Salle comble, vendredi dernier, à l'amphithéâtre Gulbenkian de la faculté de droit et des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph, rue Huvelin, pour le débat avec le journaliste Patrick Poivre d'Arvor, modéré par le professeur Pascal Monin, chargé du master de marketing politique de la faculté des sciences politiques. Un débat qui a permis d'entrevoir différentes facettes de l'homme derrière l'image de « star » du paysage audiovisuel français. PDDA a ainsi décrit sa « curiosité » du politique qui lui a fait choisir la formation de politologue. De ses nombreuses études « plus ou moins réussies, plus ou moins achevées », c'est son passage à Sciences Po qui le marquera le plus. À sa première ambition « idéaliste », selon ses propres termes, de faire de la politique, se substituera son avidité d'en transmettre la réalité, en respectant la limite ténue entre le pouvoir et les médias.
C'est son intimité qu'il a également dévoilée en s'exprimant en père de famille endeuillé par le décès précoce de trois de ses enfants, dont Solenn, qui s'est suicidée des suites de son anorexie. Cette maladie sera l'objet d'un engagement humanitaire pour PPDA qui fondera un centre de soins en son nom, en coopération avec Bernardette Chirac, qui a failli perdre sa fille pour les mêmes raisons. « J'ai apprivoisé la mort », a-t-il dit, en précisant que c'est « le travail qui (l')a aidé à ne pas sombrer ». Enfin, son engouement pour le domaine de l'art, notamment la littérature (il a écrit une soixantaine d'ouvrages) et le théâtre (il est venu au Liban pour jouer dans la pièce Garde alternée, au profit de la Voix de la femme libanaise), a apporté à l'audience la preuve qu'une autre vie est possible, si ce n'est après le journalisme, du moins parallèlement.
Très proche des gens
D'emblée, le professeur Pascal Monin a présenté son invité comme « très proche des gens », en dépit de l'écran qui le séparait d'eux et qui a donné l'impression à PPDA, pendant trente ans de présentation du JT (sur Antenne 2 puis sur TF1) qu'il se livrait à « un monologue avec (lui-même) ». S'il est « l'un des journalistes les plus populaires », c'est en partie parce qu'il a été « un intervieweur redouté mais respecté », a poursuivi M. Monin, rappelant qu'il a inspiré la marionnette centrale des Guignols de l'info. Mais comment préserver aujourd'hui l'autonomie d'un métier « en perpétuelle mutation », menacé de surcroît par « l'uniformisation de l'information » ? s'est interrogé M. Monin. C'est par des préceptes simples que lui répondra Patrick Poivre d'Arvor. Son éthique du métier, M. Monin l'a résumée par l'une des citations de PPDA inspirée d'Albert Londres : « Le journaliste n'est là ni pour déplaire ni pour complaire, mais pour remuer la plume dans la plaie. »
À cela, M. Poivre d'Arvor a ajouté que le journaliste doit « chercher à se mouvoir de manière à être le plus libre possible ». Cela n'est pas toujours facile, a-t-il reconnu. Mais en dépit « des pressions exercées par les grands groupes économiques sur les équipes de rédaction », il subsiste une part de pouvoir intrinsèque au journaliste, ce pouvoir de « faire la passerelle entre ce que vous savez des cercles politiques, d'une part, et les gens qui vous regardent, vous écoutent et vous lisent, de l'autre ».
Ce pouvoir devrait se mettre en œuvre indépendamment de l'époque où se meut le journalisme : « Le premier défi reste de bien comprendre les choses qu'on transmet ; le deuxième défi est de bien les expliquer ; et le troisième est de continuer à regarder les autres, à combler le besoin naturel de parler à l'autre. » Ce troisième enjeu trouverait un relais dans les nouveaux médias, que PPDA perçoit comme le signe sain d'une « interconnexion mondiale ». Il s'attarde toutefois sur le paradoxe entre l'abattement des frontières dans le monde numérique et le repli identitaire qui « n'a jamais été aussi palpable ».
S'il est un conseil que PPDA peut donner à ses confrères pour lutter contre l'uniformisation de l'information, « dont pâtit surtout la télévision », c'est de « ne pas chercher à copier son voisin, ou à suivre la tendance établie par une autre chaîne autour d'un certain événement, ne pas avoir peur de transmettre les choses telles qu'on les a assimilées, indépendamment des autres couvertures ».
Et pour conclure, PPDA ne manque pas de se livrer à un plaidoyer en faveur de la francophonie, soulignant l'importance de préserver la langue française qui demeure, entre autres, un « véhicule culturel majeur ».