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Mot du Doyen

Lancement de l'année académique 2023-2024

Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

 

L’éducation à l’épreuve de l’intelligence artificielle

 

 Chers étudiants,

 

Nous vivons des mutations sociétales sans précédent et il serait vain de penser qu’elles n’affecteront pas les modalités de l’enseignement-apprentissage. Face au monde contemporain, qualifié de « festival d’incertitudes » (Morin, 2020), que l’intelligence artificielle vient également bousculer, ne faut-il pas repenser les « fondamentaux » de l’école ? Il nous est certes demandé de tenir compte des compétences académiques dans la formation des élèves mais cela ne suffit plus en présence des logiciels d'intelligence artificielle qui envahissent notre quotidien, concurrençant nos capacités humaines. Quelle attitude adopter ? Quelles stratégies mettre en œuvre ?

 

Frappé de plein fouet par ces inventions, le secteur éducatif fait face à de sérieux bouleversements, en l’occurrence avec la création du robot conversationnel ChatGPT qui inquiète et fascine à la fois. Toutefois, la peur est mauvaise conseillère tout comme l’enthousiasme excessif. Interdire carrément l’utilisation des outils d’intelligence artificielle en éducation pourrait être une guerre perdue d’avance puisque ces outils sont accessibles à tous les élèves (version gratuite de ChatGPT, disponible dans plusieurs langues) et finiront par devenir incontournables dans la vie quotidienne de tout un chacun. La question n’est donc pas dans le choix d’accepter ou de refuser les technologies intelligentes puisqu’elles s’imposent à nous mais de voir comment nous pouvons les investir dans l’enseignement, en relevant leurs redoutables défis éthiques. Les enjeux du numérique ne sont plus désormais techniques mais ils touchent la formation des élèves ainsi que le développement professionnel des enseignants.

 

À la Faculté des sciences de l’éducation, nous appelons de nos vœux une approche technologique intelligente centrée sur l’humain. Il s’agit de recourir aux innovations pour optimiser la formation des élèves, dans une logique de complémentarité et non de substitution, veillant surtout à ne pas affecter l’autonomie des personnes en les rendant dépendantes des machines. Néanmoins, la réflexion ne peut être engagée individuellement. Elle devrait mobiliser l’ensemble de la communauté éducative, responsables, enseignants, élèves et parents, afin d’accompagner les nouvelles générations dans leur utilisation, en cadrant institutionnellement ces technologies qui viennent bouleverser les usages pédagogiques. Cela pourrait nous inciter à repenser la formation des élèves en développant davantage leurs compétences de vie, nécessaires au monde de demain. Dans ce sens, ne faut-il pas revisiter nos approches pédagogiques, en l’occurrence, les modalités d’évaluation mises en œuvre ? Seule la pensée critique et réflexive, soucieuse de l’éthique, se pose en garante de protéger l’humain qui ne peut être considéré comme un moyen mais une fin en soi, ce qui constitue précisément sa dignité (Kant, 1797).

 

 

 

Lancement de l'année académique 2022-2023
Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

 

S’émanciper est « le métier que je veux lui apprendre »

 

Lorsque Rousseau a écrit dans l’Emile que « vivre est le métier que je veux lui apprendre », savait-il qu’un jour « vivre » ne suffirait plus ? Dans un monde éclaté, souvent incohérent et aux repères mouvants, peut-on se contenter d’aspirer à « vivre » ? Face aux mutations sociétales, émanant de conflits socio-politiques, doublés de bouleversements climatiques, entraînant des mouvements migratoires violents et un niveau de pauvreté sans précédent, la « forme scolaire » actuelle (Vincent, 1980) peut-elle rester la même ? L’incertitude contemporaine semble « fondamentale » (Asensio, 2017), puisque « la réalité est changeante » et que « du nouveau peut surgir et de toute façon, va surgir » (Morin, 2005, p. 111). Qu’attend-on  des acteurs scolaires ? Comment aider les élèves à « s’émanciper » afin de vivre pleinement ?

