Sans papiers.
Mona-Bella faisait partie de ces milliers de personnes qui vivent au Liban sans pièce d’identité. Elle est née en 1987 de parents libanais qui, au moment de sa naissance, n’ont pu procéder à son inscription à l’état civil.
Être sans papiers, au Liban comme ailleurs, c’est être privé d’identité. C’est n’avoir ni père, ni mère, ni frères, ni soeurs, légalement reconnus. C’est se voir refuser l’accès à l’emploi, au logement, à la sécurité sociale, à un prêt ou à un compte bancaire. Etre sans papiers, c’est devoir apporter mille et une justifications toutes les fois que l’on vous demande de décliner votre identité : à l’école, à l’université, à l’hôpital ou ailleurs. Etre sans papiers, c’est en réalité n’être personne au plan juridique.
Lorsque l’inscription à l’état civil ne s’est pas faite dans l’année qui suit la naissance de l’enfant, elle ne peut être obtenue qu’à l’issue d’une procédure judiciaire longue et complexe. Depuis 2009, l’AFEL qui a accueilli Mona-Bella à l’âge de trois ans, avait porté son dossier devant les tribunaux, sans pour autant que l’action ne puisse aboutir. C’est à la fin de l’année 2016, que l’Association pour la protection de l’enfant de la guerre (APEG) a orienté Mona-Bella vers le dispensaire juridique de la Faculté de droit de l’USJ.
Le dispensaire est rattaché à la cellule 07 de la Faculté que préside Madame Youmna Makhlouf, chargée de cours à la Faculté de droit et avocat au barreau de Beyrouth. Il regroupe des étudiants et des enseignants bénévoles qui assurent des consultations juridiques gratuites aux plus démunis. Dirigé par Maître Karim Torbey, il a pour objectif de mettre le droit à la portée de tous en initiant les étudiants à la pratique juridique. Il apporte ainsi une contribution originale à l’action citoyenne de l’Université.
Le dossier de Mona-Bella a été rapidement pris en charge par Maître Youmna Makhlouf avec l’aide des étudiants de 3ème et de 4ème année de droit. C’est l’engagement tenace et sans relâche de Madame Makhlouf devant les tribunaux, mais aussi auprès des administrations libanaises, qui a permis à la procédure d’aboutir.
Le 16 avril 2020, après plus de trois ans de procédure, d’obstacles en tous genres, de crises de larmes, de renoncements, d’espoirs déçus, le Juge unique de Beyrouth statuant en matière de statut personnel a ordonné, à l’issue des résultats d’un test ADN, l’inscription de Mona-Bella aux registres de l’état civil.
Le 16 avril 2020, à trente deux ans, Mona-Bella est juridiquement née.