Les prétentions de la neurologie et de la psychiatrie

Alexandre HAJJAR
Vendredi 27 novembre 2020
Organisateurs


L’évolution de la technologie au cours de la fin du XXème siècle, avec le développement de machines de plus en plus complexes, compactes, et performantes, a permis à l’humain de s’observer avec plus de détails, et d’imiter les processus naturels qui le sous-tendent, pour créer ensuite une machine à son image, et pousser les limites de ses capacités. En d’autres termes, nous créons des machines pour mieux nous comprendre, et nous nous comprenons pour créer de meilleures machines. Notons maintenant que les machines que l’on fabrique fonctionnent de manière très similaire aux processus cérébraux, neurologiques et biologiques que l’on trouve dans la nature.

Maintenant que l’on comprend plus ou moins bien la machine, et qu’on peut l’utiliser pour percevoir, modifier, et affecter, en temps réels; les processus neurologiques, cérébraux, et biologiques, il est tentant de croire que l’on peut retracer la cause de tout effet, et prédire l’effet de toute cause.

Par exemple, si un individu a des troubles de mémoire, il suffirait de scanner son cerveau, d’observer le compartiment qui s’occupe de la mémoire, et de remodeler son fonctionnement de sorte à résoudre le trouble en question.

Face à cette utopie futuriste  de l’omnipotence scientifique, la psychologie, ainsi que la psychosomatique, viennent rappeler avec humilité que la mémoire est une instance pratiquement inexplicable  qui travaille constamment, et à une vitesse que l’on ne peut probablement pas capter, pour construire chaque partie, aussi infime qu’elle soit, de l’individu.

L'orgueil des sciences dures est cependant trop têtu pour lâcher prise d’une illusion aussi délicieuse que celle du savoir absolu. Se basant sur la biologie évolutionnaire et la physiologie cérébrale, les sciences dures se permettent d’effacer l’inconnu de l’équation, et la société, la masse, cherchant des solutions rapides à ses problèmes quotidiens, souscrit à l’option qui paraît la plus pratique, se souciant de moins en moins de l’efficacité réelle du résultat.

Face à la psychologie, la neurologie et la psychiatrie promettent des solutions rapides, qui sont cependant superficielles, séduisant l’individu conventionnel (la masse) dans sa quête de gratification instantanée. Le marché fonctionnant sur une base d’offre et de demande, les recherches scientifiques se dirigent aujourd’hui bien plus vers la neuro-psychiatrie que vers la psychologie, et la propulsion technologique que nous vivons remplace la science de l’âme par la science du cerveau. L’humain met son cerveau au cœur de sa recherche; c’est le centre de gravité, le simulateur et le producteur de toute joie et de toute tristesse, et même Dieu n’est que le fruit ultime de cette simulation.

Dans cette ère d'orgueil scientifique, dans laquelle l’illusion de la connaissance mène à un vide existentiel, les âmes n’ont jamais été aussi assoiffées de sens, les suicides jamais aussi nombreux, et une des raisons de cette décadence et de cette dépression morales est le manque de médecins de l’âme, de psychologues.

Ces derniers sont en voie de disparition, et ceci à cause des promesses de la neuro-psychiatrie, et de l’industrie pharmacologique, qui remplacent petit à petit la thérapie psychologique, ayant pour but l’acceptation de la cause, par le médicament qui lui a pour but,la capitalisation de la santé mentale mise à part, l’éradication éphémère du symptôme par la stimulation d’un effet compensatoire.

 Malheureusement, l’individu préfère aujourd’hui qu’on lui prescrive autant de médicaments qu’il faut pour sortir d’une dépression, en plus du prix de l’addiction à la substance, plutôt que d’accepter de boire le liquide amer qui découle de sa réalité et de son existence.

Enfin, au lieu de nourrir le peuple et les enfants de sens et de curiosité, les institutions, académiques comme médicales, qui se spécialisent dans la santé mentale, gavent leurs clients de fausses vérités et de comprimés, dont les effets primaires sont souvent inefficaces, et les effets secondaires incertains.

C’est une solution plus rentable pour eux, et une solution éphémère, mais tout de même instantanée pour l’individu conventionnel qui fait de la science sa vérité incontestable.