Face à cette mouvance sociétale, il faudrait former des citoyens proactifs, capables d’initiatives et de stratégie afin d’envisager des scénarios modifiables en fonction des aléas de la vie, au service de la collectivité. Il s’agit de les rendre capables de réguler leur vie afin de s’affranchir et non de s’adapter, l’adaptation pouvant être néfaste dans certains environnements pathogènes (Le Bossé, 2016). Pour cela, il est important de leur apprendre à mettre en œuvre d’une manière complexe, leur savoir, leur savoir-agir et leur savoir-être, à travers un processus de réflexion, d'anticipation, d'actions et d’interactions, mobilisant des compétences de haut niveau comme la créativité, la pensée critique, l’autonomie et la responsabilité, témoignant d’une résilience à toute épreuve. C’est alors qu’ils seront capables de maintenir la stabilité dans l’instabilité, de décider avec discernement dans l’incertitude, d’avancer à pas sûrs contre vents et marrées, de développer une intelligence stratégique, leur permettant de transformer les obstacles en opportunités, offertes notamment par l’environnement mouvant. 

Chers étudiants,

S’affranchir suppose surtout de développer la compétence transversale de la collaboration, qualifiée par De Ketele (2021) d’éthique de partenariat, afin promouvoir auprès de nos élèves une dynamique constructive et non compétitive. Travailler ensemble suppose de conjuguer nos singularités pour les mettre au service du bien commun, œuvrant pour un monde de confiance et d’épanouissement.  « Réveillons-nous ! », cet appel d’Edgard Morin dans son ouvrage récent (2022) nous incite à replacer l’humain au centre de nos préoccupations, afin de « ré-humaniser » le monde et de le préserver du danger social et écologique qui le guette. Face à l’imprévisible, il est important de prendre conscience que seule une éducation aux valeurs, au service de l’altérité, garantit un avenir prometteur à l’humanité. 

Patricia Rached

 

 

Lancement de l'année académique 2021-2022
Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Chères étudiantes, chers étudiants,

« La seule certitude, c'est que rien n'est certain ». On pourrait croire que cette citation de Pline l’Ancien tire ses racines de l’actualité incertaine du monde dans lequel on vit aujourd’hui. Pandémie, secousses économiques, cataclysmes sociaux, instabilité politique… Une multitude de crises qui n’ont épargné aucun secteur, pas même celui de l’éducation. Pourtant, pendant de longues années, le pays du Cèdre s’est montré « résilient », grâce à un système éducatif solide, faisant la fierté du pays. Comment le retrouver ? Il est sûr que la réforme des programmes et la consolidation de l’expertise technique contribuent à remettre sur pied le secteur éducatif, mais cela ne suffit pas. Pour faire revivre l’éducation, clé de voûte du pays, il faudrait d’abord revivre soi-même, retrouver l’enthousiasme, donner du sens et témoigner de motivation. D’autant plus que les découvertes neuroscientifiques l’ont confirmé, les « systèmes des neurones miroirs » (Rizolatti et Sinigaglia, 2008) rendent bel et bien les comportements et les émotions contagieux.

Chères étudiantes, chers étudiants,

Il est certes important de communiquer votre expertise à vos élèves mais, face aux mutations qui nous affectent de toutes parts, nous devons d’abord leur offrir notre espérance en des lendemains meilleurs, toujours meilleurs… pour former des citoyens en devenir, épris d’idéalisme, témoignant d’une dialogique, si chère à Edgar Morin (1999). Alors que la dialectique hégélienne propose la synthèse comme solution aux contradictions, la dialogique morinienne recommande de rechercher les complémentarités en préservant nos différences. Ainsi, éduquer les jeunes apprenants à la dialogique, c’est d’abord la vivre dans une reliance, comprise selon le sociologue Marcel Bolle de Bal comme la relation intrapersonnelle (à soi), interpersonnelle (aux autres) et sociétale (à l’environnement). Il s’agit d’un dialogue inconditionnel avec la singularité d’autrui, dans un co-cheminement où chacun maintient son unicité, évitant toute fusion avec l’autre, soucieux de le connaître, voire de s’enrichir de ce qu’il est, dans « sa fragilité et sa complexité » (Morin, 1990).

Patricia Rached

 

Lancement de l'année académique 2020-2021
Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Quelle énergie pour rafraîchir le monde éducatif ?

