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Le club de débat à l’USJ

Place au discours 

Jeudi 2 novembre. 

La nuit s’impose au CSS, « Huvelin », portant le nom d’une rue nommée en l’hommage au jésuite Paul Huvelin, fondateur de la faculté de droit. 

Le campus semble calme. 

Calme ? Pas vraiment. 

Dans l’amphithéâtre Gulbekian, il ya du monde : on y trouve un jury formé de personnalités importantes et un public formé d’étudiants en principe observant un débat tenu par d'autres étudiants issus de toutes les facultés de l’USJ sur un sujet d’actualité : « Le gouvernement veut déclarer la guerre à un pays voisin ». 

Le débat clos, on attend : on discute, on rigole, on désespère, on espère. 

Meilleurt attendu est finalement venu : chacun dit son mot, puis l’équipe gagnante et le meilleur orateur s'annonceront et ceux qui percevront les félicitations du jury, des finalistes et des participants, recevront des certificats. 

Finalement, le débat se termine par un buffet. Cela n’est que le déroulement de la finale du championnat de débat inter-faculté organisé par le Club de Débat.

 

Un club pour débattre ?

Dans la pléthore de clubs qu’on trouve à l’USJ se trouve le club Libanais de débat. 

Dans la partie « Clubs Étudiants » du site de l’USJ, on lit à son propos : « Promouvoir le dialogue au sein de la société, et ce sous la forme la plus noble qu’est le débat » et « Dans un monde ou la parole ne se libère pas assez où se libère sous une forme anarchique, le format parlementaire privilégie donc l’argumentation et l’éloquence, tout en formant les futurs ministres, députés et autres diplomates de demain ». 

C’est ainsi évident que le club fera du dialogue une de ses priorités, dans un pays dans lequel on parle mal ou ne parle même pas.

 

Règles pour bien se libérer

Le débat fonctionne avec deux blocs : le gouvernement et l’opposition. Le gouvernement voudrait adopter une loi mais l’opposition fera tout pour en empêcher. 

Le gouvernement est composé du Premier ministre, qui adopte le contexte qu’il veut et annonce les arguments, des ministres au nombre de deux ou trois, qui portent chacun un argument d’un domaine spécifique (Ex : domaine économique), et d'un secrétaire général qui résume les arguments de l’opposition en les critiquant. L’opposition est structurée de la même manière : le Chef de l’opposition réfute les arguments du Premier Ministre et met en place ses contre-arguments, deux ou trois députés, abordant chacun ses contre-arguments sur un domaine chacun, et un secrétaire général qui résume les arguments du gouvernement et les critique. 

Le débat commence lorsque le modérateur qui veille au bon déroulement du débat répartit les gens en deux groupes égaux (gouvernement et opposition) et annonce le sujet dans un pays X, occasion de créer le contexte qui nous arrange le plus, en nous empêchant d’utiliser un vrai pays venant aussi de l’actualité. 

On nous donne vingt minutes pour se répartir les rôles et écrire nos arguments. Une fois ceci fait, le jury se met en place et le modérateur annonce l’ouverture du débat et appelle le Premier ministre puis le chef de l’opposition, le ministre, le député, jusqu’au secrétaire général de l’opposition. Chaque participant dispose de cinq minutes : une minute protégée où personne n’a le droit de l’interrompre afin qu’il puisse introduire le sujet, trois minutes où les membres de l’équipe adverse peuvent poser des questions pour déstabiliser et où le concerné doit au moins répondre à une seule question, sans mettre en place un dialogue: interdit car faute de temps. Il a aussi le droit de ne plus prendre de questions. Enfin, il a droit à une minute protégée pour qu’il puisse conclure. 

Le tout est annoncé par des sons de cloche. Une fois retourné à sa place, celui qui le suit doit réfuter l’argument de son prédécesseur et fait de même. Et c’est ainsi de suite pendant tout le reste du débat. 

Une fois le débat clos, les participants sortent, attendant que le jury délibère. Ensuite, on se réunit pour voir l’équipe gagnante et évalue chaque participant sur ses points faibles comme forts.

