Par Chantal Eddé, in L'Orient - Le Jour, jeudi 24 septembre 2020.
Les mouvements de contestation citoyens, dans le monde et au Liban, leurs raisons et leurs implications, étaient au centre de l’école d’été de la citoyenneté organisée à l’USJ début septembre.
Organisée du 1er au 4 septembre par le Service de la vie étudiante de l’USJ (SVE), en partenariat avec la Fondation Friedrich Naumann, l’école d’été sur la citoyenneté a rassemblé plus de 80 étudiants en provenance de diverses universités et disciplines autour d’un sujet d’actualité : les mouvements de contestation. Cette formation de quatre jours, organisée sous le thème « To Move Or Not to Move » (Partir ou rester), a offert aux jeunes participants des éléments de réflexion sur les mouvements sociaux, politiques ou économiques, au Liban et dans le monde, afin de comprendre leur histoire, leurs raisons et leurs implications. « C’est un carrefour d’idées, de théories et d’études de cas pour approfondir les connaissances des étudiants sur les sujets citoyens », souligne Gloria Abdo, coordinatrice du SVE. Outre des connaissances sur la thématique de la citoyenneté et des mouvements de contestation, l’école, organisée à l’USJ, a offert aux participants la possibilité d’acquérir des compétences en lien avec les techniques et les moyens d’exercice de la citoyenneté, de découvrir les différents aspects stratégiques de la contestation citoyenne, d’analyser d’une manière globale ce sujet, mais aussi d’apprendre à rédiger un article journalistique pour s’exprimer sur l’une des thématiques abordées lors de la formation. Pour de nombreux participants, c’est le contexte actuel libanais qui les a incités à prendre part à cette école d’été. Patrick Daoud est récemment diplômé en théâtre de l’Université libanaise (UL). Ce jeune influenceur sur les réseaux sociaux, qui confie avoir été « pleinement engagé dans la révolution depuis le 17 octobre », indique s’être inscrit à cette école « pour mieux comprendre les dynamiques de la contestation ». De même, Tracy Daige, 3e année en sciences politiques et en éducation à l’UL, considère « la problématique To Move or Not to Move comme une question existentielle pour les jeunes ». D’où l’attrait de cette formation pour eux. Selon Charbel Aad, animateur de la vie citoyenne à l’USJ et responsable du projet de l’école d’été, le thème des mouvements de contestation, d’une importance cruciale, porte sur un axe principal qu’est celui de la situation actuelle du pays, une situation qui doit inciter la population à s’unir et à se révolter. « Étant donné que les jeunes, notamment les étudiants, sont le pivot des mouvements sociaux, il était essentiel pour le SVE de leur assurer toutes les connaissances nécessaires pour qu’ils sachent où, quand et comment agir », note-til. Le responsable du projet souligne que la thématique porte aussi sur un 2nd axe qui s’ancre dans le moment. « L ’explosion tragique du 4 août a alimenté la rage des Libanais et les a guidés vers la rue. Et bien que nous ayons planifié ce programme avant l’explosion, nous avons trouvé qu’il était nécessaire d’organiser cette formation avant que la révolution ne reprenne son élan », poursuit-il. Lors des ateliers et des sessions théoriques, les participants ont examiné le rôle des étudiants, des immigrés, des femmes et des artistes dans les mouvements de contestation, de même que l’influence des médias, la liberté de la presse et le rôle de la technologie à travers le monde, mais aussi au Liban. Les soucis des jeunes au centre des thématiques programmées D’ailleurs, parmi les jeunes participants interrogés, certains ont évoqué l’ancrage des sujets abordés dans leur vécu et leur similitude avec leur propre expérience sur le terrain. Patrick Daoud confie ainsi avoir été profondément marqué par les propos d’un intervenant, Oleg Golubenko, lors d’une session portant sur la révolution ukrainienne. « Cet activiste de la révolution Orange a