Le souhait des jésuites d’établir à Beyrouth une Faculté de médecine date au moins de 1872 ; mais c’est au P. Rémi Normand, nommé Recteur de l’Université Saint-Joseph en septembre 1876, que revient le mérite de l’avoir réalisé. C’est ainsi qu’à la suite d'un accord, intervenu le 7 mai 1883, entre la Compagnie de Jésus et le Gouvernement français, l’École de médecine est ouverte, le 30 novembre de la même année, dans un bâtiment annexe de l’Université Saint-Joseph, pour 11 étudiants, le P. Hippolyte Marcellier étant Chancelier.
L’enseignement était donné en français. Pour être admis à l’École de médecine, les candidats passaient des épreuves écrites et orales devant une commission choisie et présidée par le Consul de France. Les études pour le Diplôme de médecine comportaient pour la première année, la physique, la chimie minérale et organique, l’histoire naturelle médicale, l’ostéologie, les articulations, la myologie et des éléments de physiologie. La deuxième année, les étudiants suivaient des cours d’anatomie, de physiologie et de pathologie. La troisième année comprenait des cours de clinique, de chirurgie, d’obstétrique, de thérapeutique et d’hygiène. La seconde année de l’ouverture de l’École de médecine, un grand nombre de candidats se présentèrent aux examens d’admission, mais une sélection rigoureuse ne fit admettre que 25 nouveaux étudiants seulement.
Les cours ayant commencé en 1883, les Pr Villejean et Landouzy vinrent à Beyrouth faire passer les examens terminaux en juin 1887. Quatre candidats subirent les épreuves avec succès et furent ainsi les premiers médecins diplômés de la Faculté : Joseph Gebara, Skandar Habib Ghorayeb, Dimitri Sopovitch et John Perpignani. En 1890, les jeunes Libanais allèrent passer des examens à Constantinople. Là, ils étaient hébergés gratuitement et étaient avantagés vis-à-vis des étudiants en médecine de l’École concurrente, celle du Collège Protestant Syrien. En effet, à Constantinople, les examens ne pouvaient se passer qu’en turc ou en français, alors que les cours du Syrian Protestant College n’étaient donnés qu’en arabe.
Suite aux rapports successifs des présidents de jury des examens, le ministre français de l’Instruction publique, écrivit, le 6 octobre 1888, à son collègue des Affaires étrangères : « J’ai décidé que les élèves de l’École de médecine de Beyrouth qui seront jugés dignes, recevront un diplôme de Docteur en médecine délivré par mon département et sous la signature du ministre de l’Instruction publique ». L’École prit définitivement le titre de Faculté Française de médecine de Beyrouth. La durée des études fut portée à 4 ans ; deux ans plus tard ce diplôme fut reconnu par l’Égypte, mais les nouveaux diplômés continuaient à se rendre à Constantinople pour y passer des examens en vue d’être autorisés à exercer dans l’Empire Ottoman. Grâce aux efforts du P. Cattin, nommé Chancelier en 1895, il fut décidé que chaque année, à la même date, deux jurys officiels, l’un français, l’autre ottoman, viendraient à Beyrouth pour faire passer les examens. Chaque candidat ayant réussi, recevait un Diplôme d’État Français délivré par le Ministre de l’Instruction Publique en France, et un Diplôme d’État Ottoman délivré par la Faculté Impériale de Constantinople. La Faculté se mit ainsi à décerner simultanément deux diplômes d’État, puisque le Gouvernement ottoman, dix ans après la France, lui reconnaissaient les titres et privilèges d'une Faculté de médecine.
En 1910, la Faculté fonctionnait encore près de l’université, à l’emplacement de l’actuelle École de Droit, mais les locaux n’étaient plus suffisants pour les 210 étudiants en Médecine et en Pharmacie. Sur la Route de Damas, un vaste terrain avait été acquis, sur lequel depuis une dizaine d’années, le P. Boulomoy avait commencé à réaliser un remarquable jardin botanique. Sur ce terrain, le P. Mattern conçut les plans de la nouvelle Faculté. Le 21 novembre 1911, la première pierre des futurs bâtiments fut posée au cours d’une cérémonie solennelle. Le 19 novembre 1912, les cours débutaient dans la nouvelle Faculté devant plus de 300 étudiants, le P. Gérard de Martimprey étant Chancelier succédant au P. Cattin.
