En | Ar

Glaucome : le « voleur silencieux de la vue »

Le mois de janvier, dédié à la sensibilisation au glaucome, est symbolisé par un ruban vert, largement utilisé dans les campagnes de sensibilisation. Ce symbole représente la lutte contre cette maladie, ainsi que l’importance de la prévention, du dépistage précoce et des traitements adaptés.   

Qu'est-ce que le glaucome ?

Le glaucome est une maladie oculaire dégénérative qui affecte le nerf optique, un ensemble de fibres nerveuses transmettant les stimuli visuels de la rétine au cerveau. Non traité, il peut entraîner une perte progressive et irréversible de la vision, pouvant évoluer jusqu’à la cécité (une déficience visuelle totale). Cette pathologie est qualifiée de « voleur silencieux de la vue » car elle est souvent asymptomatique à ses débuts. Elle peut affecter tous les groupes d’âges, d’où l’importance d’un diagnostic précoce. 

Physiopathologie 

Le glaucome est généralement associé à une élévation anormale de la pression intraoculaire (PIO), causée par une altération du drainage de l’humeur aqueuse, un liquide essentiel à l’œil. L’humeur aqueuse, produite par les corps ciliaires, est éliminée dans la circulation sanguine via le trabéculum, une structure située à l’angle irido-cornéen. Dans le glaucome chronique, l’âge réduit progressivement la perméabilité du trabéculum. Par ailleurs, en vieillissant, l’humeur aqueuse peut s’accumuler et déplacer l’iris vers l’avant, aggravant l’obstruction du drainage, souvent liée à une atrophie du cristallin. Dans certains cas, le trabéculum peut également être obstrué par une paroi embryonnaire restante ou une malformation de l’œil, ce qui est observé dans le glaucome congénital. De plus, des interventions chirurgicales oculaires peuvent altérer les capacités de filtration de l’humeur aqueuse et entraîner un glaucome. Même des proliférations anarchiques des cellules de l’épithélium cornéen peuvent également induire une obstruction du trabéculum, contribuant au développement de la maladie.Cependant, une pression intraoculaire anormale n’est pas à l’origine de tous les glaucomes. Dans certains cas, il n’y a pas d’élévation de pression. Le glaucome peut être causé par des facteurs génétiques altérant la qualité du nerf optique ou par un mauvais état du système vasculaire qui irrigue ce dernier.

 

Types de glaucome 

Le glaucome se décline en plusieurs formes selon ses caractéristiques :

  • Glaucome à angle ouvert : c’est la forme la plus fréquente. Dans ses premiers stades, il est asymptomatique. Il est généralement lié à une augmentation progressive de la pression intraoculaire, due à un blocage graduel des voies d’évacuation, tout en maintenant l’angle irido-cornéen ouvert. Cette obstruction entraîne une perte des fibres nerveuses. À un stade avancé, le patient peut développer une vision tubulaire, caractérisée par une préservation de la vision centrale pendant une longue période, mais avec une perte significative de la vision périphérique.
  • Glaucome à angle fermé (aigu) : ce type de glaucome, plus rare, se caractérise par un angle étroit entre l’iris et la cornée. Cela provoque un blocage soudain du drainage de l’humeur aqueuse, entraînant une élévation rapide de la Pression intraoculaire (PIO) et une perte accélérée des fibres nerveuses. Les personnes âgées et celles qui sont hypermétropes —ayant des difficultés à voir nettement les objets proches tout en voyant clairement les objets éloignés— sont plus à risque de développer un glaucome aigu. En raison de l’apparition brutale et sévère des symptômes, une consultation ophtalmologique immédiate est indispensable. 
  • Glaucome congénital : ce type de glaucome est rare et causé par des anomalies dans le développement des structures responsables du drainage oculaire. il se manifeste dès la naissance. Les symptômes peuvent inclure une photophobie, un larmoiement excessif et une buphthalmie (augmentation anormale de la taille des yeux).
  • Glaucome à pression normale : dans ce cas, il y a une perte du champ visuel malgré une PIO qui reste dans les limites normales. Ce type est souvent lié à des troubles vasculaires. 
  • Glaucome secondaire : ce type résulte d’autres conditions sous-jacentes, qu’elles soient systémiques ou oculaires. Il peut être : •Traumatique : consécutif à des blessures.                                                                             

                                                                      •  Inflammatoire : associé à des uvéites (inflammation de l’uvée qui est la couche médiane de l’œil incluant l’iris, le corps ciliaire et la choroïde).                           

                                                                     •Médicamenteux : provoqué par l’utilisation de certains médicaments.   

                                                                   • Néo-vasculaire : lié à une occlusion veineuse ou au diabète.

 

Signes cliniques 

 

Bien qu’asymptomatique dans les premiers stades, le glaucome peut se manifester progressivement par une perte de la vision périphérique, l’apparition de halos autour des lumières et des douleurs oculaires. Dans certains cas, des symptômes tels que des nausées et des vomissements peuvent également survenir (notamment dans le glaucome aigu). 