partagé son expérience. Voyant la ressemblance entre leur mouvement et le nôtre, j’ai été attristé lorsqu’il a évoqué le nombre de personnes tuées, le prix que le mouvement ukrainien a dû payer pour la liberté. Il nous a dit que le mouvement libanais ne pourra plus être longtemps pacifiste s’il veut atteindre ses objectifs », déplore Patrick Daoud. C’est également l’étude du mouvement ukrainien qui a intéressé Jihad Mouawad, 3e année de droit à l’USJ, mais sous un autre angle. « La séance intitulée «Counter-Movement» m’a aidé à mettre en perspective notre révolte par rapport à la révolution ukrainienne et de mieux la comprendre, elle a mis en lumière les étapes du mouvement libanais et ses obstacles principaux », explique-til, cherchant à comprendre le pourquoi et le comment de la naissance et de la disparition d’un mouvement. Quant à Tracy Daige, parmi d’autres sujets qui l’ont intéressée, c’est le rôle de la femme dans la révolution qui l’a interpellée le plus. « La représentation de la femme dans la vie politique est faible face à une dominance masculine dans la prise de décision, ce qui m’engage davantage à insister sur l’importance de l’égalité des chances dans le domaine public », assure-t-elle. L ’étudiante, qui est également journaliste au quotidien an-Nahar, évoque aussi un atelier intitulé «Brain Drain», ou fuite des cerveaux. « Ce sujet est devenu central dans mes discussions avec mes amis et proches », avoue-t-elle, se désolant que la plupart de ses amis soient partis ou pensent quitter le pays. Tracy Daige confie être « tiraillée entre partir pour vivre en sécurité et continuer (son) parcours professionnel, ou rester près de (sa) famille et essayer de changer la situation misérable du pays ». Ce sujet a touché aussi Jihad Mouawad, lui ayant rappelé son groupe d’amis qui participait au mouvement de contestation. « La plus grande partie de ce groupe se trouve aujourd’hui en France et au Royaume-Uni. Ils ont décidé d’aller chercher leur futur ailleurs », note-t-il, espérant que ses amis reviendraient un jour « avec un bagage intellectuel qu’ils pourraient mettre en œuvre ici, à travers la politique ou bien à travers des initiatives privées et personnelles ». Une plateforme de débat à cœur ouvert Par ailleurs, outre les sujets abordés, ce qui distingue cette école d’été, c’est la rencontre entre des jeunes venant d’horizons différents. « L ’objectif principal de cette école d’été est de créer un espace de discussion entre les participants pour débattre des sujets d’actualités citoyennes tout en leur offrant un apprentissage académique et global du sujet », explique Gloria Abdo. C’est ainsi que cet espace de discussion a créé des liens entre 87 étudiants, toutes disciplines confondues, issus de milieux variés, possédant des opinions différentes, voire parfois divergentes, sur des sujets brûlants de l’actualité libanaise. Et c’est justement cette dynamique créée lors des débats qui a marqué certains participants. « Un débat constructif a eu lieu. Chacun d’entre nous voyait la vérité de sa propre perspective et proposait des solutions. Ce qui nous unissait, c’était la volonté de changer la situation actuelle », assure Tracy Daige qui relève l’intérêt du processus démocratique que le débat a initié. « Cette plateforme a permis aux étudiants de s’exprimer, chacun à sa façon, sans limites ni tabous, en consacrant le droit à la liberté d’expression », estime-telle. De même, pour Patrick Daoud, les débats ont constitué un moment fort de l’école d’été : « Chacun des participants a exprimé son opinion personnelle, réfutée par certains, l’incitant à argumenter pour convaincre l’autre. » Évoquant les jeunes qui ont hérité leurs affiliations politiques de leurs parents ou proches « sans posséder des arguments convaincants », ce jeune influenceur s’est « établi comme mission de sensibiliser ce type de personnes et d’élargir leurs perspectives pour pouvoir opérer un changement ».
