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L’IA et la propriété intellectuelle : quel cadre juridique ?

Vous donnez des instructions spécifiques au système IA : générer une image, une œuvre artistique, un texte, une musique, etc. Alors qui jouit des droits de propriété intellectuelle sur cette œuvre ? Est-ce vous, utilisateur ? Le créateur de l’IA ? L’IA elle-même ?

Il est donc indéniable que des questions inédites émergent et mettent en cause la suffisance et l’adaptabilité du système juridique de toutes les sociétés. Les gouvernements, aujourd’hui, font ainsi face au besoin paradoxal de promouvoir l’IA et le développement, tout en adaptant les cadres juridiques dans tous leurs aspects contre les abus ; de la propriété intellectuelle au commerce, au travail, dans le domaine de la santé, du droit pénal, etc. et surtout dans le droit de la responsabilité. 

 Ceci reste une chose difficile en raison des différentes perspectives des dirigeants, des juges, des administrations et des législateurs sur les approches à adopter pour résoudre ce paradoxe. Les incertitudes du futur et l’impact de l’IA conduisent également à des approches variées en matière de développement et de réglementation. De là, nous critiquons la position de la Nouvelle-Zélande qui estime que son cadre juridique actuel est amplement suffisant, encourageant « une approche souple, proportionnée et fondée sur les risques », selon New Zealand Ministry of Business, Innovation & Employment, dans Approach to work on Artificial Intelligence paru en 2024.

Sur le plan juridique actuel de la propriété littéraire et artistique, la loi et/ou la jurisprudence protège une création de l’esprit originale de l’humain. C’est le cas du droit libanais, français et américain. Le droit libanais insiste particulièrement sur le reflet de la personnalité de l’auteur. Nous commençons à répondre à notre question de l’introduction. Dans l’affaire Thaler v. Perlmutter (2023), la Cour de Colombie refuse d’accorder des droits d’auteur à une œuvre artistique générée par l’IA.  Sur le plan de la propriété industrielle, toute invention nouvelle et innovante susceptible d’application industrielle est protégée. Dans l’affaire Thaler v. Hirshfeld (2021), la Cour de Virginie confirme que l'IA DABUS ne pouvait pas être reconnue comme inventrice, titre réservé aux individus humains.

Quant aux violations, les Etats-Unis adoptent la théorie flexible et ambiguë du « fair use », où les juges prennent en compte le but et le caractère de l’utilisation, la nature de l'œuvre protégée par le droit d'auteur, la quantité et la substantialité de la partie utilisée, ainsi que l'effet de l'utilisation sur le marché potentiel. Le Liban, au contraire, protège « toutes les créations intellectuelles […] quels qu'en soient le mérite, l'importance, la destination ou le mode ou la forme d'expression », selon la loi pour la République numérique de 2016.

Pour certains, le text and data mining (TDM) de données protégées par des droits de propriété intellectuelle pour entraîner des IA est une question scandaleuse, dont la légalité et l’éthique restent débattues. Aux Etats-Unis, le droit positif suggère une plus grande flexibilité, alors que d’autres le restreignent aux recherches scientifiques comme en France et l’Union Européenne, cette dernière autorisant les Etats membres à introduire même une exception d’innovation commerciale.

De plus, si une œuvre générée par une IA n’est pas considérée comme une création humaine, elle pourrait tomber dans le domaine public, ce qui pose des risques quant aux investissements dans ces technologies. Par ailleurs, les algorithmes d’IA eux-mêmes, souvent considérés comme des secrets commerciaux ou brevetables, rappellent les divergences doctrinales sur la protection des algorithmes et langages.

En conclusion, force nous est de rappeler les mots de la lettre ouverte sur l’IA de 2015 : « Artificial intelligence has the potential to eradicate disease and poverty, but researchers must not create something which is unsafe or uncontrollable », selon la directive (UE) 2019/790 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019. Ceci est d’autant plus primordial dans la protection des droits et des données, où le droit doit intervenir, adapter et réformer.

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