Amphithéâtre bondé, ce 23 octobre 2018, pour la table ronde organisée par le Centre d’études des droits du monde arabe (CEDROMA) de la Faculté de droit et des sciences politiques de l’USJ, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) et l’Institut Issam Farès pour les politiques publiques et les affaires internationales (IFI) de l’AUB. Cette table ronde portait sur le « Pacte mondial sur les réfugiés » qui doit prochainement être soumis à l’Assemblée générale des Nations Unies.
Après le mot d’accueil prononcé par le Professeur Marie-Claude Najm Kobeh, directeur du CEDROMA et le mot d’ouverture du Professeur Salim Daccache, Recteur de l’Université Saint-Joseph, les discussions du premier panel, modérées par M. Sami Atallah, directeur du Centre libanais d’études politiques (LCPS) ont porté sur les conditions du principe de « responsabilité partagée » promu par le Pacte. Dans sa présentation de la situation des réfugiés syriens au Liban de 2011 jusqu’aujourd’hui, le Professeur Nasser Yassin, directeur de recherche à l’IFI, a dénoncé l’exclusivité de la « perspective sécuritaire » qui anime la politique officielle libanaise face à la crise des réfugiés, lui préférant une politique davantage fondée sur une « stratégie économique et sociale ». Madame Christina Lassen, ambassadrice et chef de la délégation de l’Union européenne au Liban, a préféré souligner le « bien public » que le Liban apportait à la communauté internationale, tout en exposant, chiffres à l’appui, la consistance d’une aide européenne qui commence aujourd’hui à investir au Liban dans les secteurs de la santé et de l’éducation et qui devrait demain s’étendre à des projets d’infrastructure d’envergure. Maître Alia Aoun, conseillère juridique principale pour les affaires humanitaires auprès du ministère libanais des Affaires Etrangères, après avoir souligné le choix de la « responsabilité » partagée - et non celui de la coopération ou de la solidarité internationales - comme fondement du Pacte mondial sur les réfugiés, s’interroge sur l’efficacité et sur les modalités de ce partage en l’absence de valeur contraignante du Pacte pour les Etats. Si les mécanismes prévus par le Pacte sont autant d’occasions intéressantes pour mettre en application et évaluer ce partage de responsabilités, Maître Aoun ne manque pas de noter l’absence de mesures importantes comme l’ouverture des frontières, et de préciser que le critère d’un partage équitable devrait être celui de la capacité des Etats.
Les discussions du deuxième panel, modérées par Monsieur Tarek Mitri, ancien ministre et directeur de l’IFI, ont quant à elles porté sur les solutions durables aux situations des réfugiés. Le Professeur Aïda Azar, vice-doyen de la Faculté de droit et des sciences politiques de l’USJ, a mis en lumière les rapports existant entre le principe de non-refoulement et le droit au retour. Le principe de non refoulement dont bénéficient les réfugiés demandeurs d’asile est un principe de droit humanitaire garanti par la Convention de Genève et ayant acquis par la suite valeur coutumière. Ses caractéristiques semblent contraster avec un droit au retour, tributaire des circonstances et de la volonté politique des Etats concernés. Le caractère aléatoire de ce droit au retour fera alors de l’asile la seule solution durable actuellement disponible aux réfugiés, d’où la nécessité d’un meilleur équilibre entre les droits des Etats et ceux des réfugiés. C’est justement sur la priorité donnée par le gouvernement libanais au droit au retour qu’a insisté Monsieur Jihad Harfouche, attaché diplomatique au ministère libanais des Affaires Etrangères. En effet, le rapatriement des réfugiés, fondé en droit international, demeure la meilleure solution face à la réinstallation des réfugiés dans d’autres pays, réinstallation dont M. Harfouche met en cause l’efficacité au regard du très faible pourcentage de réfugiés ayant bénéficié, en 2017, de cette solution. Quant à la solution consistant en l’intégration locale des réfugiés, M. Harfouche rappelle qu’une telle décision relève de la souveraineté de l’Etat hôte et ne peut être envisageable au Liban, dont la Constitution interdit l’implantation des réfugiés. Madame Emmanuelle Lamoureux, ambassadrice du Canada au Liban, choisit quant à elle d’exposer l’expérience du Canada dans la réinstallation des réfugiés, une réinstallation dont l’efficacité peut être réhabilitée par le recours au parrainage privé des réfugiés par les citoyens. Ce parrainage, expérimenté au Canada, semble produire ses effets et s’étendre à plusieurs pays dont des pays de l’Amérique latine. Retour au Liban avec l’intervention de Madame Mireille Girard, représentante du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés au Liban, qui a exposé de manière détaillée l’action du Haut-Commissariat, au Liban et en Syrie, pour le retour volontaire des réfugiés, que cette action soit menée directement auprès des réfugiés ou bien en collaboration avec les autorités syriennes et libanaises. Les conclusions de la table ronde ont enfin été dégagées par Monsieur Karim Bitar, directeur p.i. de l’Institut des sciences politiques de l’USJ et directeur de recherche à l’institut des relations internationales et stratégiques de Paris (IRIS).