Comment surmonter le sentiment massif d’une « crise du secteur éducatif libanais » ? Comment ne pas céder au pessimisme ambiant ? Quelle énergie transmettre à notre communauté éducative ? Par la crise sanitaire qui a frappé le monde entier ces derniers temps, le secteur éducatif, notamment libanais, n’a pas été épargné…  Cette secousse mondiale a bouleversé notre quotidien ainsi que notre vision de l’avenir. Chacun d’entre nous, acteurs éducatifs, s’est retrouvé face à lui-même, interrogeant sa conscience, remettant en question ses priorités et engageant ses responsabilités dans une nouvelle quête de sens, vers plus d’humanité…

Chers étudiants, professionnels du secteur éducatif,

Je m’adresse à vous, en ces moments inédits de crise socio-économique, doublée d’une crise sanitaire, avec un message toujours chargé d’espérance, convaincue que seule une approche bienveillante, dotée d’humanité, peut aider le monde éducatif à persévérer, chacun à son niveau… Inspirons-nous des paroles de Goethe et ne regardons « ni en avant ni en arrière. Le présent seul est notre bonheur ». En ces temps difficiles que traverse notre pays, affectant de plein fouet le secteur éducatif, ne nous laissons pas atteindre par l’impact dévastateur d’une infodémie qui propage rumeurs et fausses informations à longueur de journée. Soyons au contraire porteurs d’une énergie créative et constructive.

Patricia Rached

Lancement de l'année académique 2019-2020
Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Ré-enchanter l'école... un espoir fou ?

Peut-on espérer changer l’école et rejoindre le rêve de Pierre Rabhi qui y voit « la construction d’un futur pour l’humanité » et dont le rôle majeur serait « d’ouvrir les jeunes sur le vivant » ? Peut-on rêver d’une école qui accompagne l’apprenant dans sa globalité, vénère sa singularité et valorise ses qualités ? une école où les enseignants témoignent du bonheur d’enseigner, où les apprenants cultivent la joie de vivre et donnent du sens aux apprentissages… bref, une école où l’on met fin aux déterminismes et où l’on considère apriori tout apprenant comme éducable.

Halte donc aux paroles qui tuent, que l’on entend en conseil de classe ou au détour d’une salle des profs : « sa sœur était ainsi... je l’ai eue comme élève  », « on va l’aider autant que possible mais ça ne changera pas grand-chose », « elle est comme son frère… c’est en famille, ils ne sont pas très doués pour les études »… un déterminisme scolaire d’ordre social et culturel ou, pire, cognitif : « il n’est pas intelligent, il ne peut pas ! c’est ainsi ! », « Il est de tout temps comme ça, je le connais, il est stupide ! ». Des stéréotypes que l’apprenant charrie durant sa scolarité et qui entravent son épanouissement. Des perceptions intégralement démenties par les avancées neuroscientifiques grâce à la découverte de la « Plasticité cérébrale » (Dehaene, 2007), certifiant que le cerveau est d’une plasticité étonnante et qu’il évolue tout au long de la vie. Les neurosciences cognitives confirment ainsi scientifiquement le postulat d’éducabilité, celui d’espérer dans chaque apprenant qui nous est confié, comme une personne en devenir, jamais achevée…

Croire à l'éducabilité de nos apprenants est une évidence, les accompagner vers l’excellence est une mission et s’ingénier à trouver le moyen qui dévoile leurs capacités est une obligation, ce qui rejoint l’affirmation de Philippe Meirieu que « rien ne garantit jamais au pédagogue qu’il a épuisé toutes les ressources méthodologiques, rien ne l’assure qu’il ne reste pas un moyen encore inexploré, qui pourrait réussir là où, jusqu’ici, tout a échoué ». La responsabilité des acteurs éducatifs, enseignants, responsables académiques, chefs d’établissement n’est donc pas des moindres, elle est d’abord morale et humaine. Elle consiste à rompre avec les déterminismes sous toutes leurs formes, à raviver la faculté de discernement et à redonner vie aux valeurs humaines. Il s’agit surtout de laisser le temps au temps, pour permettre l’émergence de la relation pédagogique, unique et singulière avec chaque apprenant, tissée à partir de l’histoire de chacun et de son contexte.

Mais, le temps semble toujours manquer aux enseignants. Clé de voûte de l’éducation, le temps est précieux… savoir l’exploiter, le perdre pour l’optimiser afin de préparer les citoyens de demain est une vertu hautement saluée par Jean-Jacques Rousseau qui a osé un jour affirmer que « la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation (…) n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre ».

Par conséquent, lorsqu’il est question de réussite, il s’agit autant de bien-être à l’école que de réussite scolaire. Les neurosciences cognitives l’ont encore une fois prouvé : le cerveau de l’apprenant est social et il ne s’épanouit que dans la relation positive à autrui, en l’occurrence, aux enseignants. Inutile donc de rappeler l’importance d’une posture empathique et bienveillante… bref, humaine pour humaniser nos apprenants.    