Les mouvements de contestation citoyens, dans le monde et au Liban, leurs raisons et leurs implications, étaient au centre de l’école d’été de la citoyenneté organisée à l’USJ début septembre.
Organisée du 1er au 4 septembre par le Service de la vie étudiante de l’USJ (SVE), en partenariat avec la Fondation Friedrich Naumann, l’école d’été sur la citoyenneté a rassemblé plus de 80 étudiants en provenance de diverses universités et disciplines autour d’un sujet d’actualité : les mouvements de contestation. Cette formation de quatre jours, organisée sous le thème « To Move Or Not to Move » (Partir ou rester), a offert aux jeunes participants des éléments de réflexion sur les mouvements sociaux, politiques ou économiques, au Liban et dans le monde, afin de comprendre leur histoire, leurs raisons et leurs implications. « C’est un carrefour d’idées, de théories et d’études de cas pour approfondir les connaissances des étudiants sur les sujets citoyens », souligne Gloria Abdo, coordinatrice du SVE. Outre des connaissances sur la thématique de la citoyenneté et des mouvements de contestation, l’école, organisée à l’USJ, a offert aux participants la possibilité d’acquérir des compétences en lien avec les techniques et les moyens d’exercice de la citoyenneté, de découvrir les différents aspects stratégiques de la contestation citoyenne, d’analyser d’une manière globale ce sujet, mais aussi d’apprendre à rédiger un article journalistique pour s’exprimer sur l’une des thématiques abordées lors de la formation. Pour de nombreux participants, c’est le contexte actuel libanais qui les a incités à prendre part à cette école d’été. Patrick Daoud est récemment diplômé en théâtre de l’Université libanaise (UL). Ce jeune influenceur sur les réseaux sociaux, qui confie avoir été « pleinement engagé dans la révolution depuis le 17 octobre », indique s’être inscrit à cette école « pour mieux comprendre les dynamiques de la contestation ». De même, Tracy Daige, 3e année en sciences politiques et en éducation à l’UL, considère « la problématique To Move or Not to Move comme une question existentielle pour les jeunes ». D’où l’attrait de cette formation pour eux. Selon Charbel Aad, animateur de la vie citoyenne à l’USJ et responsable du projet de l’école d’été, le thème des mouvements de contestation, d’une importance cruciale, porte sur un axe principal qu’est celui de la situation actuelle du pays, une situation qui doit inciter la population à s’unir et à se révolter. « Étant donné que les jeunes, notamment les étudiants, sont le pivot des mouvements sociaux, il était essentiel pour le SVE de leur assurer toutes les connaissances nécessaires pour qu’ils sachent où, quand et comment agir », note-til. Le responsable du projet souligne que la thématique porte aussi sur un 2nd axe qui s’ancre dans le moment. « L ’explosion tragique du 4 août a alimenté la rage des Libanais et les a guidés vers la rue. Et bien que nous ayons planifié ce programme avant l’explosion, nous avons trouvé qu’il était nécessaire d’organiser cette formation avant que la révolution ne reprenne son élan », poursuit-il. Lors des ateliers et des sessions théoriques, les participants ont examiné le rôle des étudiants, des immigrés, des femmes et des artistes dans les mouvements de contestation, de même que l’influence des médias, la liberté de la presse et le rôle de la technologie à travers le monde, mais aussi au Liban.