 

Débattre et se battre

Tout au long de l’année se tiennent deux championnats : un au premier semestre où plusieurs étudiants de diverses facultés au sein de l’USJ s’affrontent entre eux, en passant des qualifications, au quart de finale, à la demi-finale, pour enfin arriver à la finale et à un débat avec des étudiants issus d’universités étrangères. Au fur et à mesure du débat, le jury devient de plus en plus important. A la fin, on reçoit des prix : prix du meilleur orateur, félicitations du jury et certificat de participation pour l’inter-faculté chez les deux équipes. Les mêmes prix se présentent pour le championnat international chez les deux équipes, étrangères et libanaises. D’ailleurs, on peut suivre l’évolution des événements à travers les pages Facebook et Instagram du club, publiant les meilleurs moments et les étapes vers la finale. À prendre en compte que tout au long du semestre, le club organise des séances hebdomadaires pour l’entraînement ou la décompression durant les jours de cours.

 

Les témoins ont parlé

La meilleure conclusion serait de demander aux membres eux-mêmes de raconter leur expérience et d’adresser un message aux gens sur le sujet :

« Pour une première expérience dans des débats semi-officiels, je trouve que le club de débat est vraiment formidable, affirme Rawad Jalloul, étudiant en première année de sciences politiques. 

Déjà, c’est accessible à tous et bien sûr, la compétition a été superbe, ça permet aussi de sortir de sa zone de confort. » 

Pour appuyer son propos, il se base sur une expérience personnelle où il était contraint de défendre une idée qui lui est opposée, luimontrant une raison de s’entraîner à la communication et à l’expression. Il conclut en encourageant fortement à rejoindre le club, rempli d’expériences enrichissantes.

« Oui » déclare Melicca el Murr, étudiante en quatrième année de médecine. La jeune femme y insiste pour plusieurs raisons : la rencontre dont l'union perdure toute une vie, l’acquisition à l’étranger et au Liban de compétences utiles au quotidien telles que l’art de convaincre et l’éloquence. Elle souligne d’autres points importants tels que la créativité, l’ouverture d’esprit avec la défense d’opinions étrangères et le goût à la recherche sur la situation mondiale. 

« Ce qui effraie certains lors des débats, c’est la crainte d’être moqués et de commettre une erreur, chose qu’ils ne supportent pas en public. Il y’a des gens que je connaissais qui étaient timides de nature mais qui, avec le débat suite à plusieurs débats, ont totalement changé. » Avis aux timides et à ceux qui ont le trac, le débat permettra de réveiller le tigre qui est en vous.

Albert Najm, étudiant en quatrième année de droit, rejoint les propos de ses confrères. « Dans un contexte où les discussions sont dominées par les émotions et où le rationnel est souvent écarté, ce championnat nous a permis de revenir aux bases : argumenter de manière structurée et claire », ajouta-t-il. Il insiste évidemment sur les leçons qu’on peut tirer telles que la réflexion et l’exposition sous contrainte ainsi que le rapport entre débatteurs, étant non pas un rapport conflictuel, mais un rapport de dialogue. 

Enfin, prit la parole le chef du club de débat, Karl Makary, en troisième année de droit : « Mon expérience était unique en son genre. Elle m’a permis de partager ma passion avec mes camarades, de revivre l’époque où j’ai pris la parole en public pour la première fois, et d'apprendre aux étudiants comment croire en eux-mêmes, parce que j’ai toujours cru en chacun et chacune d’entre eux. J’adresse un seul message aux gens qui hésitent à intégrer le Club de débat… Participez à une séance d’entraînement, et jugez pour vous-mêmes si cet environnement vous convient ! »

C’est en effet une des meilleures expériences qu’un étudiant puisse avoir : à l’heure où les excès sont monnaie courante, le débat permet de simplifier le discours à ceux qui parlent beaucoup, à mettre de l’eau dans le vin des provocateurs, et à défendre ses idées pour les plus timides. 

En espérant voir de nombreux futurs rhéteurs durant les championnats.

 

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