                                                                           Patricia Rached                    

Lancement de l'année académique 2018-2019

Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

L'enseignement, un métier possible ?

   Qualifié par Freud de “métier impossible” où le succès est d’emblée “insuffisant", l’enseignement le devient effectivement lorsque l’enseignant renonce à sa posture de médiateur et rejoint celle de maître omnipotent, se faisant obéir au doigt et à l’oeil, estimant tout prévoir dans sa relation pédagogique à l’apprenant. Fort ainsi de son autorité directive et unique détenteur du savoir, l’enseignant considère que  l’apprenant est un individu purement rationnel, doté d’intelligence mais dénué d’affectivité.  Il estime que l’apprentissage est acquis, une fois le savoir transmis. Dans ce cas, le succès sera certes aléatoire et le métier impossible, l’imprévu déjouant le plan de l’enseignant qui se heurte à l’inédit, à la singularité de chaque situation et à l’unicité de chaque apprenant.

   Agir de la sorte, c’est oublier que l’enseignement fait partie des métiers de l’humain et qu’il n’accède aux frontières du “possible” que si « l’impossible » devient « affordance » (Billett, 2001) et source de renouvellement de l’enseignant, un bien précieux qui bouscule son quotidien, l’interpelle et l’incite au questionnement. Dans sa relation à l’apprenant, à « l’autre » qui est « irréductible » (Lévinas), l’enseignant ne peut pas tout prédire s’il est dans l’éthique et qu’il considère l’apprenant comme un “être” singulier, en soi complexe et insaisissable, capable de réflexion et d’action autonome. C’est alors que l’humilité intellectuelle de l’enseignant, clé de voûte d’un enseignement “possible” et réussi, s’impose comme condition sine qua non à son développement ainsi qu’à celui de l’apprenant, devenant ensemble partenaires et co-acteurs d’un savoir partagé et de compétences co-développées. Acceptant la remise en question tant au niveau de l’expertise que des relations humaines, l’enseignant se défait de sa toute puissance et, conscient de l’importance du contact social dans l’opération d’apprentissage, il compose avec son quotidien, tissé d'imprévus, pour construire ses actions pédagogiques et s’enrichir des aléas du métier.

   Dans cette aventure humaine, le métier d’enseignant engage en profondeur sa personne, dans son être le plus profond. Bien plus qu’un savoir à partager ou des compétences à développer, la présence de l’enseignant requiert ainsi une autorité dialogique (Ricœur, 1990), voire un talent pédagogique empreint de sensibilité et de bon sens.  L’enjeu serait alors dans sa capacité à promouvoir son expertise didactique et pédagogique sans négliger le discernement et à se doter de la passion de l’enseignement sans se déconnecter du souci de l’apprenant afin de lui insuffler le désir de cheminer et de se construire intellectuellement, socialement et humainement.

Patricia Rached

Lancement de l'année académique 2017-2018

Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Quelle excellence pour des apprenants épanouis ?

   Par les temps qui courent, l’école réussit-elle son pari d’être un véritable lieu de vie où règnent respect et tolérance, où l’être et le devenir des élèves l’emportent sur leur réussite scolaire ? L’impact de l’épanouissement personnel et social des apprenants sur leur capacité à apprendre n’est plus à prouver, les processus de nature socio-émotionnelle étant inhérents à la dynamique d’apprentissage (Gendron et La Fortune, 2009). Toute la compétence de l’enseignant réside dans sa capacité à s’occuper de l’ensemble des élèves, en portant un soin particulier à chacun d’eux,  comme si chaque élève était « unique », comme si, sur chacun d’eux, se jouait le sort du monde...

   La Faculté des sciences de l’éducation vise à former des éducateurs soucieux d’une excellence constructive qui favorise l’émulation plutôt que la compétition et se situe dans un contexte plus large d'excellence humaine. Dans ce sens, elle vise davantage la formation de la personne que la simple transmission du savoir, favorisant le développement intégral de l’élève. Elle incite chacun au « Magis », à donner le meilleur de lui-même, au sein d’un vivre-ensemble harmonieux, d’une collectivité accueillante à l’autre et à la richesse de sa différence, la concurrence entre humains ne pouvant qu’altérer toutes les valeurs de l’humain.