Contre vents et marées, en octobre 1914, la Faculté comptait 12 professeurs, 10 chefs de clinique, 305 étudiants en Médecine et 50 en Pharmacie. Le P. de Martimprey fut mobilisé et le P. Cattin occupa de nouveau le poste de Chancelier, mais à titre intérimaire. Malgré la guerre franco-allemande déclarée le 2 août 1914, le Père Chancelier ouvrit la Faculté à la rentrée d’octobre, mais moins de 20 jours plus tard, la France rompait ses relations avec la Turquie. Dans l’après-midi même, la Faculté fut fermée. Le 23 novembre, les jésuites étaient expulsés et le 4 décembre 1914, après de longues et pénibles tergiversations, les professeurs étaient autorisés à quitter le pays. Les étudiants durent interrompre leurs études, certains partirent en France où, grâce au P. Cattin, ils se firent admettre dans des Facultés françaises. Pendant la Grande Guerre, la Faculté de Beyrouth connut bien de vicissitudes. Elle fut transformée, tour à tour en école de télégraphistes, en Commissariat de Police, puis affectée à l’École de Médecine de Damas.
Le 7 octobre 1918, une flottille française jetait l’ancre dans le port de Beyrouth. Le P. de Martimprey aussitôt débarqué, visita la Faculté et commença à réorganiser, à classer et à faire un bilan des dégâts. Un travail de titan fut réalisé et moins de quatre mois plus tard, le 17 janvier 1919, tout était à peu près remis en ordre. Le 4 février eurent lieu les examens d’entrée. Le 18 mars, Georges Picot, premier Haut-Commissaire français au Liban, ouvrait la session du Doctorat devant un Jury, cette fois exclusivement français. Dorénavant la durée des études sera de cinq ans. Elle passera à six ans en 1927 et à sept en 1935.
Les professeurs des Facultés de France, se succédèrent à la Faculté de Beyrouth jusqu’en décembre 1976, pour constituer, avec les professeurs de Beyrouth, les jurys des examens de médecine et de pharmacie. Ces délégations comptent au total, de 1887 à 1976, 299 professeurs appartenant aux Facultés des villes suivantes : Paris, Lyon, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, d’Alger, Nancy, Marseille, Lille, Rennes, Strasbourg et Clermont-Ferrand.
En 1920, la Faculté comptait 250 étudiants et les diplômes délivrés permettaient l’exercice de la médecine en Syrie, Palestine, Égypte, Iraq, Transjordanie et Perse. La même année commencèrent à fonctionner un Institut de Chimie, un Institut de Bactériologie et une École Dentaire. En octobre 1922, une École de Sages-Femmes ouvrit ses portes dans les locaux de la Maternité. L’engagement de plus en plus marqué de l’USJ dans la vie libanaise se répercute également au niveau du recrutement des étudiants : le nombre absolu et la proportion relative des étudiants libanais augmentent rapidement alors que le nombre des étrangers baisse sensiblement. En première année de médecine, 534 « Libanais » sont inscrits entre 1883 et 1924 ; leur nombre est multiplié par deux entre 1924 et 1963. Les candidats « hors-Liban » ; essentiellement originaires des autres régions de l’Empire ottoman et de l’Égypte, inscrits en première année de médecine sont largement majoritaires entre 1904 et 1923 : ils représentent alors quelque 64% des effectifs. Leur proportion tend à décroître ensuite, de manière progressive dans les années 1924-1953 –elle est alors de l’ordre de 50% - et très brutale ensuite.
La libanisation des enseignants est amorcée de manière encore timide entre 1920 et 1940. A la Faculté de médecine et de pharmacie, les premiers chefs de cliniques sont issus de la région dès la fin du XIXe siècle mais les titulaires de chaires ne seront Libanais qu’à partir de 1932 et c’est encore chose relativement rare. Le Dr Balthasar Melconian fut le premier Libanais à être nommé Professeur. Il avait été assistant du Pr Nègre et professeur suppléant d’Anatomie avant de prendre en charge la Chaire d’anatomie et de médecine opératoire. Le Dr Philippe Thomas, sera le second Libanais à devenir titulaire d’une Chaire, celle d’ophtalmologie et d’oto-rhino-laryngologie.
La féminisation des effectifs enseignants sera plus lente et ne prendra son essor qu’à partir des années 1950. Trois étudiantes s’inscrivent à la Faculté de médecine en 1925 ; elles seront suivies de cinq autres en 1931. Les Libanaises sont encore largement minoritaires et l’effectif féminin restera très faible jusqu’en 1943.
