Durant la période des fêtes, rien ne vaut la célébration des traditions culinaires en compagnie de nos proches autour d’un fabuleux festin. Dire que nous nous préparons à des festivités après tous les évènements qui ont bouleversé cette année… Je ne parlerai pas ici de gastronomie : je règlerai les boussoles vers une destination dévoilant l’essence et l’esprit réel des fêtes, souvent délaissés. Si vous voulez absolument suivre votre nez, suivez-le en direction de votre cœur. Ce “nez du cœur” vous mènera à « Agonist Coffee shop ».

Ce café unique en son genre emploie des personnes à besoins spécifiques (notamment atteintes de trisomie 21) et a rapidement gagné en popularité il y a deux ans par son authenticité et son atmosphère dénuée d’artifices ou de préjugés. 

« Être, en tant que physiothérapeute, en contact permanent avec ces personnes m’a confirmé la présence immuable chez elles d’immenses capacités physiques et mentales », raconte M. Wassim El-Hage, fondateur de ce café. « Ces personnes adorent travailler mais n’ont souvent pas la chance de le faire. Elles s’attristent quand les gens les évitent ou expriment une certaine peur à leur égard … C’est dans cette optique que j’ai décidé de leur fournir un accès direct au contact social pour plus d’intégration, en montrant les prouesses dont elles sont capables », poursuit-il. Ce projet de sensibilisation leur donne une place de premier ordre et permet d’anéantir la perception commune erronée et les stéréotypes qui leur sont inlassablement attribués. 

« Malgré plusieurs tentatives, ce concept un peu hors du commun n’a pas pu décrocher de financements, parce qu’il était risqué de se lancer dans un projet où la réaction des gens était imprévisible, me disait-on. J’ai dû finalement opter pour un prêt à titre personnel pour commencer les travaux », explique-t-il.

Même avec les masques qui dissimulent la quasi-totalité des visages, j’aperçois des yeux souriants qui pétillent d’enthousiasme : « Je m’appelle Georges. Je viens travailler, vivre ma vie et prouver mes compétences en tant que Georges et non pas en tant que syndrome de Down », déclare le barman et serveur du café de Zalka.

Visant à perdurer plutôt qu’à réaliser un profit à proprement parler, ce café fait face aux défis de 2020. Outre l’instabilité économique, certains employés fragiles ont été contraints de retourner chez eux de peur qu’ils ne puissent combattre la COVID-19. Est venue ensuite l’explosion du 4 août qui a ravagé les locaux de Zalka et de Verdun. Ne pouvant se permettre de décevoir toutes ces personnes après leur avoir offert une lueur d’espoir, le fondateur œuvre à permettre prochainement la réouverture du café de Verdun grâce au charitable soutien de clients généreusement dévoués, et ce en l’absence du fantôme gouvernemental et des instances du ministère des affaires sociales. Sachant que la loi libanaise 220/2000 - qui oblige à ce qu’un quota de 3 % soit dévolu dans les emplois aux individus à besoins spécifiques - est rarement respectée, la réouverture d’Agonist-Zalka a été quasi instantanée. Quant aux services de traiteur et au camion café-ambulant, ils sont temporairement suspendus.

« Outre la signification pharmacologique du terme " agoniste ", comme désignant la potentialisation d’un effet physiologique du corps, j’ai réalisé en préparant mon doctorat que les muscles agonistes représentaient un groupe de muscles qui différaient entre eux par leur forme et leurs capacités, mais qui visaient à réaliser un même mouvement. Nos disparités nous différencient mais nous donnent la force d’aller de l’avant, dans une seule et même direction » conclut-il avec fierté.

Si nous sommes semblables, nous le sommes aussi par le partage de nos différences enrichissantes. N’hésitez donc pas à explorer cet endroit chaleureux enveloppé par l’atmosphère conviviale de Noël et le dynamisme inépuisable des fêtes.