   Cette posture d’excellence constructive, attendue de l’enseignant, rompt avec la logique traditionnelle et suppose le déplacement de son rôle vers une posture d’accompagnateur. Ce dernier partage le quotidien de l’apprenant, soucieux de son bien-être, au sein d’une institution transformée en un lieu de vie, de rencontre et d’épanouissement. L’importance d’un climat institutionnel positif est incontournable, au regard des multiples bénéfices qu'il apporte aux apprenants, aux enseignants et à l’institution (Letor, 2009 ; Harris, 2007). C’est dans le cadre d’une excellence constructive, conjuguant les efforts des enseignants et ceux des chefs d’établissements, que l’on peut contribuer à la construction d’un devenir sociétal meilleur, au service de l’homme, de tout homme et de tout l’homme.

Patricia Rached

Lancement de l'année académique 2016-2017

Mot du Pr Patricia Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Former des éducateurs humanistes

   À l’heure où nous sommes envahis par une société de consommation qui nous détourne d’une vie simple et centrée sur l’essentiel, certaines qualités comme l’authenticité, la gratuité, la bienveillance, le respect de soi et de l’autre nous questionnent et nous incitent à relever le double défi de la formation intellectuelle et humaine, auprès de chacun de nos étudiants.

   Il est certes important que l’étudiant-éducateur, inscrit à la Faculté, se dote de compétences professionnelles, intellectuelles et culturelles, qu’il se distingue par un sens aiguisé d’une critique constructive, qu’il maîtrise les outils d’un savoir-faire très développé. La Faculté se veut également un lieu qui place l’épanouissement personnel et social de ses étudiants au centre de ses préoccupations ; elle veille à cultiver le goût du bel esprit et du travail noble et bien fait.

   Par conséquent, la Fsédu ne peut pas former des éducateurs passionnés de rentabilité et soucieux d’éthique, elle ne peut réclamer le beurre et l’argent du beurre. Elle précise sa mission et fixe ses priorités. Elle opte pour la pédagogie de l’humain et aspire à assurer une formation intégrale à ses étudiants, à former des éducateurs aptes à être des modèles d’authenticité et de vérité, dotés de valeurs qui les rendront humains au service de l’humanité.

Patricia Rached

Mot de la Doyenne, Pr Patricia Rached, HDR, prononcé à l'occasion de la remise des diplômes universitaires

Révérend Père Recteur,
Madame le Doyen honoraire,
Mesdames et Messieurs les Doyens et Directeurs,
Chers collègues, chers diplômés,
Chers amis,

   Apprendre de manière non-formelle par les lectures, les médias, la relation aux autres ou de manière formelle, comme vous l’avez fait, dans le cadre d’une institution éducative, apprendre tout au long de la vie n’est donc plus un luxe. La plus-value du Diplôme Universitaire (DU) que vous avez suivi, c’est certes la formation pédagogique à la gestion de classe, à l’accompagnement, au numérique ou encore à l’enseignement basé sur les résultats d’apprentissage mais c’est aussi aiguiser votre désir d’apprendre, cette soif du savoir qui nourrit l’âme et l’esprit, et vous place dans une posture de « l’apprenance », chère à Philippe Carré, qui la résume en une attitude favorable à l’apprentissage, un cheminement riche de découvertes pour un devenir meilleur.

   Depuis 2004, l’Université Saint-Joseph de Beyrouth s’est inscrite dans cette logique d’organisation apprenante, avec la mise en place du Laboratoire de pédagogie universitaire sur l’initiative de Mme Nada Moghaizel-Nasr, alors Doyen de la Faculté. En 2012-2013, cette initiative a connu un tournant institutionnel, grâce au Recteur de l’Université, le Père Salim Daccache sj, afin de professionnaliser le métier d’enseignant du supérieur et d’assurer une adéquation entre excellence de la recherche et excellence de l’enseignement. Mais, pour que la communauté éducative intègre cette dynamique, il faut du courage et, surtout, de l’humilité !

   Vous, chers diplômés, vous avez relevé ce défi ! Vous inscrire à ce DU, intégrer cette dynamique de l’apprentissage de plein gré, revenir sur les bancs de l’université, c’est faire preuve d’humilité ! L'humilité, cette vertu cardinale qui s'oppose à l'orgueil et à la suffisance, qui appréhende l’apprentissage comme l’occasion d’un épanouissement personnel et intellectuel. Enseignants au sein du DU, nous sommes appelés, nous aussi, à être des témoins d’humilité. Réussir notre enseignement, c'est cheminer dans ce processus d’apprentissage permanent, c’est travailler notre posture d’enseignant sensible à l’humain, c’est entretenir l’espoir dans l’avenir de chacun de nos apprenants et reconnaître qu’en formant, on se forme, reprenant les paroles de Pierre Dansereau à ses étudiants : « Si je n’apprends rien de vous, vous n’apprendrez pas grand-chose de moi ».

