Par Patricia Khoder, in L'Orient - Le Jour, jeudi 16 avril 2020.
« C’est l’art qui nous sauvera. Il y a plus de 15 000 ans, ça a commencé à Lascaux (la grotte aux peintures préhistoriques en France). L’homme ne peut pas se passer de l’art et avec cette épidémie (de coronavirus), la science a prouvé qu’elle n’a pas de réponse à tout », affirme d’emblée Rabih Haddad, scénariste et l’un des fondateurs de l’Iesav (Institut d’études scéniques, audiovisuelles et cinématographiques de l’Université Saint-Joseph) en 1987.
Rentré de Paris en 2014, il est, depuis, professeur à l’Institut des sciences politiques de la même université. Il donne entre autres des cours sur l’histoire de la guerre du Liban et de communication politique. Il est responsable aussi de plusieurs ciné-clubs, dont celui de l’institut. Depuis deux semaines, il anime un ciné-club à distance. « Depuis le début du confinement, j’ai commencé à poster tous les jours le titre d’un film sur ma page Facebook. Et à ceux qui voulaient voir le film, j’envoyais le lien par message privé », dit-il, citant parmi les titres choisis Amarcord de Federico Fellini, The Servant de Joseph Losey et Le vent nous emportera de Abbas Kiarostami.
Au bout de quelque temps, Rabih Haddad reçoit un coup de fil de la responsable presse de la Banque BEMO, Joumana Hobeika, qui lui propose d’animer un ciné-club pour le personnel de la banque et ses amis. « Cela se fera à travers l’application Zoom, et le premier film de ciné-club à distance sera La Cérémonie de Claude Chabrol, car il reproduit le monde dans lequel nous vivons et oppose le monde bourgeois au monde prolétaire qui reste impuissant… C’est un peu comme Emmanuel Macron et les gilets jaunes, et ça nous ramène également au soulèvement du 17 octobre 2019 au Liban », note Rabih Haddad.
Zoom et Microsoft Teams La semaine dernière, il a lan
La semaine dernière, il a lancé un second ciné-club pour l’USJ sur l’application Microsoft Teams. C’est donc le ciné-club de l’Institut des sciences politiques qui sera repris, mais à distance. « Tout le monde pourra y participer à condition d’avoir une adresse e-mail @ usj.edu.com, notamment les étudiants, les enseignants et le personnel de l’université », poursuit-il. Le premier film de ce ciné-club à distance sera Mia Madre de Nanni Moretti. Il convient de souligner que Zoom et Microsoft Teams sont des applications payantes utilisées massivement depuis le début du confinement par les entreprises dans le monde entier pour permettre à leurs employés de travailler à distance, notamment à tenir des réunions en ligne.
« Je veux bien organiser des ciné-clubs ouverts à tout le monde, mais il faudra que quelqu’un achète l’une de ces licences car on ne peut avoir des visioconférences qui réunissent plus de 20 personnes avec les applications non payantes comme Skype (et non Skype for Business) », explique Rabih Haddad.
Il se dit très content de donner ses cours à distance. « J’ai des étudiants qui vivent au Liban, en France, en Italie et ailleurs (grâce au programme d’échange européen Erasmus). Ils ont besoin d’être rassurés, d’apprendre à relativiser. Il faut que quelqu’un leur dise que quoi qu’il arrive, nous nous en sortirons », raconte-t-il, ajoutant avec un brin d’humour que « grâce à l’enseignement à distance, je peux désormais donner mon cours en fumant mon cigare et en buvant mon whisky ».
« Il faut savoir relativiser, l’humanité survivra au coronavirus et c’est l’art qui nous permettra de survivre », dit-il encore répétant comme un mantra cette phrase de Nietzsche : « Ce qui ne tue pas rend plus fort. »
Rabih Haddad vient en outre de lancer un club de lecture à distance.