La présente publication rassemble une série de 17 contributions académiques de chercheurs de différents horizons culturels examinant les multiples facettes de la division de la communauté grecque (rūm) à Antioche. Chaque article offre une analyse approfondie et rigoureuse, contribuant ainsi à une compréhension nuancée de cet épisode historique complexe.
Bernard Heyberger
École des hautes études en sciences sociales, Paris
École Pratique des Hautes Études, Paris
L’histoire de la division de l’Église rūm d’Antioche de 1724 doit être reportée sur un axe chronologique large, allant de 1672 au moins jusqu’aux années 1760, et doit retracer les événements à différentes échelles : celle des acteurs individuels, des structures communautaires locales, et de l’ouverture inédite des chrétiens d’Antioche sur les mondes catholique et orthodoxe. Dans cette période, les compétitions familiales et locales qui caractérisent l’Église d’Antioche se nourrissent des ressources financières, politiques et intellectuelles offertes aux camps en présence par l’Occident et l’Orient. Des identités fortement marquées par des cultures confessionnelles catholique et orthodoxe antagonistes émergent dès avant 1724, et aboutissent sur le temps long à des positions institutionnelles et idéologiques inconciliables, qui entretiennent de part et d’autre, jusqu’à aujourd’hui, des sentiments de nostalgie et de frustration.
Cesare Santus
Università degli Studi di Trieste
Ce chapitre illustre le contexte historique plus large dans lequel la division de 1724 au sein du Patriarcat d’Antioche a eu lieu ; il examine comment l’activité missionnaire catholique a influencé la relation entre les autorités ottomanes et leurs sujets chrétiens orientaux au fil du temps. Il analyse en particulier, la transition d’une période (les XVIe et XVIIe siècles) où l’interaction interconfessionnelle et les affiliations ambiguës étaient une réalité répandue au Proche‑Orient, à une autre (le XVIIIe siècle) qui a vu l’émergence de frontières confessionnelles plus claires et mieux définies. Cette évolution a été fondamentale dans la redéfinition des caractéristiques confessionnelles et de l’auto‑perception des communautés chrétiennes orientales de l’Empire, ainsi que de leur rôle dans la société ottomane. Pour étayer la portée générale de cet argument, l’analyse se concentre, non pas tant sur le christianisme arabe, que sur les autres communautés chrétiennes de l’Empire, en particulier les Grecs et les Arméniens.
Hasan Çolak
TOBB University of Economics and Technology & Romanian Academy
Les nominations parallèles de Sylvestre de Chypre et de Cyrille Ṭānās en 1724 en tant que patriarches d’Antioche sont à l’origine d'une lutte et d’une division toujours non résolue qui ont retenu pendant longtemps l’attention de nombreux chercheurs. Cependant, le rôle de l’administration centrale ottomane dans la division de 1724 a été soit ignoré, soit analysé à travers des ressources ou des références indirectes. Cet article vise à combler cette lacune en se concentrant sur le rôle de l’administration centrale ottomane dans le conflit entre Sylvestre et Cyrille en y intégrant la documentation ottomane, en particulier la correspondance ottomane durant la brève investiture de Cyril Ṭānās en 1745. Étant donné que les documents ottomans contiennent la correspondance entre la chancellerie impériale ottomane et les patriarches Sylvestre et Cyrille, ils sont instrumentaux pour deux raisons particulières. Premièrement, ils éclairent certaines subtilités inexplorées dans le conflit entre les deux concurrents, notamment la manière dont les deux parties ont présenté leur cas vis‑à‑vis de l’administration centrale ottomane en utilisant efficacement l’appareil bureaucratique ottoman et le jargon administratif. Deuxièmement, ils renseignent sur la façon dont l’administration ottomane a abordé ce conflit à partir de ses principes fondamentaux. Dans l’ensemble, à partir travers une analyse détaillée de la correspondance ottomane, cet article analyse comment, en soutenant leurs causes, Sylvestre et Cyrille ont contribué à la formation d’une langue ottomane commune compatible avec le discours de l’administration centrale ottomane.