   Permettez-moi de clôturer en remerciant la belle équipe de la FSedu, enseignants et personnel administratif, notamment Mme Sonia Constantin, Chef du Département de formation continue, responsable du DU et Mlle Jessica Matta, chargée de formation professionnelle. Merci à vous aussi Révérend Père Recteur de votre confiance, merci aux directeurs et doyens d’avoir soutenu leurs enseignants dans l’inscription au DU. Merci à vous chers collègues et amis d’être là !

Patricia Rached

Mot de la Doyenne, Pr Patricia Rached, HDR, prononcé dans le cadre de la conférence sur le Climat scolaire

Révérends Pères, Révérendes Sœurs,
Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements,
Chers partenaires, 
Chers collègues, chers amis,

   Qualité de vie à l’école, prévention des violences, justice scolaire, stratégies d’équipes, pratiques partenariales, … Tant de notions qui renvoient au principe de climat de scolaire et qui relèvent de défis à contrer. Tenant lieu de communauté éducative, l’établissement scolaire s’expose à des enjeux relationnels nés de la confrontation de besoins, de désirs, d’intérêts, voire de valeurs.

   Dans ce contexte, dans quelle mesure les institutions éducatives sont-elles capables de relever le défi d’un vivre ensemble harmonieux et constructif ? Comment la mise en place de stratégies pédagogiques et administratives est-elle susceptible d’agir sur l’atmosphère éducative ?  Entre perte d'estime de soi, baisse des résultats scolaires et décrochage, problèmes de discipline, violence et harcèlement, anxiété, les problèmes sont nombreux. Comment faire de l’instauration d’un climat sain une de ses priorités d'action ?

   Un tel projet, de si grande envergure, dépend d’une volonté institutionnelle qui mobilise les divers acteurs, chargés de la formation de l’étudiant, dans le cadre d’un travail collectif. Il s’inscrit dans une politique pérenne et globale pour travailler sur les stratégies d’équipe et les stratégies pédagogiques. Il fixe également un cadre et des règles explicites, renforce le lien avec les partenaires afin d’instaurer un vivre ensemble respectueux des différences, une vie communautaire saine, juste et bienveillante, apte à favoriser l’épanouissement et le développement de tout un chacun, au sein de la communauté éducative, élèves, enseignants, personnels administratifs et parents d’élèves.

   Le concept de climat scolaire n'est certes pas récent. La nature des défis à relever revêt de nouveaux aspects avec l’évolution de la société. M. Éric Debarbieux, que nous avons le plaisir et l’honneur de recevoir parmi nous, nous exposera ces défis et soulignera l’importance de la mise en place d’un climat scolaire de qualité, visant à transformer l’établissement scolaire en un lieu de vie.

   M. Debarbieux est délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire et directeur de l'Observatoire international de la violence à l'école depuis 2004. Il a été Président du comité scientifique de quatre conférences mondiales sur la violence à l'école (Paris, 2001 ; Québec, 2003 ; Bordeaux, 2006 ; Lisbonne, 2008). Il a été Délégué ministériel à la prévention de la violence scolaire.

Patricia Rached

 

Mot de la Doyenne, Pr Patricia Rached, HDR, prononcé dans le cadre du colloque organisé par le réseau Al-Mahdi

Votre Excellence, Monsieur le Président de la République, le Général Michel Aoun,
Révérend Père Recteur de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth,
Madame la Présidente du CRDP (Centre de recherche et de développement pédagogiques)
Chers partenaires de l’Institut Français du Liban et des Ecoles Al-Mahdi,
Mesdames et Messieurs, présidents et responsables de la Fédération  des associations éducatives,
Mesdames et Messieurs les Enseignants,
Chers collègues, chers Amis,

   Il va sans dire qu’accompagner des élèves en difficulté de nos jours relève du défi, tant les conditions d’enseignement et d’apprentissage deviennent plutôt complexes. D’une part, les classes surchargées et hétérogènes, d’autre part, des élèves aux profils variés aussi bien au niveau de leurs styles d’apprentissage qu’au niveau de leurs traits de caractère bien différents… Des classes donc difficiles à gérer, auxquelles s’ajouterait la « constante macabre d’Antibi » (1881, 2003), cette systématisation des mauvaises notes, une sorte d’évaluation-couperet qui entraînerait le découragement et l'exclusion de nombreux élèves… Quelle solution donc pour ces élèves souvent à la traîne, qui « ont du mal à vivre l’école et ses pratiques » (De Ketele, 2017) ? La remédiation, dira-t-on… Oui, mais de quelle remédiation s’agit-il ? Est-ce le soutien scolaire ? l’aide aux devoirs ?  les cours de mise à niveau ? S’agit-il de dispositifs ponctuels ou pérennes ?

