En 1923, lors d’une expédition en Mongolie-Intérieure (Chine actuelle), Pierre Teilhard de Chardin, prêtre jésuite français, chercheur, paléontologue, théologien et philosophe, se retrouve dans des steppes désertiques où il est contraint de célébrer la messe sans autel, ni pain, ni vin. Ce dénuement lui inspire la rédaction d’un hymne cosmique, La Messe sur le monde, qu’il compose à titre d’offrande à Dieu.
Dans ce texte, Teilhard de Chardin développe sa propre théologie eucharistique en proposant des interprétations inédites des éléments liturgiques habituels :
« Puisque […] dans les steppes d’Asie, je n’ai ni pain, ni vin, ni autel, je m’élèverai par-dessus les symboles jusqu’à la pure majesté du Réel, et je vous offrirai, moi, votre prêtre, sur l’autel de la Terre entière, le travail et la peine du Monde ».
Dès les premières phrases, Teilhard de Chardin explique sa procédure : il renie l’ordinaire pour proclamer la grandeur de la simple existence, considérant que la terre fut sacrée par l’acte de sa création et que le travail humain se présente en toute volonté comme preuve de l’amour divin. C’est ainsi que s’illustrent la spiritualité eucharistique et le phénomène de transsubstantiation : de la même manière que le pain et le vin représentent respectivement le corps et le sang du Christ, le prêtre transforme la terre à ses pieds en maître-autel, et la servitude de son âme en offertoire.
Jean-Michel Maldamé ajoute qu’à partir de cette célébration de « La Messe sur le monde », Teilhard de Chardin démontre son idée que le monde s’accomplit « dans un mouvement qui [le] sanctifie. Cette sanctification se fait par la prière du prêtre. Ainsi, le dénuement du prêtre est-il l’occasion d’une prière eucharistique qui trouve sa vraie dimension au contact plus immédiat avec la nature ».
Prenons le temps de contempler la merveille du monde qui nous entoure, et de le solenniser de façon à rendre grâce au Créateur. En présentant au bon Dieu notre peine en offrande, célébrons notre propre « messe sur le monde », que Xavier Tillette considère « une magnifique paraphrase du mystère eucharistique, agrandi aux dimensions de l’univers ».