 

Facteurs de risques 

Une prédisposition génétique et multifactorielle (pouvant conduire à plusieurs maladies) existe, augmentant le risque de développer un glaucome. Les personnes les plus à risque incluent :

  • Celles ayant des antécédents familiaux de glaucome.
  • Les individus âgés de plus de 60 ans.
  • Les personnes atteintes de myopie sévère. 
  • Les fumeurs, ainsi que ceux souffrant de diabètes, de maladie cardiovasculaire, d’hypertension artérielle (HTA) ou d’hypothyroïdie. 
  • Les patients présentant une pression intraoculaire (PIO) anormalement élevée. 
  • Antécédents de chirurgie ou de traumatisme oculaire (blessures ou infections)
  • Les utilisateurs de corticoïdes, qu’ils soient administrés sous forme de collyres (gouttes ophtalmiques) ou par voie systémique, lorsqu’ils en font un usage prolongé.
  • Personnes d’ascendance africaine, asiatique ou scandinave.

Diagnostic 

Afin de diagnostiquer un glaucome, un interrogatoire médical est réalisé, prenant en compte des facteurs de risques mentionnés précédemment ainsi que les signes éventuels (douleur oculaire, vision floue...) qui peuvent être mis en place. L’ophtalmologue procède à plusieurs examens indolores :

  • Gonioscopie : cet examen permet de mesurer l’angle entre l’iris et la cornée. Un angle anormalement étroit peut indiquer un risque de glaucome aigu.
  • Ophtalmoscopie : examen du nerf optique pour détecter des signes de dégénérescences tels que l’excavation du disque optique. 
  •  Mesure du champ visuel (périmétrie) : cet examen permet de détecter des pertes de vision périphérique, caractéristiques de glaucome, ou une vision tubulaire. Le suivi périodique de ce test est essentiel pour vérifier l’évolution de la maladie. 
  • Tonométrie ou mesure de la pression intraoculaire : une pression intraoculaire supérieure à 21 mmhg peut suggérer un glaucome. Cette mesure est effectuée à l’aide d’un faisceau d’air pulsé ou d’un tonomètre placé en contact de la cornée après l’administration de collyre anesthésiant. La PIO peut varier en fonction de l’épaisseur de la cornée et de l’heure de la journée. 
  • Pachymétrie cornéenne ou mesure de l’épaisseur de la cornée : cette mesure est essentielle pour estimer la PIO réelle. Une cornée fine tend à sous-estimer la PIO, tandis qu’une cornée épaisse peut la surestimer. 
  • Examen du fond d’œil : permettant d’observer la rétine et l’origine du nerf optique pour détecter des lésions des fibres optiques et d’évaluer l’état des vaisseaux sanguins rétiniens. Des photographies de la rétine peuvent être prises pour suivre l’évolution de la maladie entre deux examens. 
  • Tomographie en cohérence optique (OCT) : analysant l’épaisseur des fibres nerveuses rétiniennes et du nerf optique, elle peut être administrée pour identifier les dommages causés par le glaucome.

Un dépistage précoce et régulier est crucial, surtout pour les personnes présentant des facteurs de risque, afin de freiner ou prévenir l’évolution de la maladie. 

Traitements et Suivi 

Les traitements du glaucome visent à réduire et stabiliser la PIO afin de préserver la vision du patient.  Ces interventions préventives permettent de diminuer considérablement les dommages du nerf optique et comprennent :

  • Traitement au laser : utilisé afin d’améliorer le drainage de fluides (iridotomie périphérique ou trabéculoplastie). 
  • Chirurgie : réservée aux stades avancés, elle permet de créer un nouveau système de drainage (trabéculectomie, sclérotomie profonde). 
  • Traitement médicamenteux : par collyres antiglaucomateux, il aide à contrôler la PIO en diminuant la production de fluide ou en facilitant son drainage (bétabloquants, analogues de prostaglandines, inhibiteurs de l’anhydrase carbonique...) ou par voie orale (DIAMOX, un inhibiteur de l’anhydrase carbonique).

Lors de l’administration du traitement, des contrôles fréquents de la PIO sont effectués pour évaluer son efficacité. Par la suite, la fréquence des examens peut être réduite. Le respect rigoureux du traitement est crucial pour prévenir toute perte de vision.

Prévention 

Certaines mesures préventives peuvent réduire le risque de glaucome ou permettre une détection précoce, augmentant ainsi les chances de préserver la vision :

  • Réaliser des examens ophtalmologiques réguliers, en particulier à partir de l’âge de 40 ans. 
  • Protéger les yeux lors d’activités à risque pour prévenir les traumatismes oculaires.
  • Surveiller et contrôler les maladies associées, telles que le diabète ou l’hypertension artérielle, qui augmentent le risque de glaucome. 
  • Eviter l’automédication, en particulier l’utilisation non supervisée de corticoïdes, qui peuvent augmenter la PIO.

Des dépistages oculaires réguliers et périodiques, incluant la mesure de la PIO, l’évaluation du champ visuel et l’examen de l’état du nerf optique, constituent la première ligne de défense contre cette maladie, permettant une prise en charge efficace.

Mot de la fin :

En conclusion, le glaucome, souvent surnommé le « voleur silencieux de la vue », reste un défi majeur en ophtalmologie en raison de son caractère insidieux et de son impact irréversible sur la vision. Pourtant, avec un dépistage précoce, une prise en charge adaptée et une sensibilisation accrue, il est possible de préserver la vue et d’améliorer significativement la qualité de vie des patients.

PARTAGER