Konstantinos Vetochnikov
Collège de France, UMR 8167
Pendant la période ottomane, le Patriarcat oecuménique de Constantinople a exercé son influence sur plusieurs Églises autocéphales, y compris sur le Patriarcat d’Antioche. Ses interventions ont remis en question l’indépendance de ces Églises notamment en matière d’élection et de destitution de ses primats. Elles étaient motivées par les besoins de cette Église et par les droits exceptionnels du Patriarche oecuménique, dont les fondements se trouvent dans la législation byzantine et les canons ecclésiastiques. Parmi les cas spécifiques d’intervention du Patriarcat oecuménique dans les affaires du Patriarcat d’Antioche, on retrouve des dépositions et les élections marquantes de patriarches.
Le Patriarcat oecuménique de Constantinople a rétabli l’ordre et la légalité au sein du Patriarcat d’Antioche, conformément aux normes canoniques de l’Église orthodoxe. Par ailleurs, d’autres événements mentionnés dans les documents reflètent les divisions et les luttes de pouvoir au sein du Patriarcat d’Antioche. Certains individus ont tenté d’usurper le siège patriarcal d’Antioche et de propager des innovations et des idées latines. Le Patriarcat oecuménique a agi pour mettre fin à ces manigances et a demandé aux autorités ottomanes d’exiler les coupables. Des sanctions ecclésiastiques ont été prononcées à leur encontre, les membres du clergé ont été déposés, tandis que les laïcs les soutenant ont été excommuniés. Ces interventions de Constantinople dans les affaires du Patriarcat d’Antioche avant la rupture de 1724 visent à préserver son autonomie face à l’union avec l’Église romane et à la maintenir dans l’orthodoxie et donc dans la sphère d’influence du Patriarcat de Constantinople.
Cornel Zwierlein
Independant Scholar
Cette étude porte sur l’implication des commerçants français et britanniques, à Saïda et à Acre, dans les conflits religieux autour de 1724. Saïda véritable bastion de la faction franco‑catholique‑melkite, devient un centre stratégique pour leurs activités. les commerçants français, principalement engagés dans le commerce du coton et d’autres marchandises, ont forgé des collaborations étroites avec les communautés rūm et maronite locales. les commerçants britanniques se sont appuyées davantage sur leurs intérêts commerciaux avec les communautés arméniennes et rūm‑orthodoxes. les commerçants européens, détenteurs d’un pouvoir de crédit substantiel, ont joué un rôle crucial dans le maintien de la stabilité et la sauvegarde de leurs propres intérêts. En utilisant leur réseau de crédit, les commerçants ont apporté un soutien financier aux parties en conflit du schisme religieux.
L’étude souligne également la participation active de la nation française et son soutien à la cause catholique, aux missionnaires et aux catholiques orientaux. les commerçants français se sont appuyés sur l’expertise des capitaines de navires et corsaires rūm‑catholiques pour leurs intérêts commerciaux, coopérant souvent avec des rūm‑orthodoxes. Ils ont réalisé des investissements immobiliers et géré des dons, dont les revenus locatifs ont soutenu les monastères melkites de l’arrière‑pays syrien.
Enfin, la contribution vise à donner une idée approximative du « coût total » du schisme en utilisant les sommes et paiements mentionnés dans les sources romaines et melkites, dans les lettres, les notes de la Propaganda Fide et dans la chronique de Niʿmah Ibn al‑ḫūrī Tūmā : environ 230 000 à 320 000 piastres (400 à 600 bourses ottomanes) ont été dépensées du côté melkite entre 1724 et 1750. En doublant ou triplant ces informations fragmentaires, cela pourrait donner une idée de ce qu’une situation de « Guerre froide » d’un schisme au Proche‑Orient aurait coûté dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Philippe Asseily
McGill University, Montreal
À l’époque moderne, les minorités religieuses de Bilād al-Šām définissent leur identité en se distinguant les unes des autres et en choisissant souvent un protecteur occidental. À Beyrouth, au XVIIIe siècle, une rivalité interne apparaît au sein de la communauté Rūm, suite au schisme de 1724. Dans cette ville en marge de centres urbains plus développés, loin de l’influence occidentale, deux factions de la même secte se donnent pour mission de défendre leurs croyances et d’étendre leur influence. Elles établirent des relations stratégiques : les Orthodoxes se rapprochent des Musulmans et des Ottomans, tandis que les Catholiques s’allient aux familles dirigeantes du Mont Liban. Deux imprimeries sont fondées, chacune par un camp, à Beyrouth et en périphérie. Du côté catholique, de jeunes étudiants instruits venus d’Alep se joignent à l’ordre monastique local, tandis que les Orthodoxes établissent une école. Les deux factions occupent des postes administratifs importants pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle. Yūnus Ğubaylī profite de son amitié avec Aḥmad Pasha al-Ğazzār pour favoriser la faction Orthodoxe. Quant à Fāris Dahhān, aveuglé par la cupidité, il affaiblit la position de la communauté catholique. Ğubaylī et Dahhān s’impliquent aussi dans les affaires d’autres sectes. À la mort d’Aḥmad Pasha al-Ğazzār en 1804, la communauté Rūm est épuisée et appauvrie, mais la faction Orthodoxe contrôle l’église et rassemble la majorité des adeptes. Contrairement à leurs coreligionnaires d’Alep et de Saïda, les Orthodoxes de Beyrouth maintiennent leur pouvoir.
