Scolarisation des réfugiés syriens : Franc succès dans l’éducation de base, mais peu d’adeptes chez les ados

Article paru dans L'Orient-Le Jour 11/3/2016
Vendredi 11 Mars 2016

Une enquête menée par l'Institut des sciences politiques de l'USJ révèle que 60 % des petits réfugiés sont scolarisés, dont 47 % à l'école publique.

Bilan positif pour la campagne « Back to School » (Retour à l'école) lancée en septembre 2015 par le ministère de l'Éducation à l'intention des réfugiés syriens du Liban et des petits Libanais, avec l'aide des Nations unies et de la communauté internationale. Et ce avec 60 % des petits réfugiés syriens scolarisés, dont 47 % à l'école publique.


Mais un bémol toutefois, et de taille, que l'on pourrait interpréter comme un cri d'alarme : si la scolarisation des petits réfugiés syriens est un franc succès dans l'enseignement de base, la scolarisation des adolescents syriens de 12 à 17 ans est encore trop timide. Plus l'enfant grandit, plus elle baisse. Elle plafonne à 25 % pour les jeunes de 15 ans, mais chute à 10 % chez les adolescents de 16 ans. Une réalité inquiétante pour ce groupe d'âge considéré comme vulnérable, d'autant que l'éducation est un rempart contre le travail de l'enfance, le mariage précoce, le comportement antisocial, voire la radicalisation.
C'est ce qui ressort principalement d'une enquête réalisée par l'Institut des sciences politiques de l'Université Saint-Joseph et financée par l'ambassade d'Allemagne. Une enquête menée conjointement par des étudiants libanais de l'USJ et syriens de l'Université libanaise, entre novembre 2015 et janvier 2016 auprès de 914 petits réfugiés interrogés chez eux, répartis sur l'ensemble du pays, dans 120 villages plus exactement. Les résultats ont été présentés hier, à l'Institut des sciences politiques de l'USJ, par ces mêmes élèves et par leur directrice, Carole Charabati, lors d'une conférence-débat qui a vu la participation du directeur général du ministère de l'Éducation, Fady Yarak.


L'événement s'est déroulé en présence de représentants des pays donateurs, notamment de représentants de la Banque mondiale, de l'ambassade d'Allemagne, de l'Union européenne, de l'Unicef, du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et de nombreuses associations. Il n'a pas manqué de mettre en valeur certaines failles dans la scolarisation des petits Syriens, liées non seulement à l'enseignement lui-même, à la difficulté d'adaptation de nombre d'élèves syriens ou aux problèmes liés au transport scolaire, mais aussi aux méthodes de recrutement de ces élèves, pour les encourager à rejoindre les bancs de l'école. « Un recrutement qui est de la responsabilité des pays donateurs », comme l'a assuré M. Yarak.

 

Un taux de décrochage scolaire en augmentation durant l'année
Dans les détails, l'enquête a montré que le taux de scolarisation des réfugiés syriens est très élevé à Beyrouth (75 %), mais particulièrement bas au Akkar, dans la Békaa et à Ersal-Baalbeck, que ce taux est souvent lié à la proximité de l'école, au travail des enfants aussi ; que 35 % des élèves syriens suivent les classes mixtes du matin, avec les élèves libanais (mais les relations sont difficiles), alors que 65 % d'entre eux suivent le cursus de l'après-midi, exclusivement consacré aux réfugiés syriens.


Quant au taux de décrochage scolaire, c'est dans la Békaa qu'il est le plus important (17 %), contre seulement 12 % dans le Sud. Les raisons sont multiples. Un tiers des réfugiés syriens scolarisés au Liban rencontrent des difficultés d'apprentissage à l'école libanaise, des difficultés liées à certaines matières, comme l'anglais, les maths, le français. Nombre d'entre eux aussi, 41 %, ne sont pas heureux au Liban. Ce taux de décrochage risque de s'élever nettement plus, durant la saison agricole, nombre d'élèves étant envoyés aux champs pour la récolte, moyennent quelques milliers de livres. Toutefois, une relation de qualité avec l'enseignant et les devoirs à la maison sont deux facteurs permettant de lutter efficacement contre l'abandon scolaire. Sans compter que les enfants en situation de décrochage sont nettement moins heureux que les élèves scolarisés.


Ces quelques observations parmi tant d'autres ont un seul objectif. « Mesurer l'impact de la politique libanaise d'accès à l'éducation et la qualité de l'enseignement public », a expliqué Mme Charabati, à l'issue de la présentation des étudiants.


Saluant le travail des étudiants, Fady Yarak a tenu à recadrer certaines données. Il a rappelé que le nombre de réfugiés syriens en âge d'être scolarisés s'élève à 400 000 enfants. « Notre objectif était de scolariser cette année 200 000 élèves syriens à l'école publique. Nous en avons scolarisé 182 000, sans compter les 38 000 élèves inscrits dans des écoles privées. Nos portes sont ouvertes aux autres enfants », a-t-il poursuivi, invitant les organisations internationales à orienter les réfugiés vers l'école publique.
Il a toutefois tenu à mettre l'accent sur trois problèmes essentiels : dans les camps sauvages de réfugiés, les responsables de ces camps, baptisés chawich, refusent d'envoyer les enfants à l'école et préfèrent les faire travailler. Autre défi, « fermer certains établissements louches, qui portent à tort le nom d'écoles ». Enfin, l'éducation informelle, réservée aux réfugiés dans l'incapacité de suivre le cursus scolaire, est pour l'instant prise en charge par de nombreuses associations.
« Le ministère de l'Éducation veut devenir le seul organisateur de l'enseignement non formel », a-t-il annoncé, ouvrant le débat.