Les soucis des jeunes au centre des thématiques programmées
D’ailleurs, parmi les jeunes participants interrogés, certains ont évoqué l’ancrage des sujets abordés dans leur vécu et leur similitude avec leur propre expérience sur le terrain. Patrick Daoud confie ainsi avoir été profondément marqué par les propos d’un intervenant, Oleg Golubenko, lors d’une session portant sur la révolution ukrainienne. « Cet activiste de la révolution Orange a partagé son expérience. Voyant la ressemblance entre leur mouvement et le nôtre, j’ai été attristé lorsqu’il a évoqué le nombre de personnes tuées, le prix que le mouvement ukrainien a dû payer pour la liberté. Il nous a dit que le mouvement libanais ne pourra plus être longtemps pacifiste s’il veut atteindre ses objectifs », déplore Patrick Daoud. C’est également l’étude du mouvement ukrainien qui a intéressé Jihad Mouawad, 3e année de droit à l’USJ, mais sous un autre angle. « La séance intitulée «Counter-Movement» m’a aidé à mettre en perspective notre révolte par rapport à la révolution ukrainienne et de mieux la comprendre, elle a mis en lumière les étapes du mouvement libanais et ses obstacles principaux », explique-til, cherchant à comprendre le pourquoi et le comment de la naissance et de la disparition d’un mouvement.
Quant à Tracy Daige, parmi d’autres sujets qui l’ont intéressée, c’est le rôle de la femme dans la révolution qui l’a interpellée le plus. « La représentation de la femme dans la vie politique est faible face à une dominance masculine dans la prise de décision, ce qui m’engage davantage à insister sur l’importance de l’égalité des chances dans le domaine public », assure-t-elle. L ’étudiante, qui est également journaliste au quotidien an-Nahar, évoque aussi un atelier intitulé «Brain Drain», ou fuite des cerveaux. « Ce sujet est devenu central dans mes discussions avec mes amis et proches », avoue-t-elle, se désolant que la plupart de ses amis soient partis ou pensent quitter le pays. Tracy Daige confie être « tiraillée entre partir pour vivre en sécurité et continuer (son) parcours professionnel, ou rester près de (sa) famille et essayer de changer a situation misérable du pays ». Ce sujet a touché aussi Jihad Mouawad, lui ayant rappelé son groupe d’amis qui participait au mouvement de contestation. « La plus grande partie de ce groupe se trouve aujourd’hui en France et au Royaume-Uni. Ils ont décidé d’aller chercher leur futur ailleurs », note-t-il, espérant que ses amis reviendraient un jour « avec un bagage intellectuel qu’ils pourraient mettre en œuvre ici, à travers la politique ou bien à travers des initiatives privées et personnelles ».
Une plateforme de débat à cœur ouvert
Par ailleurs, outre les sujets abordés, ce qui distingue cette école d’été, c’est la rencontre entre des jeunes venant d’horizons différents. « L ’objectif principal de cette école d’été est de créer un espace de discussion entre les participants pour débattre des sujets d’actualités citoyennes tout en leur offrant un apprentissage académique et global du sujet », explique Gloria Abdo. C’est ainsi que cet espace de discussion a créé des liens entre 87 étudiants, toutes disciplines confondues, issus de milieux variés, possédant des opinions différentes, voire parfois divergentes, sur des sujets brûlants de l’actualité libanaise. Et c’est justement cette dynamique créée lors des débats qui a marqué certains participants. « Un débat constructif a eu lieu. Chacun d’entre nous voyait la vérité de sa propre perspective et proposait des solutions. Ce qui nous unissait, c’était la volonté de changer la situation actuelle », assure Tracy Daige qui relève l’intérêt du processus démocratique que le débat a initié. « Cette plateforme a permis aux étudiants de s’exprimer, chacun à sa façon, sans limites ni tabous, en consacrant le droit à la liberté d’expression », estime-telle. De même, pour Patrick Daoud, les débats ont constitué un moment fort de l’école d’été : « Chacun des participants a exprimé son opinion personnelle, réfutée par certains, l’incitant à argumenter pour convaincre l’autre. » Évoquant les jeunes qui ont hérité leurs affiliations politiques de leurs parents ou proches « sans posséder des arguments convaincants », ce jeune influenceur s’est « établi comme mission de sensibiliser ce type de personnes et d’élargir leurs perspectives pour pouvoir opérer un changement ».