Par Emmanuel Khoury, in L'Orient - Le Jour, samedi 13 juin 2020.
La jeunesse libanaise francophone est invitée à partager ses préoccupations et ses attentes sur le site internet www. consultation-jeunesse-francophonie.org
À l’occasion de son cinquantenaire, l’Organisation internationale de la francophonie (OIF) semble s’évertuer à construire la francophonie de demain. Une vaste enquête lancée à l’échelle internationale, dans le cadre du projet «Francophonie de l’avenir», est déjà en ligne depuis le 13 mai dernier. Cette consultation, adressée aux Libanais âgés de 15 à 35 ans, a un objectif clair: associer les jeunes à la construction de l’avenir de la francophonie. «Ces derniers seront invités à partager leurs attentes et propositions, ainsi qu’à raconter la francophonie telle qu’ils la vivent aujourd’hui ou l’imaginent demain. D’ici à 2050-2060, ce sera aux jeunes de bâtir la francophonie, plus à nos parents», explique Valérie Zgheib. À 22 ans, cette étudiante en 2e année de master de traduction à l’USJ, corédactrice en chef du journal universitaire Campus-J, a été nommée au mois de mai jeune ambassadrice auprès de l’OIF pour représenter le Liban. «Outre ce questionnaire, il y a également un espace de débat, prenant en compte les valeurs de la francophonie: démocratie, langue et culture, développement durable… Il y aura également par la suite des ateliers sur Zoom, des Instagram Live avec des personnalités francophones, pour un partage d’expérience et pour marquer la confiance dans la francophonie», annonce l’étudiante.
Le projet «Francophonie de l’avenir», qui prendra fin le 17 juillet, se déroulera en trois temps: d’abord, du 13 mai au 16 juin, la jeunesse libanaise francophone est invitée à partager ses préoccupations et ses attentes ; ensuite, du 17 juin au 7 juillet, ces jeunes proposeront des solutions et des projets sur le site ; enfin, du 8 au 17 juillet, ce sera le moment de voter pour les projets les plus porteurs et que l’OIF pourra réaliser. En d’autres termes, l’idée de ce projet est d’entendre la voix des jeunes Libanais francophones aujourd’hui, savoir ce dont ils ont besoin afin de mettre en place, par la suite, un projet qui corresponde exactement à leurs attentes. «Je pense que ce qui va être le plus demandé, ce sera de l’emploi, et un espace francophone un peu plus libre au niveau de la circulation pour que les jeunes Libanais puissent se rendre plus facilement dans les pays francophones. On pourrait imaginer une sorte de zone francophone fonctionnant comme un espace Shengen… Quoi qu’il en soit, tous les francophones libanais bénéficieront de ce projet», estime Valérie Zgheib.
Un sentiment d’appartenance à la francophonie
Valérie Zgheib, en plus de préparer sa deuxième année de master en traduction, option traducteur-rédacteur, est pleinement engagée dans la vie de son université. Corédactrice en chef dans Campus-J, le journal universitaire de l’USJ, où elle écrit des mini-éditos et des textes en rapport avec la culture et la littérature, elle est aussi chargée d’information au service étudiant d’information et d’orientation (SIO) de l’USJ depuis juillet 2019. «Je m’occupe des articles de rédaction au niveau de l’USJ, dans les livrets qu’on distribue aux écoles, aux lycées. Si quelqu’un a besoin d’une information à propos de l’USJ, peu importe la formation, c’est à moi de la donner», lance-t-elle. Plus jeune, elle a étudié au collège des sœurs du Rosaire à Mansourieh, où elle a pu renforcer son attachement à la langue française. «Mon père était plutôt anglophone, ma mère francophone. Mais en grandissant j’ai su garder un attachement fort pour la francophonie, ce qui n’est pas évident de nos jours. Les jeunes ont plus tendance à privilégier l’anglais, parce que c’est plus simple et plus tendance. Mais les jeunes francophones ont ceci de plus fédérateur qu’ils sentent une forme d’appartenance à la francophonie: en plus de la langue, ils partagent des valeurs. C’est ce qui fait la singularité d’un francophone. Ce sentiment d’unité francophone, qu’un anglophone ne peut pas comprendre, est lié à certaines tournures idiolectacles, à la création d’une identité commune basée sur des valeurs partagées… Et puis on ne peut pas effacer une communauté qui a une histoire et une culture avec le Liban qui remonte à loin», argumente l’étudiante.
Loin de vivre hors de son temps, Valérie Zgheib est consciente des enjeux complexes auxquels est confronté le Liban en ce moment. Être jeune ambassadrice pour le projet «Francophonie de l’avenir» est pour elle un moyen d’œuvrer à construire un meilleur Liban: «On est tous dans la crise. La situation n’est pas du tout facile, travailler sur un projet francophone dans le contexte actuel est particulièrement délicat lorsque l’on sait que les jeunes sont avant tout préoccupés par la question du paiement de leurs études, ou les épreuves du baccalauréat. Mais je crois que ce sera une belle échappatoire pour eux, avec le projet de l’OIF, ils pourront s’évader en imaginant un avenir meilleur… Je crois que cette francophonie se place dans l’idée générale du désir de changer, qui s’exprimait déjà dans la révolution du 17 octobre», conclut la jeune ambassadrice.