Carsten Walbiner
Research Center for Oriental Christianity (FSCO),
Catholic University of Eichstätt‑Ingolstadt
L’établissement d’une Église rūm‑catholique dans le Patriarcat d’Antioche, c’est‑à‑dire la création d’une hiérarchie ecclésiastique et d’une administration catholiques, a été un processus complexe qui a non seulement rencontré une opposition farouche de la part de l’Église orthodoxe, mais a également provoqué d’âpres conflits internes au sein du mouvement uniate, un aspect qui n’a reçu que peu d’attention jusqu’à présent. En se fondant sur l’analyse d’une lettre conservée dans les archives de la cathédrale métropolitaine de Mdina (Malte), le présent article jette quelque lumière sur les querelles internes au sein de la jeune Église melkite rūm‑catholique. La lettre, rédigée en 1736 par Ignace, l’évêque rūm‑catholique de Homs, porte des accusations sévères contre Cyrille Ṭānās, dont l’accession au poste de patriarche d’Antioche en 1724 est généralement considérée comme l’acte de naissance de l’Église melkite rūm‑catholique ; les accusations sont dirigées aussi contre Maxime Ḥakīm, un proche collaborateur de Cyrille devenu métropolite rūm‑catholique d’Alep en 1732. les deux hommes sont accusés de divers méfaits, principalement liés à leur accession au pouvoir qui est considérée non canonique. Dans des termes forts empreints de colère et de mépris, Ignace met sérieusement en doute les qualifications de « dirigeants de leurs communautés » attribuées aux accusés. Une analyse de la lettre d’Ignace, basée sur une grande variété d’autres documents, montre que l’établissement de l’Église rūm‑catholique dans le Patriarcat d’Antioche a été un processus plein de contradictions internes et que la résistance contre certains développements ne provient pas seulement de l’adversaire orthodoxe et des autorités ottomanes, mais aussi de forces au sein du mouvement uniate.
Aurélien Girard
Université de Reims Champagne‑Ardenne,
CERHiC, Reims, France*
L’histoire de l’Église melkite rūm‑catholique à partir de 1724 reste une page largement à écrire. Entre la fin du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle, deux nouvelles congrégations monastiques « basiliennes », les salvatoriens et les chouérites, voient le jour dans la montagne libanaise. Si la place des moines était essentielle dans la structuration et les dynamiques de la nouvelle Église, les deux congrégations, après un premier essor et dès les années 1730, se construisent dans une situation de forte rivalité. Cette concurrence des ordres dans les églises locales, pour l’obtention des éparchies et du patriarcat, est l’un des moteurs de la croissance de l’Église rūm‑catholique. L’intrication de la hiérarchie ecclésiastique en cours de constitution et des ordres basiliens éclaire les mécanismes de structuration de l’Église jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, et même au‑delà.
