Sans rayons de soleil et sans vue sur le jardin depuis 45 jours …Qui aurait pu penser qu’un jour nous serions privés de notre entrée, de notre jardin, de la simple lumière matinale. Qui aurait-pu penser que notre paisible et accueillant Centre Universitaire d’Ethique (CUE) de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth se verrait victime d’une explosion déflagrante à 18h08 le 4 août 2020.
Notre porte et quelques fenêtres du Centre détruites ne sont qu’un maigre échantillon des dégâts de notre Université. Notre chez nous touché, brisé, détruit. Notre ville attaquée par 2750 tonnes de nitrates d’ammonium au port de Beyrouth. Notre vie attaquée par l’incompétence et la corruption.
45 jours après, ma fenêtre du bureau vibre, mon cœur tremble, je m’en éloigne rapidement avec la mémoire encore très vive de mon expérience de ce 4 août 2020. Ce n’est que le chantier d’à côté. Les vitres m’angoissent.
« Maman, comment faire partir le bruit du ‘boom’ de mon cœur ? » me demandera plusieurs fois ma fille.
Comment faire disparaitre le bruit du son de la déflagration de nos cœurs à tous meurtris ? Comment faire disparaitre la peur ressentie ? L’horreur du choc, la course entre les débris pour retrouver un être cher, la course aux hôpitaux pour avoir des nouvelles! Comment oublier les morts et la souffrance des blessés ?
Rien ne disparaitra. Mais le tout s’atténuera. Il se ravivera souvent. Et se ré-atténuera.
Les images passent et foudroient : l’école de nos enfants, notre lieu de travail, les maisons de nos amis et de nos proches, les cliniques que nous visitons, nos médecins traitants, nos collègues, notre café habituel, là où nous nous retrouvions pour discuter de nos problèmes et les oublier autour d’un verre, les ruelles où nous nous promenons.
45 jours après, et on découvre encore de nouvelles histoires du drame.
45 jours après et le pays se reconstruit et panse ses plaies du corps, du cœur et de l’âme.
45 jours après, il y a encore des débris de verres dans les coins et recoins.
45 jours après, nos rayons de soleil et vue sur jardin sont de retour au CUE. Comme pour nous rappeler que l’espoir est bien plus fort, que la lumière est bien plus forte que la tragédie et qu’il faut aller de l’avant malgré tout.
Merci à tous ceux qui ont retroussé leurs manches, qui ont accouru, qui aident, qui donnent, qui reconstruisent, qui ont déblayé, qui déblaient toujours, qui soignent qui apaisent, qui rassurent, et à tous ceux qui aideront et donneront !
Nagham Sourany du CUE