La Deuxième guerre mondiale n’interrompit pas les activités de la Faculté. Mais la guerre libanaise (1975-1990) faillit l’anéantir : le campus, bombardé, détruit, pillé, fut abandonné. Au gré des affrontements et des accalmies, les cours furent délocalisés à différents endroits de la Capitale. Par ailleurs, la guerre, qui rendait de plus en plus aléatoire le détachement de professeurs français à l’Université Saint-Joseph, va conduire à l’abandon du diplôme d’État français de docteur en médecine. Mais celui-ci est directement lié aussi à la promulgation, le 10 juin 1975, du statut de l’Université Saint-Joseph, à celle, le 19 octobre 1976, du statut de la Faculté médecine et à l’élection, le 15 novembre 1976, d’un professeur libanais au décanat. Avec la promotion d’étudiants entrés à la Faculté de Médecine en novembre 1976 et diplômés aux sessions de 1983 et 1984, prenait donc fin la délivrance à la Faculté de Beyrouth des diplômes d’État français de docteur en médecine. A Beyrouth, ces diplômes ont couronné les études de 2.891 médecins. La « Faculté Française de Médecine » devint la « Faculté de Médecine de l’USJ », Université francophone de droit libanais. Par voie de conséquence le « Diplôme d’État Français de Docteur en médecine » fut remplacé au bout de quelques années par le « Diplôme de Docteur en médecine de l’USJ ».
En même temps la Direction de la Faculté qui était la responsabilité d’un « Chancelier », un religieux membre de la Compagnie de Jésus, fut transférée à un « Doyen » laïc, membre du corps professoral de la Faculté, élu par ses pairs, processus ou le Recteur de l’USJ eut souvent un avis à donner, avis qui fut parfois déterminant. Les Doyens qui se sont succédés jusqu'à ce jour sont les Professeurs Nagib Taleb, Josette Naffah, Antoine Ghossain, Pierre Farah, Fernand Dagher et Roland Tomb.
Par la même occasion le Conseil de la Faculté dont les membres étaient français et libanais, et qui se réunissait en France, devint exclusivement libanais et se réunissait à la Faculté à intervalles rapprochés, son rôle devenant de plus en plus de seconder le Doyen. Une autre tâche essentielle fut la refonte des programmes de la Faculté qui méritaient d’être dépoussiérés.
Le Comité d’Enseignement Post-Doctoral avait pour but dans l’esprit de son initiateur, le Doyen Antoine Ghossain, de créer des programmes de spécialisation dans les disciplines médicales et chirurgicales, pour éviter aux jeunes diplômés d’aller passer de longues années à l’étranger. L’objectif initial ne fut atteint qu’au bout de plusieurs années et les résidents en spécialité purent accomplir leurs études de spécialisation au Liban, principalement dans les services géographisés de l’HDF mais également dans d’autres hôpitaux agréés par la Faculté. En fin de course, la Faculté délivrait un diplôme de spécialiste reconnu par les autorités libanaises. Les séjours à l’étranger devenaient ainsi beaucoup moins longs et axés sur l’acquisition de compétences pointues.
A partir des années 1981-1982, les bombardements intermittents rendaient les locaux de la Faculté difficiles d’accès. Mais il ne fallait pas céder. Les cours devaient se maintenir et à haut niveau. Le génie du doyen Taleb fit surgir des locaux dans des écoles secondaires à Hazmieh et chez les Pères Lazaristes à Achrafieh, et les enseignants ainsi que les étudiants s’y rendaient avec beaucoup de conscience et de courage, au prix de leur vie. Le mandat du Pr Ghossain fut marqué par l’errance de la Faculté, errance devenue totale, alors qu’elle était épisodique du temps de ses prédécesseurs. La Faculté était pratiquement inaccessible aux étudiants, au corps professoral et au personnel administratif. L’Hôtel-Dieu, moins exposé s’est substitué aux locaux de la Faculté. Les cours étaient donnés parfois à l’Hôtel-Dieu, parfois dans les locaux de la Faculté de la Sagesse et ou chez les Sœurs des Saints Cœurs à Sioufi. Toutes les difficultés logistiques furent surmontées grâce à la détermination inflexible du P. Jean Ducruet, Recteur de l’USJ et du Conseil d’Université, d’assurer la continuité de l’enseignement dans tous les secteurs et surtout en médecine. Aucune année ne fut perdue pour les étudiants.