Sabine Mohasseb Saliba , CNRS
Centre d’Études en Sciences Sociales du Religieux
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris
Les deux premiers ordres religieux grecs‑catholiques du Patriarcat d’Antioche, l’Ordre du Saint‑Sauveur et l’Ordre basilien chouérite, ont joué un rôle fondamental dans la constitution de l’Église grecque‑catholique, et par la suite, dans sa consolidation et son développement. Cette contribution interroge, sur la durée (du XVIIIe à la fin du XIXe siècle) et dans une perspective comparatiste, la force du lien entre ces deux institutions et l’Église grecque‑catholique, à travers l’observation de leurs fondations respectives, des grandes lignes de leur expansion géographique, de leur large participation au développement des paroisses grecques‑catholiques et de la formation du corps épiscopal grec‑catholique. Cette contribution vise de même à montrer qu’à côté de l’influence et de l’action notoires des missionnaires religieux occidentaux, trois autres facteurs jouent un rôle déterminant dans la fondation puis dans le développement de ces deux ordres fondés selon un modèle occidental, dotés d’une Règle et de Constitutions écrites : la géographie monastique des lieux où ils se sont implantés, le rang ecclésiastique de leurs fondateurs respectifs, et l’encouragement dont ont fait preuve à leur égard des autorités politiques officielles de la montagne libanaise.
Souad Slim
Université de Balamand
La division du Patriarcat d’Antioche entre orthodoxes et catholiques a toujours été un sujet conflictuel, pour des raisons théologiques, politiques et économiques. D’une manière générale, les fidèles ignorent les raisons théologiques qui ont conduit à cette division. Ils ont tendance à penser que les choix de rite et de communauté sont motivés par des intérêts politiques et économiques plutôt que par des différences doctrinales profondes. Seules les élites cléricales, proches des gouverneurs locaux et des familles responsables du prélèvement fiscal, semblent comprendre les motivations théologiques qui sous‑tendent cette division. La question du partage des biens entre les deux communautés séparées est une source majeure de conflit, en particulier en ce qui concerne les monastères, les terres agricoles, les objets liturgiques et les manuscrits. Chaque communauté accuse l’autre de s’approprier les meilleurs biens ; ces tensions persistent depuis des siècles, et rendent difficile voire impossible la réconciliation. Dans cet article, nous nous arrêterons sur les conflits qui ont opposé orthodoxes et catholiques au sujet de Dayr Mār Yūḥannā al‑Ṣābiġ Choueir et Dayr al‑Nabī Īliyyā Šwayyā dans lesquels les émirs Abī al‑Lamʿ sont intervenus et ont reçu des sommes d’argent de la part des deux communautés. Ces conflits et rivalités ont laissé des cicatrices profondes qui persistent jusqu’à nos jours. Malgré cela, les laïcs ont maintenu un climat d’entente et de paix grâce aux alliances commerciales et matrimoniales.
Charbel Nassif
Université Saint-Joseph de Beyrouth
Les Annales chouérites sont un récit détaillé des grands événements de l’histoire de l’Ordre basilien chouérite, du Patriarcat rūm d’Antioche, de plusieurs archevêchés et de l’histoire civile. Cinq exemplaires de ce récit existent sous forme de manuscrits. Cet article se concentre spécifiquement sur la période de scission du Patriarcat rūm d’Antioche, qui s’est déroulée de 1724 à 1729, et examine comment les chouérites ont vécu et perçu cet événement. La scission de 1724 au sein du Patriarcat rūm d’Antioche ne peut pas être considérée comme un événement purement ecclésial. En plus de l’ingérence évidente du Siège romain, des missionnaires latins présents au Proche‑Orient et du Patriarcat de Constantinople dans cette affaire, l’Empire ottoman ainsi que les autorités locales ont joué un rôle important dans l’entérinement de cette scission. Par ailleurs, les Annales chouérites mettent en évidence que certains éléments de tradition latine étaient déjà présents dans la vie spirituelle des Rūms d’Antioche avant la scission de 1724. Des pratiques telles que le culte de saint Joseph, la Fête‑Dieu, la litanie de la Vierge Marie, les bénitiers dans les églises et le filioque étaient déjà présentes et intégrées dans la vie religieuse des Rūms d’Antioche. Les Annales chouérites utilisent un langage offensif et se réfèrent fréquemment à la Bible. Ces éléments peuvent être interprétés comme une forme d’autodéfense dans un contexte conflictuel, où les chouérites, au nom des Rūms catholiques, cherchaient à justifier leur position et à renforcer leur identité face aux différentes influences extérieures.
