Un
original missionaire du Haut-Liban
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Seul maître à bord après
Dieu, comme les marins, commandants du « temps jadis
», tel était dans son secteur de mission le Père
Delore (né en 1873).
Il appartenait à cette race de conquérants
qui ne donne toute sa mesure qu’à condition d’être
indépendant, sinon avec carte blanche, du moins avec
les coudées franches que les supérieurs accordent
parfois à titre exceptionnel à d’excellents
religieux. Toutes les convulsions auraient pu secouer la planète,
elles n’auraient pas atteint la cime de ses horizons
intellectuels. Rien n’existait en dehors de ses 30 ou
40 écoles de villages perdues dans la haute montagne
en des régions souvent inaccessibles. C’était
un roi gueux, mais un roi. Il lui fallait agir seul. Quêteur
inconfusible, sans vergogne dès qu’il s’agissait
de sa marmaille, il n’apparaissait à la résidence
que pour écrire à ses protecteurs de France.
Dans sa chambre s’empilait un bric à brac sacro-saint
dans un apostolique désordre : livres, vêtements,
jouets reçus de France. Nul n’osait se risquer
dans ce bazar de la charité où toute circulation
était d’ailleurs interdite faute de place.
Sans cesse en course par monts et par vaux en
des sentiers impossibles, il inspectait, catéchisait
le nombreux personnel entretenu par ses aumônes : curés
instituteurs, maîtres et maîtresses improvisés.
Les bâtisses n’avaient souvent qu’un matériel
scolaire rudimentaire. « C’est peu, c’est
misérable, disait-il, mais c’est toujours mieux
que rien. » Il mourut à la tâche, usé.
Je l’ai croqué sur place, campé au sommet
d’une terrasse, annonçant à son de trompe
son arrivée à toutes les chevrettes écolières
d’une vallée.
Auguste Bergy s.j. (1873- 1955). Miettes,
manuscrit inédit
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