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Revenir au Liban cet été : une diaspora mitigée

 En vue de la guerre toujours en cours au Sud du Liban, le pays risque de ne pas accueillir le flot de diaspora auquel il s’est habitué les deux dernières années. Pour avoir une idée du ressenti général des Libanais qui ont l’habitude de revenir à chaque période de vacances, nous avons interviewé deux Libanaises de la diaspora, chacune ayant fait un choix opposé à l’autre. 

Je viens, malgré tout

« Il ne m’est jamais venu à l’esprit de ne pas venir », proclame Dana N., comme s’il s’agissait d’une évidence. « Peut-être que si j’habitais aux frontières, j’y aurais pensé… ». Cependant, Dana habite à Sidon, une ville de la région Sud. Bien que Sidon n’ait pas été cible de bombardements et qu’elle soit une région « sûre », elle reste considérée comme étant une zone plus ou moins à risque. 

« Quoiqu’il arrive, ma famille et moi serons ensemble ». Lorsqu’on a demandé à Dana, vivant au Qatar depuis bientôt dix ans et mère d’une fillette, pourquoi elle compte venir au Liban cet été, sa première réponse, presque intuitive, a été : « Pour ma famille. Pour ma fille. » Si elle avait pu, elle n’aurait jamais quitté le Liban, et ce n’est pas la première fois que cette jeune femme choisit de venir malgré les circonstances contraignantes. 

« Votre fille a dix ans, elle n’est pas un peu au courant de ce qui se passe ? »

« Elle connait juste les grandes lignes… Elle ne sait pas ce qu’est un missile, un « MK » … On pourrait toujours le lui apprendre ! », termine-t-elle en riant. « L’humour est la politesse du désespoir », disait Boris Vian.

« Écoutez, on est habitué. On est blasé. C’est toujours comme ça au Liban. On ne va pas attendre que ça se termine pour venir. »

Est-ce que venir en vaut la peine ?

« Même si les gens y sont habitués, si la situation perdure ainsi, nous courrons de très grands risques. » Ghida B. est mère de deux enfants de cinq et de deux ans, elle s’est installée en Italie en 2017.  La jeune femme souligne l’ampleur de cette situation qui n’est pas à confondre avec les problèmes sécuritaires routiniers du Liban. Ghida est originaire de Tyr, une ville actuellement à risque. « On peut rester à Beyrouth, mais venir au Liban et ne pas aller à ma ville natale ? Ça n’a pas de sens. Je ne peux pas l’imaginer. » 

Ghida rajoute que ses deux préoccupations majeures sont la santé mentale de ses enfants (les bruits des bombardements étant très audibles à Tyr), et la potentialité de se retrouver par hasard à côté d’une voiture ciblée, chose arrivée plusieurs fois à Tyr. Ghida vivait à Tyr lors de la guerre de 2006, et quelque chose en elle ne souhaite pas à ses enfants ce qu’elle a vécu.

 

Le Liban est le pays de l’incertitude et du paradoxe. Entre l’impossibilité d’envisager un été loin de sa famille et la peur du traumatisme générationnel, toujours est-il que la Diaspora libanaise a la possibilité du choix. 

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