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Max Stirner : un philosophe unique

L'Allemagne est surtout reconnue pour ses grands philosophes. Parmi eux : Karl Marx, Friedrich Nietzsche, Emmanuel Kant, Martin Heidegger, Hannah Arendt, et bien d'autres. Nombreux de ces penseurs ont profondément bouleversé les domaines de la philosophie et de la pensée politique. Dans cette constellation de génies, Max Stirner, un philosophe dont l'œuvre, bien que peu connue, a pourtant marqué son époque notamment par la montée de l'égoïsme qui est une pensée politique novatrice.

De son vrai nom, Johann Kaspar Schmidt en 1806 à Bayreuth, en Bavière, Stirner a étudié la philosophie, la philologie et la théologie à Berlin. Il a ensuite enchaîné plusieurs emplois : enseignant dans une école pour jeunes filles, journaliste, et même propriétaire d'une crèmerie, qui le coucha sous un fardeau de dettes. C’est toutefois grâce à son œuvre L'Unique et sa propriété (1844) qu’il se fait réellement connaître.

Stirner est surtout influencé par Hegel, qui fut son professeur. Cependant, il finit par se rapprocher des « Freien » (les « hommes libres » en allemand), un groupe d'Hégéliens de gauche qui s'opposaient aux normes établies et aimaient débattre dans les cafés et bars la nuit. Il eut l'occasion de rencontrer des figures comme Bruno Bauer et Friedrich Engels, l’ami de Karl Marx, avec qui il noue des liens amicaux.

Selon Stirner, l'ultime autorité de l'individu réside dans son ego, c'est-à-dire sa capacité à déterminer ce qui lui convient sans être soumis à une autorité extérieure. Il considère que la religion, l'idéologie, l'État et la société enferment l'homme dans des superstitions et le rendent paranoïaque. Pour lui, la société ne devrait pas être fondée sur un contrat social, mais sur une « association des égoïstes », où chacun n'aurait pour seul objectif que d’être ce qu’il est. De plus, Stirner critique vivement l'idéalisme allemand et le libéralisme politique, qu’il considère comme des forces destructrices de la liberté individuelle.

L'Unique et sa propriété fit l'effet d'une bombe à sa parution et fut immédiatement critiqué, notamment par Marx et Engels dans L'Idéologie allemande. Après sa publication, l’œuvre, comme son auteur, tombe dans l'oubli et Stirner meurt dans l'ombre en 1856. 

Ce n'est qu'à partir de la seconde moitié du XXᵉ siècle, grâce à l'écrivain écossais John Henry Mackay, que L'Unique et sa propriété connaît un renouveau. L'ouvrage devient une référence majeure pour l'anarchisme, en particulier l'anarcho-individualisme. Ce courant se distingue par un rejet de l'autorité et une affirmation de la liberté individuelle. Selon Stirner, les contraintes sociales et politiques doivent être minimisées, permettant à chaque individu d'agir selon son propre jugement. 

La pensée de Stirner, marquée par sa radicalité, préfigures en quelque sorte la notion de Surhomme chez Nietzsche, devenant un élément fondamental de sa philosophie. En somme, la pensée de Stirner est difficile à classer en raison de sa structure singulière. Bien qu'il ait suscité une brève polémique de son vivant, ses idées ont influencé des mouvements tels que le dadaïsme et le surréalisme, et plus tard, des penseurs comme Albert Camus, Jacques Derrida et Gilles Deleuze.

Ne peut-on pas y voir une révolte contre les normes sociales ? Une de ses citations les plus célèbres semble en témoigner :

« L'État ne poursuit jamais qu'un but : limiter, enchaîner, assujettir l'individu, le subordonner à une généralité quelconque. »

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