Dans le cadre d'une conférence sur les conflits au Moyen-Orient organisée par l'Institut de sciences politiques de l'Université Saint-Joseph, trois intervenants ont analysé dans une approche historique les grandes transformations régionales post-2011.
Ainsi, à la veille de la commémoration de la mort de Mohammad Bouazizi en janvier 2011, et cinq ans après le début du printemps arabe, Karim Émile Bitar, directeur de recherche à l'Iris et spécialiste du Moyen-Orient, dresse une étude comparative des changements intervenus en Tunisie et en Égypte, depuis le début des soulèvements. Partant du constat que la Tunisie incarne la seule success story dans la conduite du processus de transition démocratique, il insère cette trajectoire dans la « particularité de l'histoire d'un pays à l'avant-garde des réformes social-libérales dans le monde arabe ».
La stratégie des acteurs politiques de la transition privilégiant la voie de la négociation et les mécanismes de la démocratie participative a également été déterminante dans ce parcours. Dans une phase post-2011 où les États arabes sont défaillants, la Tunisie apparaîtrait encore comme un modèle de stabilité.
Karim Bitar relativise néanmoins cette approche en rappelant les critiques d'analystes tunisiens (Nadia Marzouki, Hamza Meddeb) qui concluent au « mirage tunisien, face à l'ampleur des défis persistants pour forger un nouveau pacte social ». À l'instar de la Tunisie, l'Égypte est un pays également homogène mais qui a suivi une trajectoire différente. Celle-ci s'explique par un ensemble de facteurs d'ordres politique, économique, démographique, etc, la réalité d'un pouvoir aux mains de l'armée, une culture partisane faible, des problèmes économiques structurels dans un pays qui connaît l'un des taux de pauvreté les plus élevés du monde arabe...
Ces particularismes expliqueraient une transition avortée par le coup d'État militaire de juillet 2013. Karim Bitar citant les analyses de Hussein Agha et Robert Malley rappelle également la « complexité des situations où la révolte n'a pas opposé uniquement une population à un régime, mais une partie de la population à une autre, et un régime à d'autres pays ». C'est le cas du « scénario syrien qui renferme ces trois dimensions à travers une polarisation communautaire et une ingérence étrangère massive ». La Turquie, aujourd'hui principal soutien de l'opposition syrienne, a surfé sur la vague des révoltes arabes et opéré un changement brutal.