On a accouru en salle pour voir Capharnaüm.
On a pleuré devant Capharnaüm.
On s’est senti concerné par la misère dans Capharnaüm.
On a voulu agir après Capharnaüm.
On a donc invité Nadine Labaki à l’Université Pour Tous pour parler de son Capharnaüm, et pour lui poser toutes les questions qui nous bouleversent depuis la sortie du film.
L’UPT a accueilli la réalisatrice et plus de 100 auditeurs venus discuter, partager leurs coups de cœur du film mais aussi leurs critiques et écouter les confidences de la réalisatrice qui nous a emmenés dans les coulisses de Capharnaüm. Également présents à cette rencontre, trois modérateurs spécialistes du domaine cinématographique, venus partager avec nous leur lecture du film : Pr Gérard Bejjani, professeur et critique de cinéma ; Dr Elie Yazbek, directeur de l’IESAV USJ ; M. Selim Mourad, cinéaste.
Elie Yazbek qui connaît Nadine Labaki depuis ses premiers pas à l’IESAV en tant qu’étudiante, a présenté la réalisatrice avec une rétrospective sur ses œuvres qui ont toutes connu un succès considérable au niveau international.
Selim Mourad salue, quant à lui, l’audace de Nadine Labaki qui choisit de mettre à la une de son film des femmes et des enfants étrangers, touchés par la misère et l’impasse de leur condition. Selim Mourad relève également les nombreuses questions que pose le film sur ces enfants, leur famille, leur état illégal et leur vie que nous n’avons pas l’habitude de voir d’aussi près.
Des questions auxquelles Pr Gérard Bejjani tente d’apporter des éléments de réponse en abordant trois niveaux d’analyse de Capharnaüm. Le niveau philosophique qui responsabilise le spectateur face à cette réalité quotidienne à laquelle nous refusons de nous soumettre. Le niveau religieux faisant de Zain un prophète ou un héros qui cherche à sauver, d’une part sa sœur de sa tragédie, et d’autre part Yonas de sa fatalité d’enfant abandonné à lui-même. Enfin, le niveau sociologique. Zain incarne l’image de la Matrona ; seule maman par choix qui accepte de porter Yonas en lui, comme un second Jonas ou un deux fois né. Zain, ce jeune garçon qui assume son rôle maternel dans cet univers marqué surtout par des hommes présents-absents, comme un Liban en manque de père, de repère, de modèle, de patrie.
Nadine Labaki nous livre enfin ses confidences sur le film où les scènes de tournage et la vraie vie ne font plus qu’une même réalité, et où la seule actrice, c’était elle dans le rôle de l’avocate. Tous les autres sont des acteurs amateurs pris de la vie elle-même, ils ne jouaient pas, mais reprenaient face à la caméra des scénarios de leur quotidien.
Nommée pour la première fois Présidente du jury de Cannes catégorie Un certain regard, la réalisatrice libanaise dit sa détermination de porter la cause de Capharnaüm pour un long moment encore. Avec sa tournée mondiale, elle espère faire bouger la situation des enfants de la rue en leur offrant un avenir ne serait-ce que moins dangereux, comme c’est aujourd’hui le cas pour Zain qui, par une brillante métalepse, nous regarde à la fin du film pour nous dire : je suis devenu quelqu’un maintenant, j’ai une identité, un passeport, l’absolument unique, l’absolument irremplaçable. Vous m’avez regardé, vous m’avez reconnu. Elle est retrouvée. Quoi ? La famille adoptive, les spectateurs, le cinéma.