Le jour où je me suis inscrite à l’USJ, en 1975, ma mère me confia : « c’est ton grand père qui a construit cette université avec Cheikh Jamil El Khazen. Il a aussi construit la bibliothèque de l’USJ et l’imprimerie situés derrière l’université ». Elle m’apprit ce jour là aussi, qu’il avait construit le Collège de la Sagesse à Achrafieh, le pont de Damour…etc. « Il connaissait l’importance de l’éducation ! Il savait que pour construire un pays, il fallait nourrir l’esprit », me répétait mère. Pour que la mémoire ne meurt pas avec la personne : mon grand père que je n’ai pas connu s’appelait Naïf Wakim El Habr.
C’est vrai, sans éducation, …on ne peut aller loin.
Mais l’éducation commence à la maison, se poursuit à l’école puis à l’Université. Riches de ces bagages, la vie nous apprend le reste sur le terrain… Plus on abat des obstacles, plus on acquiert de l’expérience. Faire mes études universitaires en pleine guerre, était tout un défi, entre routes coupées et bombardements ! Bien plus difficile que de les faire à distance, en cette période de confinement. Par contre, vivre les premières semaines de ce confinement, était pour moi bien dur. C’était comme revivre la guerre du Liban, mais à Montréal et surtout dans la peau de ma mère. Seul l’ennemi était différent. Se protéger d’un fantôme m’était aussi dur que de me protéger des bombes. C’était comme vivre en appréhendant l’explosion d’une voiture piégée à tout moment ! Mon fils allait tous les jours à son travail, jugé essentiel…et moi, dans la peau de ma mère, je priais et j’attendais son retour chez lui avec une anxiété paralysante, tout comme ma mère avait dû attendre le mien de nombreux soirs, pendant les longues années de guerre, au Liban. A cette seule pensée, j’ai mal ! Mal de ce qu’on a infligé malgré nous à nos parents…mal de ce qu’on leur inflige par notre absence aussi, aujourd’hui.…
Par la suite, j’ai pris la décision de vivre ce confinement comme on a vécu la guerre, un jour à la fois, en essayant de garder le moral !
Graduée en 1978 en Sciences politiques et administratives, diplôme de l’USJ en mains et mariée j’ai quitté le pays, pour y revenir deux années plus tard, puis pour le quitter à nouveau et définitivement en 1988. Les bagages à la main, j’ai fini par atterrir à Montréal en Juin 1990 et je me suis dite « khalasse » je ne veux plus d’une vie d’errante. J’ai vidé mes valises pour de bon ce jour là, mais pas mon cœur, il est resté très attaché au Liban. Pourtant j’ai adopté le Quebec immédiatement ! J’ai adoré la simplicité de ce peuple, son dévouement et sa sincérité. En fréquentant 18 ans la paroisse Notre Dame des Neiges, une église québécoise, j’ai découvert le plaisir du bénévolat. J’ai fini dans tous les comités de la paroisse ou presque. Cette paroisse était devenue ma famille : j’ai goûté à la culture québécoise de près et j’ai partagé avec eux, la mienne.
Portant fort le Liban dans le cœur, je me suis impliquée en 2006, auprès d’une association caritative, dont la mission est de soutenir l’éducation des enfants à besoins spécifiques, pris en charge par Sesobel, Irap, Afel, et Ssvp, au Liban. Aujourd’hui je suis la présidente de Fondation LCF.
A l’étranger les liens sont importants, surtout quand la famille est loin.
Les amis deviennent la famille que l’on choisit. Ainsi j’ai eu l’opportunité de tisser des liens amicaux avec des personnes qui ont une racine commune, le Liban et l'USJ. Qui dit amitié dit solidarité aussi. J’en profite pour remercier les membres de l’Association des Anciens de l’USJ à Montréal, pour leur soutien à la mission de LCF ! Ensemble on peut faire une différence !
La vie met sur notre chemin bien des épreuves ! Aujourd’hui, nous avons un combat à livrer et un combat de taille qui mobilise la terre et la paralyse. Le moral de la troupe est en berne, mais pas notre détermination ! Le gouvernement du Canada nous donne l’exemple ! Même confinés, on reste en mode solutions ! Parce que si le monde est en pause, les besoins au Liban ne le sont pas, bien au contraire ! Même confinés, nous pensons aux moyens de changer le quotidien de chacun… En commençant par ceux qui sont les plus proches de nous, en appelant les amies qui vivent seules, les amis qui vivent des souffrances, en leur offrant un peu de réconfort.
Même confinée mais avec l’instinct de survie qui a pris le dessus, on réfléchit aux différentes options qui pourraient nous permettre de continuer notre mission en vue d’améliorer la qualité de vie des enfants à besoins particuliers au Liban. Comment offrir de l’espoir à ces jeunes qui voient leur vie paralysée une fois de plus, qui ne peuvent continuer à recevoir des soins et une éducation adaptée à leurs conditions, alors que notre vie et nos évènements sont en mode pause au Quebec ? En mettant nos ressources et nos habilités en commun ! La solidarité devrait être notre monnaie d’échange ! La solidarité devrait être une monnaie d’échange universelle !
En attendant gardons le moral et ne baissons pas les bras !
Demain est un autre jour.
Carpe Diem
Merci à mes parents, au Collège Protestant, à St Joseph de l’apparition, à l’USJ, au Liban, au Canada et aux différentes épreuves de ma vie, qui ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Merci aussi à Sesobel, Irap, Afel et Ssvp qui m’ont donné toute une leçon de vie !