   La remédiation, entendue dans son sens restreint, visant à assurer une aide (un remède) aux élèves à la suite d’erreurs commises pourrait se faire d’une manière ponctuelle. Mais, prise dans son sens plus large, visant à mettre l’apprenant en relation avec le savoir, dans une approche constructive et autonome, épouserait la dynamique d’accompagnement qui s’adresserait à l’élève dans son intégralité, d’une manière holistique, vu l’impact de son bien-être personnel et social sur sa capacité et son désir d’apprendre. Cette approche holistique tiendrait compte des diverses dimensions physique, psychologique, mentale, émotionnelle, familiale, sociale ou encore culturelle, pouvant influencer sa dynamique d’apprentissage.

   Si le but de toute éducation est « de faire des hommes avant tout", reprenant l’expression d’Olivier Reboul, la démarche d’accompagnement de l’élève serait donc un peu plus complexe. Elle viserait à travailler sa posture d’apprenant, le dotant des habiletés nécessaires pour réussir son métier d’élève, au-delà d’un remède ponctuel apporté à une quelconque difficulté disciplinaire. Cela suppose une posture d’accompagnateur bienveillant, apte à cheminer auprès de l’élève sans l’envahir, dans une juste distance, afin de contribuer à développer ses compétences d’apprenant. Il l'aide à construire son savoir, d’une manière volontaire et autonome, à adhérer à l’apprentissage avec conviction et liberté, pour réaliser son propre projet et non de celui que le maître lui indique.

   Mais, cette tâche ardue et délicate interpelle l’humilité de l’accompagnateur, d’autant plus que,  dans ce cheminement, rien n’est prévu à l’avance. L’accompagnateur découvre avec l’élève accompagné  les aléas du parcours,  s’y adapte et accepte de s’enrichir de cette expérience, à cachet humain unique. Il découvre avec lui un savoir et un savoir-faire, notamment une manière d’être et d’agir, au point de reconnaître souvent, qu’en formant, il se forme, rejoignant Pierre Dansereau qui dit à ses étudiants : « Si je n’apprends rien de vous, vous n’apprendrez pas grand-chose de moi ».

   La Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth épouse cette cause, celle de la pédagogie de l’humain.  Elle aspire à former des éducateurs compétents, férus de valeurs humaines et dignes d’accompagner chaque élève dans sa singularité, afin de les aider « à faire de leur vie un original, c'est-à-dire une vie unique et non une copie d’autres vies », selon Barnabé et Dupont. Elle est consciente que l’individualisme est mère de tous les vices et qu’une éducation réussie serait dans la formation d’apprenants qui aspirent à "se vouer-à-l'autre" ou comme le dit si bien Emmanuel Lévinas « la possibilité de l'un-pour-l'autre », se plaçant ainsi au cœur de l’éthique. La Faculté des sciences de l’éducation voudrait ainsi que les éducateurs qu’elle forme mettent leurs compétences au service de la société, afin de construire un monde meilleur, faisant « advenir l'humanité dans l'homme », selon la belle expression de Philippe Meirieu.

Patricia Rached

 

Mot de la Doyenne, Pr Patricia Rached, HDR, prononcé dans le cadre du colloque organisé par le Syndicat

Votre Excellence, Madame la Députée, Bahia El-Hariri,
Excellences,
Révérend Père Recteur de l’Université Saint-Joseph,
Monsieur le président du syndicat des enseignants du Liban, M. Nehmé Mahfoud
Révérend Père, coordonnateur général de l’Assemblée des établissements éducatifs privés au Liban, Père Boutros Azar,
Mesdames et Messieurs les membres du comité exécutif de l’Ordre des enseignants au Liban,
Mesdames et Messieurs les chefs d’établissements, 
Mesdames et Messieurs les enseignants,
Chers collègues, chers amis,

   Que d’enjeux à relever, de nos jours, face à des apprenants blasés de consommation et à des parents qui ne savent plus quoi faire pour les satisfaire… Dans ce contexte, comment l’école peut-elle assumer son rôle et porter avec les Parents l’éducation et l’épanouissement de leurs enfants ? Comment peut-elle fournir une formation de qualité aux apprenants qui lui sont confiés ?

