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Le vrai prix de la cigarette

Fumer tue.

Ces mots bruts ont beau être placardés sur toutes les boîtes Cedars et Marlboro, le Liban n’en demeure pas moins le troisième plus gros consommateur de tabac au monde. Voyez un adulte qui passe dans une rue à Beyrouth et tirez à pile ou face : vous avez toutes les chances de deviner s’il est fumeur ou non. En effet, ce sont 45.2% des adultes, 38 % des plus de 15 ans et 11 % des adolescents libanais qui consomment régulièrement les produits de l’industrie tabagique. Une proportion dantesque qui met en valeur le courage de ceux qui, à l‘USJ, ont œuvré pour tenter d’instaurer un « Campus sans Tabac ». Un projet on ne peut plus louable puisqu’un rapport de 2022 dévoile que 9200 Libanais meurent chaque année de maladies liées au tabagisme, soit plus du quart des décès dans le pays. Rappelons au passage que le fumeur n’engage pas que sa santé personnelle, mais aussi celle de tout son entourage : conjoint, enfants, amis, tous victimes d’un tabagisme passif qui gonfle sournoisement les chiffres d’affaires des entreprises de pompes funèbres.

 

Ce discours peut paraître excessivement alarmiste : après tout, il faut bien mourir de quelque chose, non ? Et puis, les gens font bien ce qu’ils veulent avec leur santé, non ? Ceux qui sont gênés n’ont qu’à s’éloigner ! Enfin, combien coûte une cigarette ? Ça ne peut quand même pas être si grave à l’échelle d’un pays !

 

Une thèse du début 2024 présente les coûts sociaux du tabac au Liban. Cette étude prend en compte les dépenses de santé directes et indirectes ainsi que les autres externalités socioéconomiques liées à cette pratique : De 2017 à 2019, le tabagisme a coûté plus de 500 millions de dollars par an à notre société. 500 millions de dollars dont l’économie libanaise se voit ponctionnée chaque année par ’une institution, une politique et une culture du tabac qui rongent la population. De surcroît, même si l’on tempère ce chiffre en prenant en compte les revenus de la Régie Libanaise des Tabacs et Tombacs, institution publique détenant le monopole local, c’est tout de même un déficit de plus de 110 millions de dollars par an qui s’impose (avec un maximum de 175.5 millions en 2017). Fumer revient cher à la société.

 

Ce bilan accablant est en fait exacerbé par le développement d’un marché noir (dont la taille est aujourd’hui estimée à 16.8 % du marché régulier) et la dégradation de l’institution publique. Cela empêche une gestion efficace du tabagisme, notamment au niveau de l’information et de la sensibilisation : à ce jour, les fumeurs ont davantage tendance à sous-estimer les risques et les dangers liés à leur pratique que les non-fumeurs. Ceci est particulièrement vrai pour les adeptes du narguilé, dont les effets néfastes sont très sous-estimés. Elle jouit d’ailleurs d’une grande popularité du fait de sa place dans les activités sociales récréatives des Libanais.

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