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La philosophie : maïeutique de l’USJ

Au début, Socrate pratiquait l’accouchement des âmes en posant des questions aux passants. Plus tard, des penseurs comme Socrate y ont ajouté d’autres éléments, en impliquant d’autres champs comme la religion, l’existence, les mathématiques, le langage et l’homme dans le monde. Cela a donné naissance à la philosophie, dont son union avec la didactique a produit un enfant : le département de philosophie. Nous observerons de plus près ce qui forme les penseurs de demain.

Un département qui pense donc existe

L’histoire commence avec la naissance de la FLSH, créée par les anciens de l’École des Lettres de Beyrouth, qui venait de fermer. Leur objectif était de lui donner un successeur de taille. D’abord situé à Huvelin, ils déménageront au CSH en 2000, près du CSM.

Le cursus propose une licence, un Master et un doctorat. On y enseigne les philosophes classiques comme Descartes, la philosophie antique et l’étude des textes religieux, sans oublier les nombreux séminaires et colloques organisés pour rencontrer des experts internationaux. Pour rendre les choses plus claires, Pamela Krause, l’actuelle cheffe du programme universitaire, répondra à nos questions.

  1. En quoi la philosophie est-elle si importante pour la société libanaise ?

La philosophie est, traditionnellement, au fondement de la logique : diamétralement opposée à la sophistique, elle a permis de penser les institutions juridico-politiques, les lois et les constitutions... Sa rigueur et sa réflexivité sont donc essentielles pour aborder les extrémismes religieux et la polarisation politique, mécanismes extrêmement répandus sur les réseaux sociaux qui s’en nourrissent. Sa pratique permet donc de se prémunir contre la doxa et le dogmatisme. La philosophie nous libère, en quelque sorte : elle nous permet de remettre en question nos certitudes avec rigueur et rationalité, de réfléchir aux valeurs républicaines que nous partageons (ou pas), ainsi qu’à la notion d’identité collective et de bien commun—des débats vitaux au Liban. La philosophie sert aussi d’excellent garde-fou : l’éthique permet de dénoncer les dérives individuelles et sociétales ; c’est d’ailleurs pour cette raison que l’université de Montpellier—la plus ancienne faculté de médecine au monde— inclut au programme des cours obligatoires de bioéthique, que les CHU européens accueillent de plus en plus de philosophes dans leurs comités d’éthique, et que nous créons un laboratoire d’humanités médicales. 

La philosophie est par ailleurs guérisseuse : elle permet de réfléchir sur notre condition humaine (notre corporéité, nos angoisses, notre mortalité…) dans ce qu’elle a de plus difficile—d’où l’émergence de la thérapie existentielle, fondée sur la liberté et l’autonomie du patient. Enfin, l’épistémologie permet de poser un regard critique sur la nosologie, rendant sensible à tous les enjeux sociaux, politiques et genrés qui sous-tendent nos catégories médicales : je vous conseille de lire les ouvrages de Jérôme Wakefield à ce sujet. Pour résumer, la philosophie rend un peu moins bête : qui pourrait prétendre s’en passer ?

  1. Malgré les circonstances actuelles, comment parvenez-vous à faire vivre le département ? 

La philosophie est au fondement des savoirs scientifiques et des humanités : elle est donc indispensable à toute université digne de ce nom. J’inverserais plutôt le sens de votre question : comment parvenir à faire revivre notre pays grâce à la philosophie ? Si « la politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde », comme l’affirmait Paul Valéry, tout le rôle de la philosophie est de poser un regard critique sur nos institutions, de débattre des enjeux qui nous concernent directement, comme la question de la mémoire collective—thème qui a fait l’objet de notre dernier colloque international. La philosophie a donc un rôle critique (au sens quasi médical du terme) en mettant en crise nos institutions et certitudes sclérosées : nous organisons plusieurs colloques internationaux par an, des tables rondes interdisciplinaires, et publions des articles et volumes collectifs. Nous créons aussi des partenariats régionaux et internationaux pour mieux penser les défis que le pays rencontre.

  1. En tant qu’ancienne de l’USJ, comment pourriez-vous expliquer votre expérience d’étudiante ?

Je suis ancienne de l'USJ et fière de l'être ! L'accompagnement spécialisé offert par l'USJ, la bienveillance du corps enseignant, la richesse et l'interdisciplinarité du programme de philosophie (philosophie et théologie, esthétique, éthique, épistémologie, histoire de la philosophie...) ainsi que les nombreuses bourses de mérite qui m'ont été octroyées m'ont permis de construire mes références conceptuelles et de penser par moi-même. La rigueur et la discipline exigées par le programme m'ont préparée à l'enseignement, à l'édition et à la rédaction d'ouvrages et d'articles scientifiques.

 

Les étudiants actuels peuvent aussi en témoigner :

 

« Avoir décidé d’entamer des études universitaires en philosophie à l’USJ a été l’une des décisions les plus importantes de ma vie, affirme Tony Najjar, en troisième année. Non seulement ai-je choisi une discipline extrêmement demandée au Liban, avec toutes les crises qui le frappent, mais j’ai aussi choisi la discipline la plus proche de ma manière de penser. J’ai toujours été quelqu’un qui se questionne en permanence de tout ce qui nous entoure et la philosophie, avec ses différents penseurs, me permet de m’ouvrir au monde avec toute sa complexité afin d’essayer de trouver des réponses satisfaisantes.

Mon expérience à l’USJ a vraiment été exceptionnelle. Les cours de philosophie sont très variés et englobent un grand nombre de penseurs tels que Nietzsche, Descartes et Kant. Les professeurs sont compétents et nous accompagnent très bien durant notre parcours.

 

Une chose est sûre, c’est qu’il faut Sapere Aude.

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