   La réponse pourrait se trouver du côté de Montaigne qui affirme que l’enfant doit d’abord « apprendre à être sage » et, pour cela, il lui faut un « bon maître ». Un bon maître, c’est celui qui éduque par la force de l’exemple, précise Corneille et  Jacques André (2005) d’affirmer plus tard que les éducateurs « enseignent ce qu’ils sont »… c’est vous dire l’importance de la formation des enseignants, dans l’esprit du Magis ignatien.

   La Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth va dans ce sens. Elle est convaincue qu’en formant des éducateurs compétents, assurant une adéquation entre l’expertise académique et les valeurs humaines, elle contribue à la formation d’une génération d’apprenants épanouis et heureux, transformant l’école en un lieu où « l’on  apprend à vivre », souhait émis par Jean-Jacques Rousseau dans l’Emile. Elle se place en partenaire dans cette tâche ardue, pour réfléchir, agir et soutenir ce rêve d’assurer une éducation idéale, basée sur des valeurs humaines pour construire un monde meilleur. Ainsi, dans sa vision 2025, la Faculté a opté pour « la pédagogie de l’humain », aspirant à former des enseignants, témoins d’authenticité, d’intégrité et de justice, au service de la société. Elle cherche à promouvoir les valeurs ignatiennes, en cohérence avec l’identité jésuite de l’Université, comme l’ouverture à l’autre, dans l’acceptation inconditionnelle de ce qu’il est, le service des plus démunis, l’éducation au discernement et à l’esprit critique, la liberté individuelle et collective, etc.

   Mais, enseigner c’est aussi un métier. On apprend le savoir-enseigner, le savoir-agir pour être médiateur d’un savoir constructif, pour accompagner avec éthique professionnelle l’apprenant afin de l’aider à atteindre ses buts et à réaliser son projet de formation. Le présent colloque ainsi que les ateliers proposés n’apportent peut-être pas toute la solution mais ils proposent des pistes de réflexion sur la manière de gérer la classe, de donner envie d’apprendre aux apprenants, d’instaurer et de maintenir un climat scolaire positif… des pistes qui pourront aider les divers acteurs à porter le flambeau de l’excellence humaine et intellectuelle de l’éducation au Liban.

   La Faculté des sciences de l’éducation vous souhaite la bienvenue et se met à votre service pour porter avec vous cette mission exigeante, délicate, voire sacrée qu’est l’éducation, pour témoigner avec vous de cette passion de l’espérance…

Patricia Rached

 

Bio en bref - Pr. Patricia Fata Rached, HDR, Doyenne de la Faculté des sciences de l'éducation

Après des études au Collège Notre Dame de Jamhour, Patricia Fata Rached a poursuivi ses études universitaires à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ). Elle a successivement obtenu, de l’USJ, une Licence d’enseignement en langues vivantes, un Diplôme d’aptitude à l’enseignement des langues et un Diplôme de traduction. Par la suite, elle a entrepris des études en sciences de l’éducation et a obtenu un Doctorat en sciences de l’éducation, sur le thème de l’accompagnement, sous la présidence du Professeur Jean-Marie De Ketele, de l’Université Catholique de Louvain (UCL). Elle a publié une série de recherches, dont « Impact de l'accompagnement sur la motivation des étudiants au supérieur », « Gestion de classe au supérieur et leadership pédagogique », « Le tutorat par les pairs dans l’enseignement supérieur », etc. 

Depuis 1992, Patricia Fata Rached a une longue expérience dans l’enseignement à l’USJ. Elle y a rempli également de nombreuses fonctions pédagogiques dont les plus récentes, conseillère pédagogique et coordinatrice des études. Formatrice de formateurs, elle est fortement impliquée dans la pédagogie universitaire, notamment dans le domaine de l’accompagnement, de la communication interpersonnelle et de la gestion de classe au supérieur. Elle possède également une longue expérience en pédagogie scolaire, ayant été successivement « Préfet de niveau » au Collège Notre-Dame de Jamhour puis « Vice-Présidente à la pédagogie » du réseau des écoles et collèges jésuites du Liban.