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L'enseignement du français au Liban : enjeux et horizons

« Le participe passé employé avec l'auxiliaire avoir s'accorde en genre et en nombre avec le COD placé avant lui ». Quel élève scolarisé dans une école francophone n'a pas, en classe de sixième, entendu cette phrase résonner entre les murs de sa classe ?  Combien s'en sont souvenus lorsque, des années plus tard, ils écrivaient leur lettre de motivation pour voyager en France ? Les règles d'orthographe et de grammaire, les poèmes de Victor Hugo, les fables de La Fontaine… Est-ce ce souvenir flou et fragmenté que l'élève garde de la langue française, surtout lorsque celle-ci est enseignée dans un pays plurilingue comme le Liban ? Entre héritage et contrainte, l'apprentissage du français peine de plus en plus à se frayer un chemin dans un paysage linguistique en mutation.

Un apprentissage laborieux : entre exigences et lacunes

Les yeux rivés sur sa copie, l'élève ne comprend pas pourquoi il a eu un 4/10 en production écrite. Il était pourtant fier de son histoire ! En rouge, un « Attention à la langue ! » accapare la feuille. Un des problèmes que rencontre l'élève francophone libanais est la rigidité de la langue française. Il peine surtout à construire ses phrases et se perd dans la multitude des temps verbaux à adopter.

Mais le problème réside surtout au niveau de ce qu'on choisit de privilégier : on fait preuve d'une exigence rigoureuse autour des règles grammaticales et linguistiques, ce qui laisse peu de place aux échanges et à l'expression personnelle. Les textes littéraires classiques dominent, tandis que ceux d'actualité et susceptibles de communiquer avec les élèves sont relégués au second plan. Cette approche peut rendre l'apprentissage plus détaché de la réalité linguistique et culturelle des élèves.

Les difficultés sont souvent remarquées chez ceux qui ne proviennent pas nécessairement d'un environnement francophone, mais que les parents ont souhaité placer dans un établissement de la sorte. Il faut dire que le français garde une image de prestige, d'élitisme. On se vante plus souvent de « parler français » plutôt que de parler anglais, ce dernier étant plus accessible.

Or, le parler facilite l'écrit. Les élèves ont le plus souvent du mal avec la syntaxe. Les échanges oraux entre l'élève et son environnement pourraient lui faciliter la tâche, surtout lorsqu'il s'entraine hors du cadre scolaire.

Vers de nouveaux horizons : pistes pour revitaliser l'enseignement du français

La langue française se doit de moderniser son approche : intégrer les outils numériques et favoriser un apprentissage plus dynamique est la première piste. Pourquoi ne pas poster, entre deux productions écrites, sur un blog littéraire ? 

Pourquoi ne pas créer une page sur les réseaux sociaux pour un auteur, au lieu d'en faire un exposé monotone où l'élève récite ce qu'il a retenu de sa page Wikipédia ?  Pourquoi ne pas ludifier la grammaire, distribuer des cartons, créer des quiz en ligne ? Le numérique est désormais inévitable, il constitue une voie nécessaire pour la modernisation du français.

En dehors des supports pédagogiques, il est aussi essentiel d'instaurer un climat de complicité avec les élèves, de valoriser leurs impressions autour d'un texte, d'établir des liens avec leur actualité. Il faut se demander, le plus souvent possible, comment rapprocher les élèves de ce qui leur parait appartenir à un temps révolu.

 

Il ne s'agit pas de nier l'importance des grands textes littéraires, ni de leur faire croire que la langue et l'orthographe sont secondaires. L'enjeu est de mettre en lumière les aspects du français qui leur sont plus proches et de déconstruire les stéréotypes qui l'entourent. On ne veut pas faire de chaque élève un passionné de la langue, on veut lui offrir les clés pour l'apprivoiser et pour y trouver sa voix.

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