Homélie du P. Salim Daccache s.j., recteur de l’Université Saint-Joseph aux funérailles du P. René Chamussy s.j.,

Homélie du P. Salim Daccache s.j., recteur de l’Université Saint-Joseph aux funérailles du P. René Chamussy s.j., recteur émerite de l’USJ, le samedi 29 octobre 2016
Samedi 29 octobre 2016
Église Saint-Joseph des Pères Jésuites à Beyrouth - Quartier jésuite
Organisateurs

René CHAMUSSY nous quitte à un âge avancé, mais la valeur de l’homme ne se mesure pas au nombre des années vécues. C’est ainsi que la vie de René Chamussy fut remplie d’une belle moisson, celle du pasteur, de l’éducateur et du dirigeant. Celle du pasteur que nombreux parmi vous ont connue dans cette église de Saint Joseph, si fidèle à la célébration de l’Eucharistie, si fidèle à cette belle messe du dimanche soir, où il se présentait une heure avant, en jeune premier, afin de recevoir les confidences de ses paroissiens et de ses amis venus nombreux assister à la légendaire messe du P. Chamussy. N’a-t-il pas écouté cette parole du Seigneur disant : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi je demeure en lui » ? Il l’a écoutée et assumée jusqu’à en devenir le témoin. Ce pasteur qui a trouvé sa demeure dans le Seigneur, ce bon pasteur à l’image de son maître, Jésus Christ, était à l’écoute des adultes et des enfants, osait la parole directe mais combien respectueuse, un commentaire bref mais pertinent de l’Évangile, lui qui se nourrissait au quotidien de la Parole de l’Évangile pour qu’il nourrisse le peuple de Dieu de cette même nourriture de la vie éternelle et de la charité chrétienne. Cette mission de pasteur il l’a vécue en bon jésuite, assumant ses choix religieux dans l’obéissance à la parole de vie et à la noblesse des choix dans une totale liberté. L’image du pasteur que fut René Chamussy fut intimement liée à celle de l’éducateur durant ses deux années à Jamhour puis plus longuement au Centre Culturel Universitaire et à l’Université Saint-Joseph. Cette vocation n’est-elle pas l’une des caractéristiques des longues générations de Jésuites au Liban, au Proche-Orient et ailleurs, qui ont consacré leur vie afin d’aider les jeunes à se former à l’école de l’excellence morale, citoyenne et professionnelle ? René Chamussy, les différents et multiples témoignages de ces jours-ci, à ton égard, surtout parmi les Anciens de l’USJ, n’ont pas manqué de mettre en évidence tes belles qualités du compagnon de dizaines de cohortes des différentes institutions de l’USJ comme l’ETIB et la communication. Les nombreux témoignages et messages de tes Amis reçus d’un peu partout de ce grand monde mettent en évidence leur premier contact avec cet homme dédié à l’éducation de qualité Et puis René Chamussy fut le dirigeant qui a grimpé l’échelle des responsabilités à l’USJ jusqu’en devenir son recteur, chargé d’en protéger la Charte et la mission et les valeurs. Ce sont ces intuitions de base, de l’identité et de la mission de l’Université Saint-Joseph, l’honnêteté, la rigueur, l’ouverture, l’excellence et la confiance qui l’ont guidé pour orienter le gouvernail telles que transmises de génération en génération, mises en relief par un Jean Ducruet et enracinées culturellement par un Sélim Abou. Ce fut son souci au quotidien, malgré une santé qui donnait des signes alarmants, que de relever les défis et assurer à l’USJ la source de vie, les besoins nécessaires et les infrastructures qui lui donnent vitalité, largeur d’esprit et de vision d’avenir. Chers Amis, qu’est-ce que 80 ans dans la vie d’un jésuite lyonnais à Beyrouth ? Ce sont 80 ans répartis en 4 dimensions ou bien, s’il fallait utiliser sa terminologie, en quatre binômes, à savoir : la Famille et la Compagnie (les Chamussy et les Jésuites), le Liban et la France, l’enseignement et la gouvernance et enfin : les amis et les amis. 1-La Famille et la Compagnie Commençant par le cercle familial, René CHAMUSSY est né le 15 décembre en 1936. Issu d’une famille lyonnaise bien enracinée à l’ombre de Notre-Dame de Fourvière, 1’enfant qui a connu les bombardements de la 2ème guerre supportait mal le sucre trempé dans l’eau de rose pour calmer la peur des enfants. Sorti de la guerre, il avait choisi, sur les traces de ses ancêtres et notamment son oncle le grand Recteur de l’USJ de 1951 à 1958 Charles Chamussy, sa deuxième famille : celle des Jésuites. Et le hasard fut qu’il rencontre Sélim ABOU en France, et le voici à Beyrouth dès 1966. Et là aussi on allait lui présenter notre « café blanc » durant les heures noires de la guerre civile qui lui rappelaient la même angoisse, et consolidaient la même volonté de résistance. Installé à Beyrouth, il n’aura pas le temps pour une nostalgie de la colline de Fourvière, de la Famille, de la résidence familiale des Pommiers puisqu’il est bien intégré à la Résidence jésuite de Bikfaya, puis au Collège de Jamhour et à l’église de Saint-Joseph tout en s’intégrant à l’Université. Les membres de sa nouvelle famille forment un beau clan jésuite allant de Jean DUCRUET, Michel ALLARD, Louis POUZET, John DONOHUE, Bruno SION et Joseph NASSAR jusqu’au compagnon de toujours Sélim ABOU, celui pour qui la perte de son frère René, comme il l’appelait ces derniers-temps, est immense. 