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Notre patrimoine, une mémoire en péril ?

En rédigeant cet article, j'ai plongé dans les archives des publications de Campus-J concernant la rubrique Ici Le Liban. Cette exploration m’a touchée. Les titres des articles précédents reflètent la tristesse de la situation actuelle comme : « Volontariat en temps de crise », « When One Suffers, We All Suffer », « Ici l’armée » ou encore « Lebanon Struggles: Anxiety and Trauma ».

Pourtant, cette rubrique célébrait autrefois la beauté et la richesse du Liban, avec des récits inspirants tels que « Tyre, Queen of the Seas », « Zahlé : une ville ancestrale au cœur de la vallée de la Békaa, » ou « Lebanon Switzerland of the Middle East ». Aujourd'hui, la réalité est différente : le conflit a bouleversé notre quotidien, ravagé notre pays et transformé cette rubrique en un miroir traduisant notre douleur. 

On compte plus de 15 000 blessés, plus de 3500 martyrs et plus d’un million de déplacés, contraints de se réfugier dans des écoles publiques ou même dans la rue.

Ce conflit ne cible pas seulement les citoyens, l’infrastructure et les institutions mais aussi s’attaque à notre patrimoine, notre fierté et notre histoire. Des villes emblématiques comme Beyrouth, Tyr, Baalbek, Zahlé ou Saïda sont bombardées sans relâche, effaçant les récits que nous partagions tellement dans cette rubrique.

Le patrimoine culturel du Liban, déjà fragilisé par des décennies de négligence et de crise économique, fait face à une nouvelle menace : les frappes aériennes israéliennes. Ces dernières semaines, des sites historiques de renommée mondiale, tels que la citadelle de Baalbek, ont été touchés vu qu’ils se trouvent à proximité des zones bombardées.

Baalbek, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1984, abrite l’un des plus importants complexes religieux de l’antiquité. Construits par les Romains durant deux siècles, ses temples – dédiés à Jupiter, Bacchus et Vénus – témoignent de la fusion entre l’architecture impériale romaine et les traditions phéniciennes. Cependant, des frappes récentes ont atterri à seulement 500 à 700 mètres de ces monuments emblématiques, provoquant des ondes de choc inquiétantes et des nuages de fumée noire susceptibles de fragiliser les pierres archéologiques.

Ailleurs, des destructions majeures ont été signalées. Les souks historiques de Nabatieh, marché vieux de 200 ans, ont été détruits, privant la communauté d’un centre économique et social essentiel. D’autres sites, comme le site archéologique d’Anjar, le château de Tebnine, les ruines de Tyr, les forêts de Qadisha et les Cèdres de Dieu, sont également en péril.

Le ministre libanais de la Culture, Mohammad Mortada, a lancé un appel à l’UNESCO et à la communauté internationale pour protéger ces lieux emblématiques. Mais face à ce qu’il qualifie de mépris des conventions internationales, notamment la Convention de La Haye de 1954, l’efficacité des protections, comme l’emblème du Bouclier Bleu, reste limitée.

Le Liban, riche de milliers de sites historiques, est à un carrefour tragique où son patrimoine risque de disparaître sous les bombes. Comment préserver l’histoire et l’identité d’une nation face à une destruction si systématique ? Comment espérer protéger des pierres lorsque la vie humaine elle-même n’est pas respectée ? Les enfants, les femmes, les hommes et la dignité humaine sont abandonnés. Pourquoi protégerait-on l’histoire, quand l’humanité elle-même semble oubliée ?

Dans cet article, je ne me limite pas à lancer un appel collectif, car je sais que les douleurs d’aujourd’hui sont bien plus profondes que celles causées par la perte de notre patrimoine. Cependant, il est crucial de mettre en exergue les dégâts, les désastres que subissent nos terres bénies de la part de notre ennemi farouche : il ne se contente pas de cibler nos vies, il anéantit néanmoins l’histoire, la mémoire et l’âme de notre nation.

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