Ioana Feodorov *
Projet TYPARABIC - Académie roumaine
Né en 1701 dans la cité historique de Kiev, Vassili Grigorovitch‑Barski commença son parcours éducatif à l’illustre Collège orthodoxe Mohyla. Néanmoins, sa soif de connaissance et son désir de découvrir de nouvelles terres chrétiennes le conduisirent à entreprendre un voyage d’exploration intellectuelle et spirituelle de par le monde. Son périple, qui dura de 1723 à 1747, le guida à travers une multitude de paysages culturels, depuis la terre des Cosaques jusqu’aux paysages pittoresques de l’Italie et de la Grèce, traversant les provinces ottomanes du Levant, passant par le Mont Athos, puis Constantinople, avant d’arriver dans les Principautés roumaines.
En 2019, une traduction française partielle de ses voyages, réalisée par Myriam Odaysky à partir de l’édition russe, permit de jeter un regard précieux sur les notes que Barski avait rédigées durant son séjour en Syrie ottomane, peu après la scission marquante de l’Église d’Antioche en 1724.
Barski entretint une relation étroite avec le patriarche Sylvestre de Chypre, qui l’ordonna prêtre et le protégea pendant de nombreuses années. Ses relations et observations concernant les tumultes qui secouèrent tous les niveaux de la communauté, des plus humbles aux plus éminents, permettent de brosser un portrait vivant de cette époque, à laquelle il assista en tant que témoin direct. Ses précieuses annotations complètent et enrichissent les informations fournies par les chroniqueurs arabes du XVIIIe siècle et apportent des éclaircissements sur les transformations que les chrétiens antiochiens traversèrent après l’année fatidique de 1724.
Hilary Kilpatrick
Nicolas al-Ṣāʾiġ (1692‑1756) a non seulement joué un rôle crucial dans l’établissement de l’Ordre basilien shuwayrite dans l’Église melkite, mais il a également été le plus important poète arabe chrétien dans la première moitié du XVIIIe siècle. Dans son Dīwān, plusieurs poèmes sont consacrés à des attaques contre les orthodoxes et leur hiérarchie. Nicolas connaissait très bien la tradition poétique arabe et la poésie liturgique byzantine. En même temps, il a adopté la position de l’Église catholique romaine sur les questions dogmatiques qui la distinguent de l’Église orthodoxe. Son hiğāʾ (poésie satirique) qui reflète ces différents éléments, exprime la position melkite dans un genre facile à mémoriser et accessible à un large public qui ne lit pas ou ne comprend pas les traités savants.
Dominika Kovačević - Younes
Christian Theological Academy, Warsaw
L’élection patriarcale double de 1724 au sein du Patriarcat Rūm d’Antioche a engendré la création de deux Églises distinctes, l’une orthodoxe et l’autre catholique. Cette conjoncture a suscité des interrogations profondes sur l’identité de la communauté naissante, notamment le défi de concilier l’héritage oriental avec l’affiliation catholique. Ces questions se sont étendues au domaine de la liturgie, avec des implications spécifiques pour la célébration du dimanche dédié à saint Grégoire Palamas, figure emblématique symbolisant le schisme entre le christianisme oriental et occidental. Cet article vise à enquêter sur les transformations liturgiques au sein de la communauté rūm catholique au cours des premières années suivant l’union, en se concentrant sur le 2ᵉ dimanche du Grand Carême comme cas illustratif. L’examen, ancré dans le Triodia contemporain, s’élabore à la fois sur le plan liturgique et terminologique. les textes et rites liturgiques servant de véhicules pour transmettre les croyances de l’Église, l’analyse de cet aspect particulier post‑union éclaire le processus complexe de formation de l’identité de l’Église melkite.