Au cours des 16 années de guerre, la Faculté a subi les débordements de violence qui ont secoué le Liban : dans l'attente de la paix la Faculté a dû faire face et, acceptant tous les risques, improviser, innover, continuer malgré tout. C'est à ce prix que l'attente est devenue création, que la Faculté a retrouvé et restauré ses locaux et que les étudiants ont pu réintégrer le campus pour la rentrée universitaire d'octobre 1991.
Dès la reprise de l'activité sur le campus en 1991, la Faculté devait rattraper le temps perdu et adapter ses structures, ses programmes, aux exigences actuelles de la formation médicale. Elle entreprend des démarches innovantes : un renouveau pédagogique, la promotion de la recherche, le développement et la mise en place de laboratoires de recherche, la poursuite du développement des différentes spécialités déjà en place, la création en 1995 d’un résidanat de médecine de famille avec la collaboration de l’Université de Montréal, le développement de la médecine communautaire, la création de plusieurs diplômes universitaires, le développement des sciences humaines (éthique, sociologie), le développement de la formation continue et du rayonnement international.
En 2021, la Faculté de médecine compte 332 enseignants, 1098 étudiants (sans compter les étudiants des institutions rattachées), dont 181 internes et 289 résidents. En plus de l’Hôtel-Dieu de France, universitaire par statut, la Faculté est liée par convention à des hôpitaux affiliés (Hôpital Saint-Joseph, Bellevue Medical Center, Centre Hospitalier du Nord, Hôpital français du Levant, Eye and Ear Hospital, Beirut Eye Specialist Hospital) et à de nombreux hôpitaux agréés. Par ailleurs, six institutions sont rattachées à la Faculté de médecine : l’École de sages-femmes, l’Institut de physiothérapie, l’Institut de psychomotricité, l’Institut supérieur d’orthophonie, l’Institut supérieur de santé publique et l’Institut d’ergothérapie. Ces deux dernières institutions ont vu le jour en 2017.
En se projetant plus d'un siècle en arrière, on pense à ces valeureux jésuites qui ont entrepris de construire en périphérie de Beyrouth une Faculté de médecine. C'était en 1883, la première fondation. On se remémore aussi la détermination du P. Cattin qui, se sentant à l’étroit dans ses premiers locaux, décida de construire une nouvelle Faculté de médecine, rue de Damas. C'était 1912, la deuxième fondation. Le P. Cattin paracheva son œuvre en construisant un hôpital d’application pour cette faculté, l’Hôtel-Dieu de France, qui demeure à ce jour le plus grand hôpital du Liban. Malgré les aléas de la Première Guerre mondiale et surtout ceux de la terrible guerre du Liban qui faillit l'anéantir, la Faculté française de médecine fit preuve de résilience et grâce à l’increvable énergie du P.Ducruet, elle se libanisa, s’arrima à la nouvelle Université Saint-Joseph, et fut reconstruite avec les mêmes pierres. C'était, en quelque sorte, la troisième fondation. Dans la première décennie du XXIe siècle, une partie de la Faculté de médecine se transpose dans le nouveau Campus de l'innovation et du sport qui accueille le grand Centre de génétique, de nombreux laboratoires de recherche et trois des instituts rattachés.
Dès 2016, les plans d’une quatrième fondation sont établis. A la rentrée 2020, le nouveau Centre de simulation a pu ouvrir ses portes. Il surmonte un parking de plusieurs étages qui a libéré entièrement le campus historique des voitures et l’a rendu aux seuls piétons, aux étudiants, aux enseignants. Ce centre high-tech abritera aussi un hôpital virtuel qui ne fera que renforcer les atouts pédagogique innovants de la Faculté. À l’extrémité Sud-ouest, la nouvelle Faculté de médecine a fait son apparition sur la rue de Damas : elle prendra le relais de celle du P. Cattin et sera une Faculté digne du XXIe siècle. Elle est constituée d’un bâtiment en deux corps, parfaitement intégré dans son environnement, tout en transparence et en harmonie avec le jardin botanique. De conception très futuriste, elle permettra de regrouper tous les départements éparpillés dans le campus, articuler autour de nombreuses aires de travail et de vie, avec de nouveaux amphithéâtres, des salles modulables, une bibliothèque high-tech, de nouvelles plateformes informatiques. Tous ces nouveaux chantiers de construction accompagnent déjà de nombreux chantiers pédagogiques, la création de nouveaux laboratoires de recherche, le jumelage avec les plus grandes universités de France et du monde francophone, l’acquisition de labels internationaux pour les centre de recherche et de simulation et enfin, l’instauration d’une dynamique d’excellence dont auraient été fiers les pionniers des deux siècles précédents.