Le numéro 94 de la revue pluridisciplinaire de l’Université Saint-Joseph de Beyrouth Travaux et Jours, est consacré à la ville de Tripoli. Il tente, au-delà d’une recherche quasi-proustienne, des parfums de fleurs d’orangers de jadis qui embaumaient les lieux et les esprits, de proposer des solutions tangibles pour lutter contre la négligence de l’État et la paupérisation dont souffre la capitale du Nord depuis quelques décennies ; ceci en marge du souvenir et de la douleur de la dépossession.
Comment retrouver donc Tripoli-la-Parfumée « al fayha’a » ? Telle est la question qui traverse le dossier qui s’ouvre en préambule par l’appel au changement de Rayya Haffar El-Hassan, ministre de l’intérieur. Elle y expose en quelques points les richesses de Tripoli et ses potentialités non exploitées, sur lesquels reviennent la plupart des articles brossant la descente aux enfers de la ville, dénonçant le changement démographique dû à la guerre civile, l’absence de l’État par le biais de différents registres littéraires, culturels, et transformant certains quartiers de Tripoli en un lit de l’intégrisme religieux.
Khaled Ziadeh décrit le site, les lieux et surtout l’évolution de l’espace urbain et de son aménagement qui a fini par couper la ville centrale (al Tall) en deux. Bruno Dewailly, tripolitain d’adoption, décortique finement les paramètres de la régression.
Joumana Chahal Tadmoury, retrace la richesse du patrimoine, urbain et culturel de Tripoli. Saba Zreik offre un article de référence en dressant une recension quasi exhaustive des richesses patrimoniales dans tous les domaines de la culture. Rita Bassil à travers les textes du rappeur Mazen El Sayyed« El Rass » fait entendre le cri de la misère et des bas-fonds d’une cité délaissée marginalisée, ignorée et défigurée. Sur le même registre, Hady Zaccak rend hommage à Georges Nasser, récemment décédé et qui fut le pionnier du cinéma libanais dès les années 1950. L’analyse de son parcours et de sa carrière est très significative de l’identité culturelle libanaise, fort marquée au siècle dernier par l’héritage colonial.
Dans la section « Articles d’auteurs », l’article de Clotilde de Fouchécour, illustre, à partir de son expérience avec l’ONG « Sel de la Terre » à Sebeel, dans les environs de Tripoli, la fécondité du partenariat entre les secteurs privés et publics, en renforçant ce dernier en vue de la construction d’une nation et d’une citoyenneté commune.
Trois commentaires littéraires terminent ce numéro. NohaMaroun signe deux articles, un compte-rendu détaillé du roman Daniel de Gérard Bejjani et un commentaire de la pièce de théâtre Orage d’été d’Elie Yazbeck. Enfin Nada Nassar Chaoul, jette un regard sur l’œuvre de Charif Majdalani, notamment son dernier roman Histoire de la Grande Maison.