2-Le Liban et la France Parler de la famille et de la Compagnie, c’est évoquer en même temps les relations entre la France et le Liban, c’est penser tout de suite à Lyon qui a donné au Liban une multitude de missionnaires jésuites qui ont marqué tant de générations de Libanais. René Chamussy jusqu’à la fin de sa vie, vivait une appartenance forte au Liban, son pays d’adoption, le pays qui lui a octroyé, il y a quatre ans, la nationalité libanaise dont il était fier, tout en étant bien fier de ses origines lyonnaises et françaises. Cette appartenance au Liban il l’a vécue pleinement par sa multiple mission mais aussi dans la souffrance, ayant fait le choix de suivre et de vivre les péripéties de la guerre folle, comme il l’appelait, des années 1975 à 1990 ; Ses Chroniques de guerre demeurent un document averti et actuel pour nombre de chercheurs. En cela, Mais dans cette affaire de la double appartenance entre la France et le Liban, l’équilibre était constamment assuré, Fidèle lecteur de L’Orient-Le-Jour et des résumés en français du Safir et d’Annahar, il avait toujours le rendez-vous les mercredis avec Le Canard enchaîné, sans oublier Le Monde diplomatique et le Courrier International, à tel point qu’arrivé en fin d’année, il avait déjà écrit l’état du Monde, car dans son âme se cachait une autre profession : celle du journaliste et du chroniqueur. 3- L’enseignement et la gouvernance Ce métier caché n’a pas pu éclipser la mission prioritaire de René CHAMUSSY que fut son engagement au sein de l’USJ. D’abord comme enseignant. Des centaines d’étudiants ont apprécié ses cours comme « l’initiation à la sociologie » et son cours à deux voix avec le Père DONOHUE sur « les idéologies du monde arabe ». Ensuite comme responsable académique et administratif écouté par tous et à l’écoute de tous, d’abord à la tête du Département de Sociologie, de l’École de Traducteurs et d’Interprètes de Beyrouth, de l’Institut de Langues et de Traduction et de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines. À la tête de l’Université, il pousse au développement académique et favorise la construction d’un nouveau campus de l’Innovation et du Sport. Mais il essaie d’explorer de nouvelles pistes en amenant l’Université vers de nouveaux territoires. Le voilà en Iran, en Chine, en Russie, aux Etats-Unis et au Brésil, pour élargir et diversifier la coopération. Le voilà qui ouvre la section de l’USJ de Dubaï en 2008. Le voilà qui renforce l’enseignement de l’espagnol, du japonais et jusqu’au chinois. Attentif aux nouveautés et aux mutations, il place l’USJ dans les problématiques du siècle telles que celles de l’énergie, de l’environnement et du développement durable et l’engage dans la voie de la diversification et de l’innovation : et voilà qu’après Berytech s’installent le Pôle Technologie Santé, les nouveaux laboratoires et les nouvelles chaires comme la Sécurité routière avec la Société Renault. Ayant une profonde fibre sociale digne de ses compagnons jésuites, il fut avec Jean DUCRUET et Carmel WAKIM l’un des concepteurs du Service social et d’aide financière aux étudiants qui aujourd’hui parraine plus de 2800 étudiants de l’USJ et n’a pas hésité à créer en 2006 le bras social de l’USJ l’opération 7ème jour afin de mener l’Université, enseignants, étudiants et membres de l’administration, vers un engagement social auprès des victimes de guerre et des plus marginaux. Lorsqu’il quitta le rectorat, il m’a dit que sa santé lui permettait seulement la gestion d’une société de l’USJ qui s’occupe d’une partie de son patrimoine et une place de Conseilleur auprès d’Arc en ciel pour montrer encore une fois son intérêt pour l’engagement citoyen et humain sans limite. 4- Les amis et les amis Au cœur de tout cela, s’est inscrit en lettres d’or un mot si cher à René Chamussy : l’amitié. En effet, pendant les 50 ans passés au Liban, il a su tisser autour de lui un réseau d’amis. C’est peut-être grâce à son pouvoir d’écoute, à une finesse d’analyse et d’humour, à un accueil convivial et frais qu’il a toujours assumé un seul et même poste : celui de « Guérisseur par l’écoute » empruntant cette appellation à un témoignage de l’un de ses amis. Avec ou sans titre, les voitures passaient pour l’accompagner pour un café ou partager un repas. Autour de lui et à travers lui se tissaient les liens d’amitié et se formaient les réseaux d’amis comme les Issa, les Chéhab, Jarjoura Hardane, Henri Awit et Henri Awaiss et d’autres nombreux de la ville de Beyrouth. Cette belle sensibilité innée à l’amitié, je la rencontre dans beaucoup de lieux fréquentés par René comme l’Agence universitaire de la francophonie où il n’est pas rare qu’on m’interroge sur Monsieur Chamussy, l’élégant par son discours et sa bonhomie. Un souvenir qui demeure… Enfin si j’ai un dernier beau souvenir de René Chamussy c’est qu’il était conscient fortement de sa maladie, mais l’accueillait en toute dignité et dans l’attitude de l’homme debout, déjà ressuscité. Parfois, il se plaignait mais avec un sentiment de confiance et en invoquant Dieu qui ne laisse pas dépérir ses amis. En vérité, Il répétait cette parole de Saint Paul dans l’épître aux Corinthiens que nous avons entendu : « même si en nous l'homme extérieur va vers sa ruine, l'homme intérieur se renouvelle de jour en jour ». C’est cet homme intérieur, cette profondeur de foi et d’espérance, d’amitié et de vision que nous saluons et qui demeure le lot qu’il nous confie pour les temps à venir ! Mes condoléances je les présente à vous tous réunis pour ce devoir d’adieux, la Famille venue de Lyon, les Compagnons Jésuites, les Amis, la communauté de l’USJ et à tous ceux qui l’ont connu et apprécié. Requiem in Pace ! Amen.