Lorsqu’on nous demande de définir l’amour, nous nous mettons à hésiter et balbutier : formuler une définition précise semble être une mission impossible. En effet, il est rare de trouver une définition universellement acceptée et consensuelle.
Cependant, un comportement obsessionnel et dépendant envers l'amour est de plus en plus observé aujourd’hui. Dans ce cas, il s’agit de la limérence. Cette tendance affecte inconsciemment certaines personnes et est certainement plus explicite et plus simple à définir que l’amour lui-même. Il est alors important de se demander si « être en couple », tel que c’est perçu aujourd'hui, représente toujours un état d’amour, ou plutôt s’est transformé en une sorte d’habitude addictive et délirante.
Bien qu’elle soit fréquente, confondre la limérence avec l’amour représente une erreur cruciale. L’obsession est loin d’être proche du vrai amour. D’ailleurs, la limérence se situe à la croisée de la dépendance affective et de l'addiction, similaire à celle que l'on pourrait développer envers des substances telles que l'alcool, le tabac et la drogue. Cela a été confirmé par Dorothy Tennov dans son essai intitulé « Love and Limerence : The Experience of Being in Love » où elle définit la limérence comme « un état interpersonnel involontaire qui implique des pensées intrusives, obsessionnelles et compulsives, des sentiments, et des comportements subordonnés à la réciprocité émotionnelle perçue chez l'objet d'intérêt ».
Étant un état psychologique autodestructeur et toxique, ce comportement dévie le chemin équilibré d’une relation harmonieuse vers une relation toxique. Une personne qui en souffre ne pense qu’à son bien-aimé. Ces pensées sont délirantes, constantes et compulsives. On parle de rêverie et d’idéalisation de la personne désirée qui devient le centre d’intérêt. En outre, les sentiments de jalousie, de possessivité intrusive, de peur de rejet ou la crainte fantaisiste de perdre la personne sont bien plus favorisés. Une dépendance affective est ainsi créée et se manifeste par un besoin permanent de rester en contact avec l’autre.
Les dernières recherches ont révélé une similarité entre limérence et trouble obsessionnel compulsif non seulement en termes de comportements et de psychologie, mais également sur un plan neurochimique. La sécrétion de neurotransmetteurs d’une personne obsédée est affectée aussi bien en quantité qu’en qualité. En effet, des études ont estimé que la dopamine est impliquée dans le phénomène de limerence. Ce neurotransmetteur, qui occupe une place centrale dans le système de récompense, est secrété en réponse à un stimulus agréable, ce qui résulte en une sensation de plaisir et de récompense et un renforcement des comportements conduisant à ces récompenses. Dans l’état de limérence, la sécrétion de dopamine augmente, ce qui amplifie les sentiments d’euphorie et de préoccupation en présence de la personne désirée. Par ailleurs, ceci accentue également les comportements liés à l’obsession tels que penser souvent à la personne, vouloir rester près d’elle tout le temps ou chercher à attirer son attention…
Pareillement, la sérotonine intervient dans le comportement obsessif. Il est estimé que les personnes avec des taux plus bas de sérotonine sont plus aptes à développer un état de limérence. Ceci a pour conséquences des sentiments d’anxiété et de précarité vu que ce neurotransmetteur régule l’humeur et le comportement social. Il est bon de noter que d’autres hormones et neurotransmetteurs sont également associés dans le phénomène de limérence, comme l’ocytocine, le cortisol et les endorphines.
Heureusement, l’évolution psychiatrique et psychologique a permis de trouver différents traitements et démarches stratégiques pour vaincre la limérence ou au moins essayer de minimiser la souffrance d’une personne dans un état pareil. Un accompagnement psychologique ou psychiatrique est recommandé dépendamment de la situation personnelle et de la sévérité des symptômes.