Pavel Ermilov : Saint Tikhon’s Orthodox University
Constantin Panchenko † : Moscow State University
Mikhail Bernatsky : Saint Tikhon’s Orthodox University
Traitant de la phase initiale de la controverse concernant l’épiclèse dans l’Église d’Antioche, les auteurs analysent une correspondance inédite entre les chrétiens de Tripoli et d’Alep et le patriarche Gerasimos II d’Alexandrie, datée de 1701‑1702, qui concerne le moment de la consécration de l’Eucharistie. L’article fournit des informations essentielles sur la situation ecclésio‑politique et l’histoire de la présence catholique au Levant, ainsi que sur les disputes eucharistiques ultérieures dans le Proche‑Orient arabe. les auteurs spéculent sur les circonstances de la controverse, les initiateurs possibles de l’appel au patriarche grec au sein de la communauté de Tripoli, et sur les membres du parti d’Alep qui pourraient avoir été à l’origine de la réaction critique à la lettre de Gerasimos. La deuxième partie de l’article situe la lettre du patriarche Gerasimos et la réponse des Aleppins dans le contexte séculaire de l’histoire de la controverse concernant le moment de la consécration de l’Eucharistie à la Divine Liturgie, clarifiant ainsi l’origine et le contenu des arguments des deux parties.
Evgeny Pilipenko
St. Cyril and Methodius Institute for Postgraduate Studies
Cet article vise à clarifier les facteurs internes et externes qui ont influencé le développement de lapermis la prise de conscience de soi de l’Église orthodoxe russe ainsi que certains aspects de son ecclésiologie au XVIIIe siècle. Dans ce cadre, les positions ecclésiologiques de l’Église russe concernant son propre schisme avec les Vieux-croyants, ainsi que les disputes au sein des Églises orthodoxes orientales, notamment le schisme des Rūm au sein du Patriarcat d’Antioche, seront examinées, en particulier à la lumière des changements étatiques significatifs en Russie sous le règne du Tsar Pierre le Grand. De plus, l’analyse explorera commentla manière selon laquelle ces facteurs, ainsi que la question plus large de l’uniatisme latin, ont contribué à la formulation théorique et à la résolution de la question de l’essence et des principes de l’unité ecclésiale. Les conclusions atteintes durant cette périodede l’analyse sont largement déterminées par le contexte historique, rendantet rendent l’ecclésiologie développée à cette époque particulièrement contextuelle.
Juliette Rassi
Université Libanaise
L’objectif principal de cet article est l’analyse de thèses formulées par trois éminents auteurs des XIXe et début du XXe siècles, consacrées particulièrement à la signification des termes « Melkites » et « Rūms », à l’origine du groupe désigné, ainsi qu’à la diversité linguistique qui caractérise cette communauté. Parmi ces auteurs, on compte Amīn Ẓāhir Ḫayr Allāh, le P. Henri Lammens, et le P. Constantin Bacha.
La convergence quasi‑totale d’opinions entre Ḫayr Allāh et Lammens, tous deux favorables à une origine syriaque prédominante de la communauté, contraste significativement avec l’opinion de Bacha, qui lui attribue une origine grecque. De manière plus approfondie, l’article esquisse la continuation de cette discussion en explorant les perspectives de quatre autres auteurs rūms du XXe siècle.
Bien que l’appellation, ses significations et autres thèmes connexes puissent faire l’objet d’études futures à travers de nouvelles sources, cet article démontre l’existence d’un consensus entre les chercheurs sur les points soulevés au cours du siècle dernier.
Edward Farrugia
Pontificio Istituto Orientale – Rome
Antioche, bien que berceau du christianisme, a surpassé de nombreuses cités en termes de références bibliques et patristiques, rivalisant uniquement avec Jérusalem et Rome. En dépit de sa position éminente en tant que troisième ville de l’Empire romain et poste avancé frontalier, Antioche a souffert de sa fondation géophysique défaillante et de son rôle de lieu propice aux conflits ecclésiastiques. L’année 1724 a marqué un tournant symbolique, symbolisant une rupture apparemment définitive entre l’Est orthodoxe byzantin et l’Église catholique romaine, surpassant même les schismes de 1054, 1204 et 1484.
Cependant, cette étude remet en question cette perspective, considérant la scission de 1724, bien que la plus sérieuse, une variable au sein d’une série d’explosions. Plutôt que de se réfugier dans des subterfuges théologiques, l’article propose une réflexion basée sur la théologie fondamentale de la naissance de l’Église à partir du Côté fendu du Sauveur. Il appelle à l’engagement envers une théologie communautaire en vue du bien commun pour favoriser la croissance spirituelle et la réconciliation. Cette étude encourage à percevoir les scissions comme des opportunités de renouveau et de croissance spirituelle, qui offrent une perspective nuancée sur la nature double des divisions ecclésiales, à la fois stimulantes et transformatrices.