Billet de Fady Noun
Réexaminer nos héritages
« Nous vivons dans un pays où règne la méfiance à différents niveaux. Les étudiants n’ont qu’une idée en tête : l’émigration. Je pense que si la voie leur était ouverte, ils émigreraient tous ». Ce ne sont pas les propos de n’importe qui ; mais ceux du recteur de l’USJ, Pr Salim Daccache s.j., interrogé par une agence de presse (voir interview).
De fait, beaucoup de jeunes Libanais remettent le Liban en question. Cette crise d’identité est de loin la plus grave de toutes, et la célébration, cette année, de la fête de l’Indépendance, sans président de la République, ne peut que renforcer ce sentiment. Dans l’ouvrage « Les chênes qu’on abat », André Malraux cite le général De Gaulle définissant les Français comme « ceux qui veulent que la France ne meure pas », et met en garde contre la tentation « de ne plus croire à la France ». Il nous faut reprendre ces paroles à notre compte : « Les Libanais sont ceux qui veulent que le Liban ne meure pas ». Nous devons résister à la tentation de ne plus croire au Liban et « réexaminer nos héritages », pour reprendre une expression du philosophe Paul Ricœur. « À le faire, relève ce dernier, nous découvrons, non seulement qu’ils nous transmettent du sens, mais que dans le passé, il y a eu des promesses non tenues, des ressources de sens qui n’ont pas été effectuées. Le passé, ce n’est pas seulement ce qui a été fait, mais ce qui n’a pas été fait ». L’on pense à la « guerre civile », toujours omniprésente, en raison des rapports de force qu’elle a créés et dont le jeu continue de déterminer le cours de notre existence nationale.
L’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban a décidé, lors de sa dernière session (octobre 2022), qu’une « purification de la mémoire » de la guerre est indispensable et a nommé, à cet effet, une commission pour la mettre en œuvre. Il s’agit là, si elle voit le jour, d’une énorme tâche dont chacun aura à répondre, mais où les grandes universités du Liban, comme l’USJ, pourront jouer un rôle éminent, notamment à travers leurs Départements d’histoire, de droit et de sciences politiques. La renaissance du Liban passe par là.
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