une limitation au pouvoir des femmes, car leur place serait cantonnée à ce quota précis, sans possibilité de véritable émancipation au-delà de ce nombre.
On peut alors se demander si ce nombre minimal de femmes au Parlement reflète réellement la volonté du peuple libanais. L’absence de la femme sur la scène politique est-elle un reflet de la mentalité conservatrice qui la considère davantage comme une "figure de soutien" que comme un "leader politique" ? La structure patriarcale des partis politiques libanais limite l’accès des femmes aux postes de pouvoir, comme à la tête d’un parti politique. Trop souvent, on entend dire : "C’est la femme de M. X" ou "C’est la fille de M. Z", mais jamais "Mme Y".
De plus, dans notre société libanaise, on constate fréquemment un manque de financement et de soutien pour les candidates, qui se retrouvent souvent à dépendre des figures masculines influentes pour espérer progresser dans le monde politique. Une femme, semble-t-il, ne serait pas jugée capable de prendre des décisions politiques convenables, ce qui renforce la stigmatisation et les barrières invisibles auxquelles elles sont confrontées. Le système libanais, fondé sur le confessionnalisme et le clientélisme, complique considérablement l’accès des femmes à la politique. D'autre part, au Liban, les rôles et les droits des femmes varient considérablement d’une confession à l’autre, d’une région à l’autre et d’un niveau social à l’autre. Tandis que certaines régions et communautés offrent un accès plus libre aux femmes, d’autres les cantonnent davantage à des rôles traditionnels et conservateurs. Cette divergence dans le traitement des femmes crée une disparité significative concernant leur place dans la société libanaise et, par conséquent, dans la politique. Le Liban, en tant que mosaïque de confessions, reflète ainsi ces différences de manière marquée, où la progression des droits des femmes dépend largement de la confession à laquelle elles appartiennent. Enfin, même si un certain rôle est accordé à la femme dans la politique libanaise, son engagement se heurte à de nombreuses limites. Les femmes, de nos jours, restent souvent cantonnées à des postes secondaires, voire à des rôles de consultantes, sans véritable pouvoir décisionnel. Par exemple, le Liban n’a jamais eu de femme Présidente de la République, Première ministre, ou même Présidente de la Chambre des Députés. Les postes qu’on leur accorde sont souvent perçus comme secondaires, comme les ministères dits "moins stratégiques", qui sont jugés moins importants dans la hiérarchie gouvernementale.
Mais pourquoi, alors, n'accorde-t-on pas plus régulièrement à une femme des ministères aussi cruciaux que celui des affaires étrangères, de la défense ou des finances ? Craignons-nous leur échec, ou simplement leur puissance imprévisible, intouchable et inarrêtable ? Cette réticence à confier des ministères stratégiques aux femmes soulève une question fondamentale : avons-nous peur de voir une femme diriger ces domaines avec une efficacité qui bousculerait les normes établies ? Ou est-ce simplement une incapacité à imaginer une femme dans ces rôles de pouvoir, où l’influence et le contrôle seraient indiscutables ?