Faites vos jeux. Rien ne va plus.
Et la bille est lancée sur une piste aléatoire. Un pays à la dérive. Une conjoncture sans horizon.
Il faut parier. Prendre des risques. Tout risquer sur la culture et la santé de l’esprit. Mais le savoir n’est pas un jeu de hasard et si, un jour, à Dieu ne plaise, l’éducation se trouve menacée au Liban, alors nous serons en droit de nous alarmer ou de désespérer. En attendant, et en dépit des terribles épreuves que nous traversons, ou peut-être grâce à ces épreuves, nous nous sentons plus proches de notre mission.
La mission de l’Université Pour Tous est de garder l’espérance et de se mettre au service d’une humanité épanouie et disponible, de réveiller la conscience endormie dans un monde qui s’obscurcit à perte de vue. Elle se rattache ainsi à la vocation de l’Université Saint-Joseph qui cherche, dit l’article 4 de sa charte, à « promouvoir un esprit de liberté personnelle et d’ouverture à la vie spirituelle ».
Si le premier versant de l’année 2020 a été des plus durs à cause des crises politique, économique et sanitaire, si les cours ne se sont pas déroulés dans des conditions favorables et si notre université a dû s’inventer toutes sortes d’issues pour braver l’impasse, le malheur a révélé aussi des potentialités inouïes. Il nous a montré combien la soif d’apprendre et la passion d’enseigner dépassent toutes les contraintes. Il nous a conduits à réfléchir à des pédagogies novatrices, à des moyens de transmission adaptés in extremis : vidéos, conférences en ligne, cénacles dans l’espace privé, dans les jardins, les bois, sur un nuage… Il nous a surtout maintenus dans la ferveur du partage. De la lutte, de l’audace coûte que coûte. Il nous a rappelé les valeurs de la solidarité et de la probité au sens où l’entend le docteur Rieux quand Rambert lui pose la question : « Qu’est-ce que l’honnêteté ? » « Je ne sais pas ce qu’elle est en général. Mais dans mon cas, je sais qu’elle consiste à faire mon métier ».
Nous l’avons fait, notre métier, plus que jamais, et sans doute mieux que jamais. Dans la volonté de refuser le fléau, dans l’acharnement de dire, de communiquer, de nous donner, de retrouver les étudiants, et tous nos cours et ateliers ont été menés jusqu’au bout contre vents et marées.
L’année 2020-2021 s’annonce encore plus difficile, surtout sur le plan de la débâcle financière. Cependant l’Université Pour Tous ne renonce pas devant l’adversité et elle se propose une stratégie en quatre points pour donner le plus de chance au bon fonctionnement de l’institution :
Un cours à moins de 8 inscriptions ne fonctionnera pas, sauf dérogation pour les ateliers. Le nombre de séances pour chaque cours est indiqué dans la brochure, au haut de chaque page. Il pourra bien entendu être augmenté sur demande.
Je suis entré dans des détails logistiques et économiques que j’aurais voulu m’épargner, mais j’ai choisi le plan d’action au lieu de l’expectative. Et le choix n’a pas été facile comme il doit vous inquiéter aussi. Qui ne se demande pas aujourd’hui s’il faut s’arrêter, poursuivre sa lourde tâche, rouler sa pierre tel Sisyphe en s’imaginant heureux ?
Partir ? Rester ?
Ne plus se poser la question. Juste continuer. Seulement continuer. Voilà ce qui est surhumain. Agir. S’instruire. Ne pas couper le lien. Demeurer avec l’autre, avec l’ami, avec vous. Je ne pars plus et je veux rester avec vous, dit Rambert, car « il peut y avoir de la honte à être heureux tout seul ».
Gérard BEJJANI, Directeur de l’Université Pour Tous
1er juillet 2020