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Non, les graffitis ne sont pas ... vraiment... illégaux

Explorant les vielles ruelles de Beyrouth avec Campus-J en novembre 2023, nous avons fait la connaissance d’Aya, une « street artist » qui nous partageait sa passion pour l’art et nous faisait découvrir les joyaux artistiques cachés de cette ville sous forme de graffitis et de « street art ». Est-ce un délit sanctionné par le droit libanais ou une forme d’expression pour ses auteurs ? 

Il faut savoir qu’un principe fondamental du droit pénal dans tout État de droit est le principe de légalité des délits et des peines. Cela signifie qu’aucune infraction ou peine ne peut être sanctionnée si la loi ne le prévoit pas explicitement. En effet, aucune loi ou texte du droit pénal, qui doit donc être interprété strictement, ne condamne l’art de rue. 

Par contre, des régimes juridiques relèvent du respect du droit de propriété et de l’ordre public. Les articles 731 à 744 du Code pénal, sous le chapitre 8 « Des dommages aux biens de l’État et des individus », condamnent plusieurs actes de dégradation et de destruction relevant d’attaques contre les biens publics, privés, et historiques. De plus, en cas de préjudice causé à la propriété d’une personne privée ou publique, la responsabilité civile de l’artiste peut être engagée, et il pourrait être tenu de réparation et de dommages-intérêts. Aya, quant à elle, explique qu’elle cherche des emplacements abandonnés pour exercer son art et qu’elle demande souvent l’autorisation du propriétaire si elle souhaite dessiner sur son territoire. 

En pratique, le champ et l’arbitraire de ces condamnations au Liban sont très révélateurs. Le peintre et poète Semaan Khawam a été victime de condamnations en 2012 après avoir dessiné un graffiti commémorant la guerre civile libanaise. Il en a conclu que « Le graffiti n’est pas interdit, en principe, au Liban, sauf s’il porte un message politique ».  

Il convient de noter que le financement des graffitis est lui-même très coûteux et pose un problème, surtout pour les classes moins aisées qui trouvent refuge dans cet art. Beaucoup de grandes murailles sont financées par certains partis politiques ou d’autres bénéficiaires. 

Comme le souligne l’activiste Khodr Saleme : « Les ruelles de Beyrouth nous appartiennent, et à personne d’autre. Ils ne sont pas pour les factions et les partis soutenus, mais pour ces jeunes activistes politiques indépendants qui rêvent d'un Liban meilleur, un Liban marchant main dans la main avec tous les peuples arabes vers la porte de la liberté. Le graffiti est une expression de la prise de possession par le peuple de ses murs, affirmant qu'ils ne doivent pas rester des murs et la propriété des plus forts ».

En conclusion, le « street art » n’est pas seulement un art en soi, mais aussi une forme d’expression pour une partie passionnée de la population libanaise. Entre la liberté d’expression et le droit de propriété, entre l’art et l’ordre public, les tribunaux libanais devraient opérer un équilibre objectif loin des discriminations politiques et partisanes.

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